Rire gentiment des résolutions du Nouvel An est une tradition chez nous, car on a rarement vu quelqu’un les tenir plus d’un mois. Je me demande par contre de quoi elles auront l’air en 2021, avec l’année qu’on vient de passer.

Gageons qu’on en entendra peu dire « sortir moins les fins de semaine ». Il y en aura peut-être de nouvelles, comme « sortir plus souvent de mon linge mou ». Mais il y aura encore les classiques « faire plus de sport », « manger moins » et « arrêter de fumer ».

Les résolutions entrent trop souvent dans un esprit de performance, comme si chaque année, il nous fallait corriger ce petit quelque chose qui fait qu’on n’est pas encore parfait. Or, cela fait presque un an que tout a ralenti ou s’est carrément arrêté, qu’il a fallu diminuer nos attentes, d’abord envers nous-mêmes. C’était normal d’être déprimé par moments, et de considérer comme un exploit la moindre chose en suspens qu’on finissait par régler. Il y a probablement beaucoup de résolutions non tenues dans les dernières années qui se sont finalement concrétisées avec la pandémie. Comme lire plus, aller marcher plus souvent, faire plus d’activités avec les enfants.

Tout de même, pendant ces mois d’isolement, combien de parents sans repos ont envié les célibataires et combien de célibataires qui s’emmerdaient ont envié les familles ?

Je me demande ce que tous ces gens chacun dans leurs bulles ont médité dans la dernière année et si cela va mener à des transformations de fond dans la société. Nombreux sont ceux qui ont découvert que le travail prenait trop de place, que subir les bouchons de circulation matin et soir n’avait pas de bon sens, que claquer ses cartes de crédit pour un voyage de deux semaines passées en décalage horaire ne valait pas le coup tant que ça. Pas sûr que tout le monde voudra reprendre le rythme « comme avant », quand on sait qu’avant la pandémie, le stress et l’anxiété liés à la performance faisaient partie des maux les plus répandus.

Un récent sondage de la Sun Life révèle que 57 % des répondants ne se fixent aucun objectif pour 2021.

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Voilà quelque chose de sage, quand l’avenir est encore trop incertain. Il n’y a peut-être qu’une résolution qui tienne en ce moment : passer au travers de la crise sanitaire sans trop perdre la tête. Ce qui signifie beaucoup plus apprendre à lâcher certaines attentes que s’en créer. Il faut surtout tenir le coup.

PHOTO EVGENIA NOVOZHENINA, REUTERS

Je le répète souvent, c’est profond, ce qui nous arrive, et cela laissera des traces – négatives ou positives, selon les expériences individuelles.

D’ailleurs, parlant d’individualité, s’il y a une chose qui a mauvaise presse depuis quelques années, encore plus depuis que nous souffrons collectivement, c’est bien l’individualisme. Mais je trouve qu’on mélange beaucoup de trucs à ce sujet. Il existe un individualisme sain qui n’empêche en rien la solidarité. C’est celui qui mène à l’introspection, à se regarder franchement dans un miroir, plutôt qu’à faire « ses propres recherches » dans le seul but de confirmer ses rages. Celui qui, connaissant ainsi ses limites, sait surtout qu’il ne sait pas, et qui prend acte des données de la science, qui fait confiance au génie humain. Cet individualiste-là a porté le masque avant qu’Arruda ne l’impose. Il est assez libre d’esprit pour être humble devant l’inédit et se fout de ceux qui peuvent le traiter de mouton, qui sont bien souvent les victimes de mouvements sectaires. Sa résolution en 2021 devrait être de tenir bon et de garder en tête les leçons et les apprentissages des derniers mois. Mon arrière-arrière-arrière-grand-mère, qui n’avait qu’une troisième année de scolarité et un sacré caractère, a traversé la grippe espagnole de cette façon.

Les résolutions de 2021 seront fortement teintées de l’expérience que nous sommes en train de vivre et qui n’est toujours pas terminée. J’espère qu’elles seront plus du côté de la bienveillance que de la performance. De toute façon, nous participons déjà à la plus grande performance collective de notre temps, et the show must go on. Avec une nouvelle star qui est entrée en scène : le vaccin. Ce qui est certain est que 2021 ne sera pas comme 2020, ce qui permet tous les espoirs. Les résolutions attendront.