Trois des principaux festivals montréalais ont abattu leurs cartes vendredi : Juste pour rire est reporté à l’automne, alors que les Francos et le Festival international de jazz de Montréal ne reviendront que l’an prochain. C’était « la bonne chose à faire », croit la mairesse, Valérie Plante.

Peu après l’annonce de Juste pour rire, qui prend le « risque » de reporter près de 200 spectacles du 29 septembre au 11 octobre, l’Équipe Spectra a choisi de remettre la présentation des Francos et du Festival international de jazz de Montréal à juin 2021.

Une « journée triste », a admis Jacques Primeau, directeur général des deux événements, même si la décision est motivée par la nécessité de « protéger le public, les artistes et [ses] employés », de se plier aux mesures sanitaires et l’impossibilité de déplacer les spectacles à l’automne.

« Juste en matière de nombre de salles et d’artistes qui pouvaient être disponibles, un report à l’automne était impossible », explique Jacques Primeau. En prenant cette décision difficile, l’Équipe Spectra sait qu’elle privera de travail 700 contractuels, sans compter les artistes qui voient leurs prestations annulées. 

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Jacques Primeau, directeur général de l’Équipe Spectra

On compatit avec tout le monde, on est frappés de plein fouet sur tous les plans.

Jacques Primeau, directeur général de l’Équipe Spectra

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a salué la décision des festivals. « Depuis le début de cette crise, notre administration accompagne les promoteurs événementiels et culturels, car les festivals font partie de l’identité montréalaise, a-t-elle déclaré. Nous appuyons la décision prise aujourd’hui, car, dans les circonstances, c’était la chose à faire. »

Manuela Goya, vice-présidente au développement de la destination et aux affaires publiques chez Tourisme Montréal, estime quant à elle qu’il s’agit d’une « sage décision ».

« On a des idées »

Jacques Aubé, président de l’Équipe Spectra, et Jacques Primeau disent que bien des scénarios ont été étudiés et que tout n’est pas forcément perdu. « Ça ne veut pas dire que les spectacles ne seront pas [reprogrammés], dit Jacques Primeau. C’est du cas par cas. On va regarder chaque spectacle pour voir s’il peut être reporté à l’an prochain ou dans une série hors festival pendant l’année. »

Transporter en bloc la programmation extérieure à l’automne, peu après une éventuelle rentrée scolaire, n’avait pas tellement de sens à leurs yeux. « Ça ne veut pas dire qu’il ne se passera rien à l’automne, dit toutefois Jacques Primeau. On a des idées, on reste à l’affût. »

Monique Simard, présidente du conseil d’administration du Partenariat du Quartier des spectacles, a par ailleurs dit à La Presse travailler à une programmation d’animation de rue afin d’animer cet espace public dès que les autorités sanitaires le permettront, que ce soit dès l’été ou à l’automne.

Le risque de Juste pour rire

La stratégie de Juste pour rire – qui comprend aussi Just for Laughs, Off-JFL et ZooFest – est radicalement différente et motivée par un facteur clé : les contrats qu’a Groupe Juste pour rire (GJPR) avec des diffuseurs canadiens et américains, entre autres.

« Il y a une recette magique : c’est qu’on a des contrats de télévision, qui nous permettent de faire des captations, qui nous permettent aussi de positionner Montréal dans des émissions qu’on vend à des chaînes américaines ou ailleurs », a confié à La Presse le directeur général du GJPR, Charles Décarie.

Cet avantage n’efface pas tout péril. « On prend un risque d’affaires pour sauver Montréal, poursuit-il, pour sauver notre festival, mais on est conscients que c’est un gros risque. On est prêts à le prendre en octobre. »

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Charles Décarie, directeur général du Groupe Juste pour rire

On a une chance de sortir de ce marasme, que les autorités assouplissent les contraintes sanitaires et que les gens célèbrent la vie un peu. C’est aussi dans cet état d’esprit qu’on le fait.

Charles Décarie, directeur général du GJPR

De nombreuses discussions ont eu lieu ces derniers temps entre différents festivals, et maints scénarios ont été évoqués, dont au moins un concernait le report à l’automne de nombreuses activités extérieures communes.

> (Re)lisez notre entrevue Charles Décarie

« On est restés ouverts à trouver une solution commune pour trouver un moment à la mi-septembre où l’on pourrait faire un événement de rue de huit ou neuf jours avec l’ensemble des partenaires, mais, pour les salles, il a fallu qu’on s’occupe de nos affaires », dit Charles Décarie.

Quelle aide ?

Martin Roy, PDG du Regroupement des événements majeurs internationaux (REMI), convient que la crise actuelle fragilise les festivals et autres grands événements. « Ils se déroulent sur 7 à 10 jours et ne peuvent pas s’appuyer sur les autres mois de l’année pour s’en sortir », observe-t-il.

Le REMI confirme discuter avec les trois ordres de gouvernement. « Les discussions vont bien, dit-il. On n’a pas à les convaincre de l’importance des festivals et de nos réalités financières particulières. »

L’Équipe Spectra tient un discours semblable.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Jacques Aubé, président de l’Équipe Spectra

On a un soutien, c’est évident, mais ce n’est pas totalement confirmé.

Jacques Aubé, président de l’Équipe Spectra

Les modalités de soutien financier ne sont pas encore toutes déterminées, mais il semble acquis que les festivals recevront les subventions qu’ils auraient reçues en temps normal. Il n’est pas encore certain si l’aide financière qui aiderait les événements à éponger un déficit prendrait la forme d’un prêt ou d’une subvention, signale Martin Roy.

Jacques Aubé, qui est aussi à la tête d’evenko, promoteur d’Osheaga (prévu du 31 juillet au 2 août), d’Île Soniq (du 6 au 8 août) et de Lasso (nouveau festival country prévu les 14 et 15 août), entre autres, n’a pas voulu dire vendredi ce qu’il adviendrait de ces événements. Il est « trop tôt », selon lui, pour sceller leur sort. 

Nadine Marchand, de Montréal complètement cirque (du 4 au 14 juillet), a confié que son organisation prendrait une décision la semaine prochaine. Le festival Grand Montréal Comique étudie encore deux scénarios : un report à l’automne ou l’annulation pour cette année.

— Avec Jean Siag, Émilie Côté, Marissa Groguhé et André Duchesne, La Presse