Chaque semaine, des journalistes des Arts de La Presse nous font le récit d’une anecdote vécue lors de la couverture d’un évènement culturel. Le plus grand malaise qu’ils ont ressenti, le moment le plus stressant d’une affectation, le spectacle le plus amateur qu’ils aient vu, l’entrevue la plus pénible, etc. Voici leurs témoignages. Bonne lecture !

Au Festival de Cannes, à la quantité de stars au pouce carré, on finit par faire des rencontres inusitées. À mon premier Festival, en 2000, alors que je faisais la file pour voir Les fantômes des trois Madeleine, de Guylaine Dionne, une fille m’a demandé où se trouvaient les toilettes. Je ne l’ai pas immédiatement reconnue, mais elle me disait quelque chose. C’était Romane Bohringer, que j’avais interviewée quelques mois plus tôt pour un film de Bertrand Bonello à Montréal. Pendant les deux décennies suivantes, je me suis retrouvé à être le voisin d’urinoir de Benicio Del Toro au party de Sicario, de Denis Villeneuve, juste derrière Juliette Binoche dans la file pour prendre un avion à Nice – elle se plaignait au téléphone d’une collègue de travail à son agent – et face à Quentin Tarantino, le regard hagard, la chemise qui n’avait pas été repassée, au lendemain d’une soirée de clôture qu’il avait boudée en sachant qu’il n’aurait pas de prix pour Inglourious Bastards. Mais ma rencontre la plus insolite avec une star est sans doute la fois où j’ai croisé par hasard Martin Gore, de Depeche Mode, en faisant mon jogging le long du fleuve Colorado à Austin, au Texas, pendant le festival South by Southwest. Complètement hors contexte.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Marianne Faithfull lors de son passage à Montréal en 2011

Lire que Marc Cassivi a été le voisin d’urinoir de Benicio Del Toro m’a rappelé que je me suis aussi retrouvé au petit coin avec Sting, dans un club de Vancouver en 2007. Il était venu écouter le groupe de son fils Joe, Fiction Plane, qui faisait la première partie de la tournée mondiale de The Police, qui commençait le lendemain. J’avais pudiquement laissé un espace vide entre nous… Et je n’avais pas osé lui dire que je trouvais que son fils avait du cran de faire ça. J’ai osé ouvrir la bouche, par contre, quand j’ai croisé Marianne Faithfull dans l’ascenseur d’un hôtel montréalais au lendemain de son spectacle à la Place des Arts, au début des années 2000. Je l’avais complimentée, lui disant combien j’avais été touché. Elle m’a souri, m’a gentiment remercié et s’est penchée vers moi pour me tendre la main. Je suis resté immobile. Comme un con. Elle devait avoir aussi hâte que moi que les portes s’ouvrent…

PHOTO ULYSSE LEMERISE, ARCHIVES LA PRESSE

Mike Bossy

Lors de rencontres de presse tenues à Los Angeles, qui prennent souvent fin au début de l’après-midi, il m’est souvent arrivé de devoir prendre un vol avec correspondance à Toronto pour rentrer à Montréal. Cette fois-là, le départ prévu à 15 h (heure du Pacifique) a été retardé d’une bonne heure au moins, sinon plus. De sorte que quand l’avion s’est finalement posé à l’aéroport Pearson, il ne restait plus que quelques minutes pour franchir la douane (merci à saint Nexus pour faveur obtenue), passer la sécurité de nouveau, puis parcourir la grande distance séparant les deux terminaux. Bref, c’était la course effrénée pour attraper le dernier vol en partance pour Montréal en toute fin de soirée. M’accompagnant dans ma course, pendant que je pompais l’huile très sérieusement, un homme aux cheveux argentés, en super forme, qui filait devant moi. Quand je suis finalement monté dans l’avion, tout en sueur, essoufflé et le cœur dans la gorge, j’ai vu Mike Bossy assis dans son siège, frais comme une rose. « Ça a passé proche, hein ? », m’a-t-il lancé avec son plus beau sourire. C’est le moins qu’on puisse dire.

PHOTO TIRÉE D’IMDB

Ryan Golsing dans le film Crazy Stupid Love, sorti en 2011

Pour promouvoir ses films, Hollywood organise des rencontres de presse communément appelées junkets. Il fut une époque où les junkets étaient particulièrement fastes, si bien que je me suis retrouvée à l’hôtel Ritz-Carlton de Central Park, à New York, en 2011, en vue de la sortie du film Crazy Stupid Love, réalisé par Glenn Ficarra et John Requa. Nous sommes arrivés le samedi, le même jour que le visionnement du film. Le lendemain, de petits groupes de journalistes avaient droit à des tables rondes avec nul autre que Steve Carell, Julianne Moore, Emma Stone et un autre acteur très populaire auprès de la gent féminine... La veille des entrevues, alors que je pris le chic ascenseur de l’hôtel pour me rendre au cinéma, je ne m’attendais vraiment pas à ce que les portes s'ouvrent et que le beau Ryan Gosling y fasse son entrée. D’autres femmes se trouvaient avec moi dans la cabine. « Le rêve », a déclaré Ryan Gosling avec l’humour pince-sans-rire qu’on lui connaît… Je croyais en effet rêver !

PHOTO MICHAEL SOHN, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Daniel Craig en 2015

En mai 2016, j'étais à New York pour interviewer Jonathan Franzen, auteur de plusieurs best-sellers, dont The Corrections. Il accordait une seule entrevue au Québec pour la sortie de la traduction de son plus récent roman, Purity, et c’est moi qui ai eu la chance de le rencontrer dans son appartement new-yorkais. Il y a cinq ans, Franzen était une vedette de la littérature américaine. Six ans plus tôt, son roman Freedom avait été choisi par Oprah Winfrey pour son Club de lecture. Les médias avaient annoncé que Purity serait adapté pour la télévision. Justement, quand j’arrivai chez lui, dans l’Upper East Side, l’écrivain était en séance de travail sur le scénario de cette série à venir avec deux hommes qu’il me présenta dans le vestibule de son appartement. Ils allèrent dîner dans le quartier pendant notre rencontre. Je leur serrai la main distraitement. J'étais un peu stressée et les regardais à peine. Durant l’entrevue, qui dura plus d’une heure et qui se déroula à merveille, Franzen fit allusion à l’adaptation de Purity. « Je travaille là-dessus avec Todd Field et Daniel Craig, que tu as croisés tout à l’heure… » Et c’est comme ça, au détour d’une phrase, que j’ai réalisé que j'avais serré la main de… James Bond. Heureusement pour moi, il est revenu de son lunch avant mon départ et j’ai pu le saluer à nouveau. Il a dû me trouver pas mal plus chaleureuse et souriante cette fois…