Deux ans après les faits : les gestes. Le monde de la culture vient de se doter d’une plateforme de formation unique pour comprendre, reconnaître et surtout prévenir le harcèlement au travail.

La salle était comble, hier, à la Cinémathèque québécoise, pour le lancement officiel d’« Il était une fois… de trop », un outil didactique et pratique conçu par l’Inis, à la demande du ministère de la Culture et des Communications. Deux ans après la vague #moiaussi, non seulement le milieu s’est-il mobilisé, mais il est maintenant aussi outillé pour agir, et surtout prévenir.

Qu’est-ce qui constitue du harcèlement (ou non), comment le reconnaître, qui a la responsabilité de le faire cesser, a-t-on l’obligation de le dénoncer ? C’est à toutes ces questions, et bien d’autres encore, que la plateforme (qui se consulte en une bonne quarantaine de minutes), réalisée sous la supervision de Bianca Nolasco, chargée de projets à l’Inis, tente de répondre, par l’entremise de capsules animées, d’avis d’experts (psychologie, droit, etc.) et de balados de témoignages de victimes et d’acteurs de harcèlement.

C’est ainsi qu’on entend une certaine Marie-Ève, comédienne, raconter comment, un soir en coulisses, elle a senti une main baladeuse remonter le long de sa cuisse ; ou Rafaël, réalisateur, confier ses colères épiques et répétées en studio.

Consentement 

Ce qu’il faut savoir, c’est qu’au Québec, le milieu culturel regroupe pas moins de 150 000 travailleurs, à la fois salariés et autonomes, sans parler des bénévoles, administrateurs et étudiants. Qu’il s’agisse des arts visuels, de la littérature, de la danse ou du cirque, ils œuvrent tous dans des contextes variés, des environnements peu traditionnels, où les contacts physiques sont souvent la norme, sans parler des horaires atypiques. Bref, un univers où la proximité est de mise et peut parfois dégénérer…

La formation, divisée en trois parties (comprendre, reconnaître et prévenir le harcèlement) d’une quinzaine de minutes chacune, permet en effet de cibler les gestes déplacés, puis d’en proposer de plus adéquats, en insistant notamment sur la fameuse notion du consentement. Qu’on se le dise : avant de passer un micro sous un chandail ou de masser le dos de quelqu’un, on demande la permission.

Sophie Prégent, comédienne et présidente de l’Union des artistes, se félicite du produit fini, et surtout de tout le chemin parcouru depuis deux ans. 

« Je ne peux qu’être extrêmement fière de la rapidité avec laquelle on a fait naître toute cette structure. C’est de la musique à mes oreilles. » — Sophie Prégent, présidente de l’Union des artistes

Même si tous les milieux sont touchés de près ou de loin par le harcèlement (« je me suis fait dire des horreurs dans le milieu des avocats ou de la politique »), la culture l’est « forcément » tout particulièrement. « On est dans les rapports humains ! dit-elle. Et c’est la raison pour laquelle il faut encore mieux se préparer. » Pleine d’espoir, elle croit aussi que les comportements déplacés peuvent être désappris. « Ça n’est pas vrai qu’on ne peut pas changer ses comportements, conclut-elle. Travailler avec les autres, ça s’apprend… »

Une version anglaise (Stop Harassment – End of Story !) sera offerte à la fin du mois.