Les salles de spectacles demeureront « fermées jusqu’à nouvel ordre », a confirmé mardi le gouvernement du Québec. Or, le milieu culturel réclame un calendrier plus clair pour pouvoir planifier la suite.

Bras de fer inusité entre le milieu des arts de la scène et la ministre de la Culture et des Communications. Tandis que les diffuseurs et propriétaires de salles demandent au Ministère de préciser son calendrier de reprise et même d’annoncer une fermeture des salles pour l’été, la ministre Nathalie Roy garde la porte ouverte à une éventuelle reprise estivale – même si elle paraît de plus en plus improbable.

Au cabinet de Mme Roy, on nous dit que la ministre espère que « certaines activités » puissent reprendre dès le mois de juin, même s’il serait sans doute plus facile de décréter une fermeture complète des salles jusqu’au 31 août – à l’instar des festivals et des autres rassemblements culturels annulés jusqu’à cette date par Québec.

Son plan de reprise a déjà été soumis à la Santé publique, nous a-t-on indiqué. Il tiendra compte de la situation en région par rapport à Montréal et sera dévoilé dès qu’il sera approuvé.

Aucun scénario ne serait exclu — les salles de cinéma travaillent déjà sur un plan de réouverture pour la mi-juin —, mais selon ce qu’a laissé entendre le premier ministre François Legault lundi en point de presse, il ne faut pas s’attendre à ce que les arts de la scène soient une priorité.

« Pour l’instant, à court terme, on ne prévoit pas de réouverture [des restaurants et des salles de spectacles], a affirmé M. Legault. Ça va prendre encore un certain temps, parce que c’est plus difficile de maintenir les deux mètres de distance. Quand ça sera le temps de rouvrir, on va essayer de les aider financièrement. »

Ce qu’on veut, c’est un horizon de travail. Pouvez-vous SVP vous prononcer plus clairement sur la reprise, pour qu’on puisse commencer à élaborer des scénarios de rechange ?

Julie-Anne Richard, directrice générale de RIDEAU, qui représente 350 salles de spectacles au Québec

Mme Richard n’est pas la seule à exiger plus de clarté. Le Réseau des organisateurs de spectacles de l’est du Québec (ROSEQ) a exhorté vendredi dernier la ministre à annoncer une fermeture des salles jusqu’au 31 août. Et mardi, l’Association des professionnels de l’industrie de l’humour a formulé le même vœu : « Nous constatons que l’absence de directives gouvernementales claires favorise de multiples interprétations qui sèment la confusion au sein d’une industrie qui ne sait plus sur quel pied danser », a notamment écrit sa directrice générale, Joanne Pouliot, dans un communiqué.

La ministre est « pleinement consciente » des impacts de la crise de la COVID-19 sur les salles de spectacles, a fait savoir son cabinet.

« Elle aimerait pouvoir leur apporter des réponses rapidement, mais la reprise des activités culturelles est tributaire des avis rendus par la Santé publique, comme le sont tous les autres secteurs de l’économie québécoise. La ministre poursuit ses démarches auprès de la Santé publique afin que cette reprise graduelle se fasse de manière sécuritaire. »

« Seuls, nous n’y arriverons pas »

Julie-Anne Richard ne voit pas comment les salles de spectacles peuvent rouvrir « de manière sécuritaire » avec les mesures de distanciation physique préconisées par la Santé publique.

« Remplir une salle au tiers ou au quart, ce n’est pas possible pour les diffuseurs, parce que ce n’est pas rentable. Il faudrait renégocier les cachets des artistes et on fragiliserait notre modèle d’affaires. Pour les spectacles qui étaient programmés en mai ou en juin, comment choisir ceux qui y assisteraient ? Comment gérer la billetterie ? Les services sanitaires ? On ne peut pas fonctionner comme on le faisait avant. »

Le ROSEQ abonde dans le même sens. 

L’application de mesures de distanciation dans les salles de spectacles forcera les diffuseurs à réduire leurs nombres de places de plus de 75 %. Par exemple, une salle de 250 places, jauge maximale dans le Réseau d’été, pourra accueillir tout au plus 62 personnes…

Josée Roussy, présidente du ROSEQ, dans un communiqué publié vendredi

Le gouvernement pourrait-il aider financièrement le milieu des arts de la scène à mettre en place des mesures de distanciation ? « Les comités sectoriels qui se tiennent depuis le 24 avril permettent aux représentants des différents secteurs de faire part de leurs enjeux afin qu’ils soient pris en compte dans la reprise des activités culturelles », s’est limité à dire le Ministère.

Julie-Anne Richard exprime donc ses doléances à voix haute. « Seuls, nous n’y arriverons pas. Pour réinventer la diffusion des arts vivants pendant cette période de mesures sanitaires, il nous faudra un accompagnement financier de la part du gouvernement. Est-ce qu’on peut nous fournir des masques et du désinfectant ? Juste désinfecter la salle tous les soirs, tous les équipements, tous les costumes, ça veut dire du temps et des ressources supplémentaires, il faut en parler, et nous sommes prêts bien sûr à avoir ces discussions sur tous ces enjeux pour dégager des pistes de solution possibles. »