La pandémie a vu naître une fournée d’émission de variétés aux concepts flous, qui ont été commandées en vitesse pour boucher des trous dans des grilles de programmation dépouillées de leurs séries phares, soyons honnête pendant deux secondes ici.

Chez TVA, qui a tardé à déclencher le tournage de ses téléromans l’été dernier, nous avons eu droit à Bijoux de famille, de Charles Lafortune, À tour de rôles, de Marie-Ève Janvier ainsi que Sans rancune, de Pier-Luc Funk, Hélène Bourgeois Leclerc et Pierre-Yves Roy-Desmarais. Des productions similaires, fourre-tout, aux contours mal définis, qui ont peiné à rejoindre leur public.

Depuis deux semaines, Radio-Canada dispose d’une émission semblable, bâtie sur une idée mince, étirée à son maximum. Il s’agit de Comment tu t’appelles ?, que la société d’État relaie les mercredis à 20 h.

Si les conditions sanitaires avaient permis de relancer la téléréalité culinaire Les chefs !, nous n’aurions jamais vu Comment tu t’appelles ? et personne n’aurait poussé de hauts cris d’indignation.

Le premier épisode, mettant en vedette France Beaudoin et Patrice Bélanger, a été pénible à visionner. L’animateur Stéphane Bellavance se décarcassait pour meubler le temps d’antenne avec peu de matériel palpitant. Les deux invités forçaient leurs sourires en serrant les dents : « Mais qu’est-ce qu’on fabrique ici, pour l’amour du saint Ciel ? » Sauvez-nous !

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L’animateur de Comment tu t’appelles ?, Stéphane Bellavance, avec le rappeur FouKi.

Le deuxième, avec Isabelle Racicot et Marc Messier, n’a pas non plus procuré de grands frissons. Pourtant, sur papier, l’idée de Comment tu t’appelles ? promettait. Parler de l’histoire des prénoms au Québec, de leurs origines ou de leur nombre, c’est vraiment intéressant. Et la chanson-thème, composée par FouKi, est joliment accrocheuse.

Mais le déroulement de Comment tu t’appelles ? ne coule pas de source. Les segments durent trop longtemps. Il y a beaucoup de cabotinage et de malaises. Trop souvent, Stéphane Bellavance force son matériel humoristique sur les convives, ce qui casse le rythme et provoque un malaise, que l’on ressent dans nos salons.

Pendant les chroniques du collaborateur Kevin Raphaël, ça grince également, comme si les deux vedettes sur le plateau étaient obligées de rigoler ou de réagir à chacun des gags, avec la caméra braquée sur elles.

Ce qui fonctionne bien, ce sont les topos préenregistrés de l’humoriste Ève Côté, qui allient l’info et le divertissement. L’historienne Évelyne Ferron, de passage la semaine dernière, est toujours pertinente. Quelle bonne communicatrice, enthousiaste et informée.

La portion slam/monologue de la fin de Comment tu t’appelles ? a aussi du potentiel, même si elle s’apparente au serment, moins réussi, qui clôt chacun des épisodes de Sans rancune à TVA.

Aux audimètres de Numéris, Comment tu t’appelles ? fonctionne très bien, mieux que plusieurs émissions similaires de TVA. Le premier épisode a été vu en direct par 520 000 personnes et les cotes d’écoute ont grimpé à 562 000 téléspectateurs pour le deuxième. Ça me surprend, car je n’ai pas entendu de bons commentaires à propos de Comment tu t’appelles ?.

Toujours dans les variétés, TVA garde en banque cinq nouveaux épisodes d’À tour de rôles, que Marie-Ève Janvier a enregistrés au début du mois de décembre. Vont-ils expirer avant leur date de diffusion ?

L’enfer des pensionnats autochtones

Dominique Pétin, le rappeur Samian, Marco Collin (Bill Wabo dans Les pays d’en haut), Virginie Fortin et Mylène St-Sauveur ont décroché les rôles principaux dans Pour toi Flora, la première minisérie de Radio-Canada imaginée par des créateurs autochtones, soit la scénariste-réalisatrice mohawk Sonia Bonspille Boileau, ainsi que le producteur algonquin Jason Brennan (Nish Média).

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La scénariste-réalisatrice mohawk Sonia Bonspille Boileau

« C’était le temps qu’on en fasse une », lance le directeur des émissions dramatiques de Radio-Canada, André Béraud.

Déclinée en six épisodes d’une heure, Pour toi Flora racontera la vie de deux jeunes Anishinaabes (des Algonquins) qui ont été inscrits de force dans un pensionnat autochtone, avec plusieurs allers-retours entre les années 60 et aujourd’hui.

Le tournage s’effectuera en octobre dans la réserve de Kitigan Zibi, près de Maniwaki, la plus grande communauté algonquine du Canada. La réalisatrice et scénariste Sonia Bonspille Boileau, dont le grand-père à fréquenté un de ces pensionnats, planche sur Pour toi Flora depuis cinq ans. Elle visitera bientôt différentes communautés autochtones pour compléter la distribution de sa série.

En construisant son histoire, Sonia s’est inspirée de l’établissement de Saint-Marc-de-Figuery, au sud d’Amos, qui a été ouvert en 1955. Que ce soit à Amos, à La Tuque ou à Sept-Îles, ces pensionnats ont longtemps accueilli des élèves autochtones arrachés à leurs familles et forcés à l’assimilation. Mylène St-Sauveur (Alertes) campera une institutrice aux méthodes douces que les enfants adorent, mais que la direction trouve trop molle dans ses interventions.

Marco Collin, acteur innu de Mashteuiatsh, jouera un survivant de ces écoles de réforme gérées par les Oblats, où les jeunes perdaient toute forme d’identité.

Pour toi Flora atterrira sur l’Extra de Tou. TV au printemps 2022, d’abord en anishnaabemowin, qui appartient à la famille des langues algonquines, avec sous-titres en français. La version 100 % française arrivera sept jours plus tard.

Pour ceux qui ne souscrivent pas à l’Extra, cette minisérie passera à Radio-Canada et APTN pendant la saison 2022-2023.