Bien des organismes et évènements culturels espéraient encore être (partiellement) épargnés par la vague d’annulations des dernières semaines. Mais la Ville de Montréal a ordonné mardi l’annulation de tous les rassemblements publics prévus au calendrier jusqu’au 2 juillet.

L’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) s’accrochait à cet espoir. Pour permettre, entre autres, au maestro Kent Nagano de diriger ses deux derniers concerts à titre de directeur musical de l’OSM.

La 14e saison du maestro Nagano devait se terminer les 2, 3 et 4 juin, avec la Symphonie n° 2 de Mahler, baptisée « Résurrection », qui avait clos sa première saison à la tête de l’OSM. Mais la boucle ne pourra être bouclée. Pour l’instant.

« On est très déçus, nous a dit la directrice générale Madeleine Careau, mais on va vraiment faire tous les efforts pour reporter cette série à la fin de l’été ou à l’automne, parce que les Montréalais veulent dire au revoir à M. Nagano et il ne veut pas quitter Montréal sans leur faire ses adieux. »

Il reste la Virée classique, toujours au calendrier du 6 au 9 août, qui compte une trentaine de concerts en salle et une centaine d’évènements, et qui doit se conclure cette année au Stade olympique avec la 9e Symphonie de Beethoven que le maestro Nagano doit également diriger.

Avant même l’annonce de la Ville de Montréal, qui vise tous les évènements sportifs et culturels exigeant des permis d’occupation d’espaces publics, l’Orchestre métropolitain (OM) de Yannick Nézet-Séguin avait annoncé la « fin hâtive » de sa saison.

Ça montre qu’on a pris les bonnes décisions, et qu’il y a une cohérence dans le milieu entre les différents acteurs.

Laurie-Anne Riendeau, responsable des relations publiques de l’OM

L’Orchestre est déjà en train d’analyser la suite de l’été, alors qu’une collaboration est prévue entre autres avec le Festival de Lanaudière au mois d’août. « On réévalue au fur et à mesure, selon les directives de la Santé publique », a-t-elle précisé.

La Fête nationale écope

Autre grand rassemblement visé directement par l’annonce de la Ville : les célébrations de la fête nationale du 24 juin — défilé, spectacles de quartier, grands spectacles de Québec et de Montréal. Pourtant, la présidente du Comité de la Fête nationale, Louise Harel, a la ferme intention de « célébrer ».

« La fête nationale, c’est comme Noël, nous a-t-elle dit, ça ne s’annule pas et ça ne se reporte pas. On s’attendait à la décision de la Ville et ce que je peux vous dire, c’est qu’on va trouver une façon de célébrer tout en respectant les consignes. On a une équipe de concepteurs qui travaille là-dessus et qui ne manque pas d’idées. Je trouve qu’au contraire, on a beaucoup de raisons d’être fiers de nous en ce moment et de fêter. »

Les détails de cette fête nationale virtuelle seront dévoilés au courant du mois de mai, a indiqué Mme Harel.

Après l’annulation des Francos de Montréal, du Festival Go vélo et du Festival international de jazz de Montréal, vendredi dernier, d’autres festivals ont dû déclarer forfait mardi. C’est le cas du FTA, qui nourrissait l’espoir de présenter un concentré de ses 10 spectacles « nationaux », et de Montréal Complètement cirque.

« C’est évidemment le cœur gros que nous devons admettre que le FTA 2020 n’aura existé que sur papier ou dans notre site, ont fait savoir les codirecteurs généraux, Martin Faucher et David Lavoie. Nous sommes immensément fiers du travail des artistes qui devaient être réunis ce printemps. Nous déplorons profondément que la rencontre avec le public ne puisse avoir lieu comme nous le souhaitions si ardemment. »

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Le festival Montréal Complètement cirque, qui devait avoir lieu du 2 au 12 juillet, a lui aussi été annulé mardi, la direction évoquant « l’incertitude quant à la tenue de grands rassemblements dans les prochains mois ».

Le festival Montréal Complètement cirque, qui devait avoir lieu du 2 au 12 juillet, a lui aussi été annulé mardi, la direction évoquant « l’incertitude quant à la tenue de grands rassemblements dans les prochains mois ».

