La nouvelle directive de la Santé publique, qui compte autoriser les rassemblements de 50 personnes dans les lieux publics intérieurs dès le 22 juin, permettra enfin aux théâtres et aux salles de cinéma de planifier leur réouverture. Une décision bien accueillie.

« Enfin un peu de concret ! C’est ce qu’on demande depuis si longtemps », a laissé tomber le metteur en scène et directeur artistique du Quat’Sous, Olivier Kemeid, à l’origine d’une lettre adressée à la ministre de la Culture et des Communications, Nathalie Roy, dans laquelle il relayait les inquiétudes du milieu des arts vivants.

C’est le directeur national de santé publique, le DHoracio Arruda, qui était porteur de la « bonne nouvelle » lundi matin. Ainsi, les rassemblements intérieurs de 50 personnes seront autorisés dès le 22 juin, et dans les salles où les gens sont assis et ne parlent pas, la distance à respecter entre les personnes sera réduite à 1,5 mètre, ce qui signifie que des salles de spectacle et de cinéma pourront rouvrir leurs portes.

Le cabinet du ministère de la Culture et des Communications indique que ces rassemblements intérieurs passeraient même à 250 personnes le 15 juillet — toujours en respectant la distance de 1,5 mètre — « si les conditions de santé publique le permettent ».

« Si j’avais eu ce scénario-là, j’aurai pu avancer, a réagi Olivier Kemeid, parce que nous on travaillait sur les 2 mètres, ce qui nous donnait une jauge de 30 personnes. Mais à 1,5 mètre, on pourrait sûrement en faire rentrer 50, ça dépend, mais au moins, je peux faire des scénarios. Il reste que 50 personnes sur 170 sièges, ça va être des spectacles purement déficitaires si je n’ai pas de soutien. »

Même s’il ne pourra rien présenter cet été, Olivier Kemeid espère pouvoir reprendre les répétitions à partir de la semaine prochaine pour présenter ses premiers spectacles en septembre.

Des saisons en vue

« Ça ne peut pas être mauvais, nous a dit de son côté le metteur en scène et directeur artistique du festival TransAmériques (FTA), Martin Faucher, qui avait justement invité le milieu des arts vivants à se réunir place des Festivals, lundi midi, pour faire sentir sa présence aux gouvernements.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Le metteur en scène et directeur artistique du festival TransAmériques (FTA), Martin Faucher, a invité le milieu des arts vivants à se réunir place des Festivals, lundi midi, pour faire sentir sa présence aux gouvernements.

> Lisez notre reportage “Les artistes de l’ombre se tiennent debout place des Festivals » 

« C’est une façon de se réapproprier l’espace social, après il faut voir comment ça va se faire financièrement. Comment les théâtres vont-ils appliquer les mesures sanitaires ? Ça rend la chose possible, mais il faut se pencher sur l’enjeu économique, qui est directement relié à ça. »

L’enjeu économique, c’est ce qui inquiète Julie-Anne Richard, directrice générale de RIDEAU, qui représente 350 salles de spectacle au Québec. Selon elle, même si l’annonce de lundi « fait office de lumière au bout du tunnel », il y a encore « beaucoup de questions sans réponses ».

« C’est une chose de savoir qu’on peut accueillir 250 personnes dans une salle de 600 ou 50 dans une salle de 300, mais est-ce qu’on a la capacité financière de le faire ? On ne le sait pas. On n’a toujours pas les guides sanitaires de la CNESST [Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail], et puis il y a cette question névralgique concernant le soutien aux diffuseurs. On sent une volonté de la part du gouvernement, mais à l’heure où on se parle, on ne sait pas à quelle hauteur. Comment ? Quand ? On ne sait pas. »

Chez Duceppe, l’annonce de la Santé publique est vue comme le prologue d’une rentrée d’automne qui sera… différente.

« On regarde divers scénarios et paramètres pour programmer une réouverture dès septembre, a confirmé David Laurin, codirecteur artistique chez Duceppe. On envisage de présenter des reprises, des accueils de pièces annulées dans d’autres théâtres, des laboratoires de création avec nos auteurs en résidence, des productions à petit budget avec le public assis sur la scène du théâtre. Il faut faire fi, temporairement, du mandat de la compagnie et faire preuve de souplesse et d’agilité. »

David Laurin espère que, d’ici septembre, la Santé publique pourra hausser le nombre de personnes admises dans une salle fermée.

