En termes d’intensité dramatique, la nouvelle minisérie Bête noire de Séries+, qui s’immisce dans la famille dévastée d’un tueur comme ceux de Columbine, se situe une coche au-dessus de Mon fils à TVA, mais une coche en dessous de Sharp Objects, de Jean-Marc Vallée.

C’est une œuvre triste, chavirante, chargée, à la limite du tolérable. Conseil de pro du petit écran, ici : Bête noire ne se regarde pas en rafale ni en période de « déprimette » pandémique. Séries+ entame la diffusion de cette série sombre le mercredi 31 mars à 20 h, et c’est mieux de consommer les épisodes un à la fois. Le temps de décanter, de respirer.

PHOTO LOU SCAMBLE, FOURNIE PAR CORUS

Dans la minisérie Bête noire, Isabelle Blais incarne le personnage de Mélanie Rivard, qui apprend que son fils de 16 ans, Jérémy, est l’auteur de la tuerie au collège Beaufort.

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J’ai vu mardi la moitié des six heures de Bête noire, que j’ai beaucoup aimées, mais il a fallu que je sorte au soleil pour m’enlever de la tête les nombreuses scènes de douleur et de larmes. Et c’est normal de réagir ainsi. C’est comme si le téléspectateur revivait, de l’intérieur, le cauchemar d’une Monique Lépine, par exemple.

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Zakary Auclair est l’interprète de Jérémy Tremblay, adolescent sans histoire, qui passera à l’acte avant de retourner son arme contre lui.

La famille Tremblay, que nous suivons dans Bête noire, traverse une épreuve similaire. Leur fils de quatrième secondaire, Jérémy (Zakary Auclair), 16 ans, a abattu six de ses camarades du collège privé qu’il fréquente, à Montréal.

La mère Mélanie, jouée par Isabelle Blais, apprend aux nouvelles qu’une tuerie a éclaté à l’école de ses deux enfants. Paniquée, elle y retrouve sa grande Léa (Marine Johnson), 17 ans, saine et sauve. Mais pas son Jérémy, qui s’est donné la mort après le massacre. La suite, vous vous en doutez, devient un enfer pour tout le monde.

C’est un choc brutal pour Mélanie et son mari Luc (Stéphane Gagnon), deux professionnels gagnant bien leur vie. D’abord, parce que Jérémy n’a jamais exprimé d’idées noires ou haineuses. C’était un adolescent taciturne, certes, mais passionné par le dessin et les jeux vidéo.

Même s’ils n’ont pas physiquement appuyé sur la détente, les parents et la grande sœur sont aussi coupables que Jérémy dans l’œil du public. Ils auraient dû détecter des signaux, des indices, franchement.

Les parents des victimes les blâment pour la fusillade. Les médias fouillent pour en connaître davantage sur le « monstre » du collège Beaufort. Et les salons funéraires refusent de recevoir le corps d’un assassin que le Québec au complet déteste.

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Sophie Cadieux et Martin Dubreuil incarnent respectivement les rôles de la psychiatre-coroner Éliane Sirois et du sergent Jasmin Boisvert.

Au fil des six épisodes de Bête noire, le sergent Boisvert (Martin Dubreuil) et la psychiatre-coroner Éliane Sirois (Sophie Cadieux) tentent de retrouver le point de bascule de Jérémy. À quel moment l’ado a-t-il entrepris de se venger ainsi ? Qu’est-ce qui a déclenché sa fureur meurtrière ? Cette collecte d’infos allège, en quelque sorte, l’atmosphère étouffante.

La psychiatre-coroner est un superbe personnage. Maladroite, cartésienne et remplie d’empathie, elle équilibre le duo professionnel qu’elle forme avec le policier bourru, trop direct pour une cause aussi délicate. Ça fonctionne très bien.

Tournée par la cinéaste Sophie Deraspe (Antigone), avec un budget de 1 million de dollars par épisode, Bête noire se révèle un produit de qualité. Le jeu des acteurs, la réalisation inspirée, le réalisme des textes d'Annabelle Poisson et Patrick Lowe, rien ne retrousse.

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Marine Johnson, Isabelle Blais et Stéphane Gagnon incarnent les membres de la famille Tremblay.

Bête noire risque cependant de faire bien des jaloux dans le showbiz. Il ne se fabrique plus de télévision avec autant d’argent au Québec. À titre de comparaison, une heure de téléroman coûte autour de 450 000 $ à fabriquer. Pour une série dite lourde, le budget monte autour de 650 000 $ l’heure.

Pour ceux qui craignent de revoir une fusillade scolaire à la 19-2, rassurez-vous. Quand Bête noire démarre, le terrible évènement a déjà eu lieu. On revoit l’attaque dans des retours dans le passé, mais jamais de façon trop explicite. La vedette du film Antigone, Nahéma Ricci, joue aussi dans Bête noire, et c’est elle qui détient la clé de l’énigme.

Anecdote, en terminant. Le coauteur Patrick Lowe visitait une connaissance à l’Institut Philippe-Pinel quand il y a croisé, par hasard, les parents de Guy Turcotte. Leur regard a marqué le scénariste. Comment vivent-ils avec les meurtres horribles commis par leur fils ? s’est-il demandé. Bête noire en donne un aperçu troublant.

Chiffrier du lundi

Encore et toujours, District 31 (1 451 000) plane au sommet du palmarès des cotes d’écoute. À 20 h, la finale d’Une autre histoire a intéressé 871 000 fans, qui se demandent si Anémone (Marina Orsini) a survécu à l’explosion. Entre vous et moi, ce serait extrêmement étonnant que le personnage principal du téléroman disparaisse ainsi.

En même temps qu’Une autre histoire, L’échappée a capté l’attention de 822 000 curieux. À 21 h, Alertes (745 000) a eu le dessus sur la finale de Faits divers 4 (466 000). La quotidienne de Star Académie, qui contenait l’analyse du gala par Lara Fabian, est montée à 864 000 adeptes. Contre District 31, La tour de Patrick Huard a été vue par 596 000 personnes. La quotidienne de Big Brother Célébrités est restée au-dessus du demi-million (557 000), tandis que Le tricheur (927 000) s’est approché du chiffre magique millionnaire.