« C’est avec une grande tristesse que nous annonçons l’annulation de l’édition 2020 de notre festival, a indiqué la directrice du festival, Nadine Marchand. Nous nous apprêtions à entamer notre deuxième décennie en force, avec de nombreuses créations inédites et audacieuses. Malheureusement, l’interdiction de tout rassemblement et les consignes édictées par les gouvernements et la Ville de Montréal rendent impossible la tenue d’évènements. Dans ces conditions et devant l’avenir incertain des mois qui viennent, l’annulation est devenue une malheureuse évidence. »

La Place des Arts reste en pause

À la Place des Arts, toutes les productions qui devaient avoir lieu en mai ont déjà été annulées ou reportées, a fait savoir la direction.

« Depuis l’annonce de la suspension de nos spectacles et activités publiques, le 12 mars dernier, nous sommes en communication régulière avec les producteurs pour annuler ou tenter de reporter les spectacles à des dates ultérieures lorsque c’est possible. Les clients sont avisés personnellement chaque fois », a indiqué la directrice des communications et du marketing de la Place des Arts, Joanne Lamoureux.

Du côté du Piknic Électronik, qui a lieu de mai à septembre, l’organisation espère toujours être épargnée pendant une partie de l’été.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Du côté du Piknic Électronik, qui a lieu de mai à septembre, l’organisation espère toujours être épargnée pendant une partie de l’été.

« On sait qu’on est capables de produire l’évènement avec un préavis de quatre semaines, dit Nicolas Cournoyer, cofondateur et VP affaires publiques et responsabilité sociétale. Si on recommence en juillet, il reste 75 % de notre programmation. Si on recommence en août, 50 %. » Nicolas Cournoyer n’est pas surpris de l’annonce faite mardi et ne serait pas étonné que l’interdiction se poursuive au-delà du 2 juillet. Son équipe se tient à l’affût et redémarrera dès que possible. « On sait que même avec une programmation locale, on est capable d’opérer », ajoute-t-il.

Même si l’annonce de la Ville ne concerne pas directement les salles, elle force les producteurs à réévaluer la situation à la lumière des restrictions imposées par la Santé publique. Plusieurs spectacles produits par evenko devaient avoir lieu au Centre Bell d’ici le 2 juillet, dont ceux de Tame Impala, de Harry Styles et de The Weeknd.

« Nous prenons acte de l’annonce de la Ville, mais nous communiquerons les décisions au cas par cas, à savoir si ces spectacles sont annulés ou reportés, ce que nous essayons de faire la plupart du temps », dit Philip Vanden Brande, directeur des relations publiques chez evenko.

Pour ce qui est du festival Osheaga qui doit se tenir au mois d’août, « tous les scénarios sont évalués ». « Ce qui est le plus important pour nous, c’est de s’assurer de la santé et de la sécurité du public, des artistes et de nos partenaires. »

Dans les circonstances, c’est une bonne nouvelle : la pièce Hedwig et le Pouce en furie sera finalement reportée à la mi-janvier.

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« On est chanceux dans notre malchance, car on a pu sauver la production de Hedwig et le Pouce en furie », a confié la productrice Catherine Simard, de la Maison Fauve. 

« On est chanceux dans notre malchance, car on a pu sauver la production de Hedwig et le Pouce en furie », a confié la productrice Catherine Simard, de la Maison Fauve. J’avais pris des options pour avoir la salle [L’Astral] en janvier prochain. René Richard Cyr et Benoit McGinnis [le metteur en scène et la vedette du show] sont libres pour répéter en décembre. Les représentations montréalaises prévues en mai sont donc reportées à la mi-janvier, juste avant la tournée du spectacle. »

Enfin, l’Association des galeries d’art contemporain (AGAC) a confirmé mardi à ses partenaires l’annulation de la foire Papier 2020, qui avait déjà été déplacée du mois d’avril à la fin du mois de juin. « L’AGAC travaille présentement à transformer l’évènement pour que la foire soit virtuelle dès le mois de juin », précise le message. Une annonce officielle doit être faite jeudi.

— Avec Josée Lapointe, Alexandre Vigneault et Luc Boulanger, La Presse