Le sort qui doit être réservé à la statue de John A. Macdonald, décapitée et déboulonnée l’an dernier au centre-ville de Montréal, est source de discorde entre la mairesse sortante, Valérie Plante, et son rival Denis Coderre.

Le chef d’Ensemble Montréal a réaffirmé lundi souhaiter que John A. Macdonald, architecte de la politique des pensionnats pour autochtones, retrouve sa place dans l’espace public. Or, contrairement à ce que M. Coderre avait affirmé la semaine dernière, la figure controversée de l’histoire canadienne n’aura pas droit à un socle, a-t-il nuancé. « On n’efface pas l’histoire, mais on ne la met pas sur un piédestal. Est-ce qu’il y a une façon de se rappeler, sans célébrer la personne, d’utiliser cette opportunité-là pour en faire un outil de diffusion et d’apprentissage ? »

La sculpture en bronze du premier premier ministre du Canada avait été renversée par des manifestants anticolonialistes en août 2020. Elle est depuis entreposée par la Ville de Montréal, qui n’a pas statué sur son sort.

Si M. Coderre est élu le 7 novembre prochain, le monument sera restitué à la place du Canada, mais celle-ci sera « renommée et requalifiée » pour devenir la « place de la Réconciliation ». L’ex-maire a fait cette annonce au cours de discussions menées par Valérie Beaulieu, directrice générale de l’organisme Culture Montréal, avec les deux principaux candidats à la mairie, lundi après-midi. Le thème de l’art public était alors abordé. « Ce sera un lieu de pèlerinage, un lieu de recueillement qui va permettre de ramener un vivre-ensemble qui va devenir symbolique et très, très fort », a précisé le candidat d’Ensemble Montréal. Des plaques commémoratives et explicatives y seraient entre autres installées.

M. Coderre a admis qu’il n’avait pas consulté les communautés autochtones avant de proposer ce changement de vocation et de toponymie. « J’ai le privilège d’avoir un bâton de parole qui m’avait été donné par Ghislain Picard et les membres de la communauté mohawk, s’est-il justifié. J’irai les rencontrer pour leur dire : “Regardez, on va faire quelque chose de façon inclusive.” »

PHOTO DAVID OSPINA, FOURNIE PAR CULTURE MONTRÉAL

Valérie Plante, mairesse sortante

La mairesse sortante, Valérie Plante, a dénoncé une attitude « paternaliste » et « condescendante ». « Le premier principe de la réconciliation, c’est de cesser de décider pour les Autochtones ce qui est bien pour eux, a réagi la cheffe de Projet Montréal après son entretien, en conférence de presse. Je trouve ça malaisant que Denis Coderre décide, sans parler à personne, de ce qui doit être fait. Ça démontre un paternalisme dont les Autochtones veulent vraiment se débarrasser. »

En ce qui concerne la statue de John A. Macdonald ou tout autre dossier similaire, le parti de Valérie Plante s’en remet à « un cadre de reconnaissance » pour « sortir le politique » des décisions. « Quand on a créé la rue Atateken [anciennement Amherst], ça a pris du temps, c’est vrai, mais on s’est assis avec différentes communautés autochtones. On avait un comité de toponymie. La réconciliation, c’est de nation à nation. »

Les deux candidats à la mairie se sont toutefois ligués dans leur intention de soutenir le projet DestiNATIONS, ambassade vouée à la diffusion de la culture autochtone.

Des engagements en culture

Plus tôt dans la journée, Projet Montréal et Ensemble Montréal avaient dévoilé de nombreux engagements en matière de culture. Denis Coderre souhaite notamment imposer une taxe aux propriétaires de panneaux publicitaires de Montréal. La mesure, croit-il, pourrait rapporter jusqu’à 10 millions par année, comme c’est le cas à Toronto. L’administration Coderre utiliserait ces revenus pour instaurer un régime de protection des artistes intermittents, qui obtiendraient des conditions semblables à celles des travailleurs saisonniers.

« Si on considère la culture comme une industrie, on doit respecter les artistes et les artisans pour qu’ils vivent de leurs créations, pour qu’on leur enlève le plus de stress possible », a expliqué M. Coderre. L’ex-maire dit vouloir se battre dans ce dossier comme il l’a fait lors de son mandat (2013-2017) pour que Montréal obtienne le statut de métropole.

PHOTO DAVID OSPINA, FOURNIE PAR CULTURE MONTRÉAL

Denis Coderre, candidat à la mairie

Valérie Plante juge qu’un tel statut, qui existe en France, émanerait du fédéral ou du provincial, et non de l’hôtel de ville. « Ça va prendre un certain temps, dit-elle. Moi, ce que je propose aux artistes et au milieu culturel en général, ce sont des mesures concrètes, de l’aide financière, un plan de relance économique. »

Lundi matin, la cheffe de Projet Montréal a annoncé sept mesures qui seraient « rapidement mises en œuvre dans le deuxième mandat ». Parmi elles : un soutien de 1 million de dollars aux petits lieux privés de diffusion et aux cinémas de quartier, une enveloppe de 13 millions pour construire la Maison de la chanson francophone dans la bibliothèque Saint-Sulpice et l’aménagement d’entrepôts événementiels dans le Quartier des spectacles.

Bien que le diable soit dans les détails, M. Coderre et Mme Plante ont manifesté des intentions concordantes dans de nombreux dossiers : insonorisation des salles de concert, financement accru du Conseil des arts de Montréal, valorisation du patrimoine bâti, construction d’une bibliothèque pour adolescents, encouragement des loisirs culturels, nouvelle politique de développement culturel en 2022, fiscalité préférentielle pour les ateliers d’artistes, soutien aux œuvres murales, etc.

Ces mesures font écho à une quarantaine de recommandations énoncées par Culture Montréal au début du mois de septembre, en marge de la campagne électorale municipale.