En arrêt de travail forcé depuis le début de la pandémie, les acteurs québécois n’ont jamais autant fouillé dans leur boîte à souvenirs. Dans cette série estivale, La Presse demande à des interprètes chevronnés de commenter quelques rôles marquants en carrière. Au théâtre, au cinéma et à la télévision. Aujourd’hui, Robin Aubert.

N’en faire qu’à sa tête est non seulement la devise du polyvalent comédien Robin Aubert, mais aussi le principe qui mène sa vie. Ses choix de rôles marquants en témoignent ici.

Ton premier rôle marquant

« J’aurais tendance à dire Arlequin [dans Arlequin serviteur de deux maîtres, une production mise en scène par Serge Denoncourt, en 1994]. J’y pense encore de temps en temps. Y’est jamais très loin, ce personnage. Mais y en a d’autres avant. Dans les Chick’N Swell, entre autres.

Le rôle auquel tu t’identifies le plus

Aucun. Je transpose ce que je suis en eux, mais je ne m’identifie pas à eux.

Celui dont on te parle souvent

PHOTO FOURNIE PAR LA PRODUCTION

En 1995, Robin Aubert décroche le rôle de Léo Rivard dans Radio Enfer ; celui dont le public lui parle le plus souvent.

Définitivement Léo Rivard dans Radio Enfer [le directeur technique très “nerd” de la radio étudiante de la défunte série de Canal Famille]. Le réalisateur Louis Saïa a eu du “guts” de m’offrir ce rôle en 1995. C’est aussi un grand directeur d’acteurs ! J’ai appris beaucoup avec lui. Je lui ai même emprunté quelques méthodes.

Celui qui t’a fait le plus suer

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Pour la promo du film Autrui, de Micheline Lanctôt (au centre), avec la comédienne Brigitte Pogonat. Un rôle qui le hante encore.

Éloi [l’itinérant alcoolique] dans Autrui, le film de Micheline Lanctôt. J’ai eu du mal à m’en départir. Son aura rôdait. Je dirais aussi Tâton dans Le Neg’ de Robert Morin. Je pense à quelques scènes avec Iannicko (N’Doua-Légaré). Mettons qu’on fumait des cigarettes entre les “takes”, histoire de décompresser. Ce sont deux cinéastes auxquels je me réfère souvent. Leur approche est sans compromis.

Celui qui t’a fait grandir à la fois comme interprète et comme être humain

Je dirais Martin Brodeur dans Tuktuq. C’est définitivement celui qui m’a permis de le réfléchir en le jouant et de le jouer en y réfléchissant. C’est là aussi où j’ai commencé à me poser des questions sur le concept du temps.

Peux-tu développer le concept du temps ?

Le temps figé sur une image qui représente le temps cinématographique comparé au temps réel, impossible à cerner tout à fait. Le temps sans heures qui se formule en fonction de l’environnement, des saisons de la cueillette, de la chasse ou de la pêche. Le temps synonyme de manque de rythme pour certains. Le temps dans le cinéma qui se fait sentir de moins en moins. Ce n’est pas le “temps d’acteur” le problème [ça se coupe facilement au montage], c’est le manque de temps qu’on porte sur son visage.

Et en dehors du cinéma ?

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Pour la promo de Temps dur, la série de Radio-Canada écrite par Jean Marc Dalpé

Il y a eu les rôles écrits par Jean Marc Dalpé. Ceux de la pièce Eddy et de la télésérie Temps dur. Ce n’est pas le nom des personnages dont je me rappelle [un ex-boxeur devenu entraîneur et propriétaire d’un greasy spoon ; et un criminel détenu en prison], mais la langue. L’écriture de Dalpé m’a fait comprendre, comme acteur, l’importance des mots et du rythme. Quand c’est bien écrit, l’émotion n’est jamais forcée. Je pourrais parler de Darkie, dans Maudite Poutine, ou de Rex Prince, dans La comtesse de Bâton Rouge...

Le rôle que tu rêves de jouer prochainement

Il n’y a pas un rôle que je “rêve” de jouer. Je n’ai jamais souhaité de rôles, finalement. Je joue plutôt avec des gens avec qui j’ai envie de travailler. Par exemple, la réalisatrice Anne Émond. Le personnage de Bernard dans Jeune Juliette a été une belle surprise. Parfois, comme père de jeunes enfants, j’aimerais avoir son calme et sa bonhomie...