PHOTO FOURNIE PAR LE THÉÂTRE DU NOUVEAU MONDE

Au TNM, « le décor des Trois sœurs est encore sur la scène… On aura tout le temps de le démonter cet été », raconte la directrice artistique et générale du théâtre, Lorraine Pintal.

Le Théâtre du Nouveau Monde (TNM) se dit prêt à rouvrir au public à l’automne, mais petit à petit, prudemment, sans rien précipiter. « Au TNM, on a besoin de 200 spectateurs dans la salle au minimum, pour payer tout notre monde, dit la directrice artistique et générale, Lorraine Pintal. Je me trompe peut-être, mais j’ai l’impression que l’annonce de lundi est un premier pas en avant et que, si tout va bien, on pourra accueillir plus de spectateurs en septembre. Je garde espoir. »

Pour sa part, la directrice générale et artistique de l’Agora de la danse, Francine Bernier, a confirmé qu’elle aura une saison d’automne comprenant trois spectacles solos pour respecter les règles sanitaires, signés respectivement par Antonija Livingstone, Jacques Poulin-Denis et Catherine Gaudet. En regroupant les gens à 1,5 mètre de distance, la salle Orange de l’Agora pourra accueillir environ 50 spectateurs (sur une capacité de 158 sièges). « C’est la vie qui reprend peu à peu, a confié Francine Bernier. Tout est prévu pour le retour […] et je pense que notre public a autant que nous hâte de revoir des spectacles. »

Les cinémas en sauront plus ce mardi

L’annonce faite lundi a reçu en général un accueil positif des exploitants de salles de cinéma, mais ceux-ci sont encore dans le flou concernant certains détails. Ils veulent savoir par exemple comment ils doivent interpréter ce chiffre de 50 personnes à l’intérieur. « Est-ce à l’intérieur de l’ensemble de la bâtisse ou à l’intérieur de chaque salle de cinéma ? », demande Mario Fortin, du Beaubien. « Si j’ai une salle de 400 places et qu’on m’autorise 50 personnes, cela signifie un taux d’occupation de 12,5 % », s’inquiète Vincent Guzzo. Ce dernier demande aussi à ce que la règle de distanciation soit de 1 mètre dans les salles pour permettre de vendre davantage de billets.

Joint en fin d’après-midi, Éric Bouchard, président de la Corporation des salles de cinéma du Québec, nous dit avoir « couru toute la journée » pour se faire préciser certains détails. « Nous en saurons plus aujourd’hui [mardi], car nous aurons une rencontre avec le Ministère pour le dossier cinéma en particulier, dit-il. On avait hâte de rouvrir, car nous avons été les premiers à fermer et pratiquement les derniers à rouvrir. »

Dans l’ensemble, il ne s’attend pas à voir des cinémas rouvrir dès le 22 juin. « On a besoin d’avoir en main le guide d’opération pour l’application des règles sanitaires en plus de travailler à la programmation », dit-il.

Vincent Guzzo nous a dit vouloir rouvrir le 3 juillet. Au cinéma Le Clap de Québec, le propriétaire Robin Plamondon vise une réouverture de ses deux cinémas le vendredi 26 juin, le temps que les employés puissent se préparer. « On doit aussi travailler avec les distributeurs », ajoute-t-il.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Le film Suspect numéro un de Daniel Roby sortira en salle le 10 juillet.

Justement, chez Films Séville, plus important distributeur québécois, on a annoncé lundi que le film Suspect numéro un de Daniel Roby sortira en salle le 10 juillet et qu’il sera le premier film québécois à prendre l’affiche à la suite de la réouverture. « On attendait de voir ce qui allait se passer avec Tenet de Christopher Nolan dont la sortie a été repoussée au 31 juillet, dit le président Patrick Roy. Nous sommes confortables pour un retour le 10 juillet. »

Enfin, chez Cineplex, Daniel Séguin, vice-président à l’exploitation – Est du Canada et directeur général au Québec, se dit « très enthousiaste à l’idée de reprendre [ses] activités », mais n’avait pas encore une date précise à communiquer.

– Avec Luc Boulanger et André Duchesne, La Presse