L’ex-candidate d’Occupation double devenue influenceuse Alanis Desilets a lancé ces dernières semaines La Troop, un service de souscription à des boîtes mensuelles. L’intention : promouvoir l’acceptation de soi et l’inclusion, en donnant accès à des outils pour atteindre un équilibre de vie. Le projet s’est toutefois éloigné de son but premier, selon plusieurs femmes qui ont fait entendre leur mécontentement sur l’internet.

Dans la toute première boîte, celle du mois de janvier, on trouve un calendrier d’entraînements, qui consacre des journées au bien-être (yoga et autres activités) et accorde un « cheat day » par semaine (« un rappel que tu as le droit de faire absolument rien le samedi soir et que tu peux te commander une pizza »). Les abonnés reçoivent aussi, en plus d’un chandail La Troop, des échantillons de suppléments alimentaires qui permettent de contrôler les fringales (des coupe-faim).

Sur le site de La Troop, Alanis écrit : « Je me suis envolée à Bali [pour participer à Occupation double]. On m’a reconnue comme étant différente des autres. Parce que ça a l’air que des filles qui ne portent pas du XS, on ne voit pas ça souvent à la tv. […] La société a une énorme lacune et je devais aider. Je me suis approprié le mouvement : aujourd’hui, ce n’est plus à la mode d’être insécure à propos de son physique. »

La Troop, ajoute l’influenceuse dans une vidéo promotionnelle, est une communauté de femmes souhaitant être « bien dans leurs corps et qui n’ont pas besoin de standards ni de règles ».

Pour la nutritionniste Marilou Morin, certains produits offerts dans la boîte placent la femme d’affaires sur un terrain glissant. « Quand on parle d’activité physique et d’alimentation, si c’est plus motivationnel, c’est correct, observe-t-elle. Mais pour quelqu’un qui a une relation malsaine avec son corps, ça peut devenir délicat. »

« Les intentions [d’Alanis] semblaient excellentes, mais en plus de ne pas être ce qui était annoncé, c’est presque l’inverse, estime Édith Bernier, fondatrice du site Grossophobie.ca, promouvant le partage de connaissances et de sensibilisation sur la grossophobie. Elle dit s’adresser à “toutes les femmes”. Mais encore ? Dans son monde à elle, elle est grosse, mais son monde est tellement petit. Son projet n’est pas que pour le monde de la télé, c’est censé s’adresser à toute la société. »

Le manque de diversité

Si la clientèle cible est la femme sous toutes ses formes, plusieurs ne se sont pas senties concernées par l’offre de La Troop. Certaines ont noté que la campagne de publicité du projet, sur les réseaux sociaux, ne montrait pas assez de diversité.

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE LA TROOP

L’ex-candidate d’Occupation double devenue influenceuse Alanis Desilets a lancé ces dernières semaines La Troop, un service de souscription à des boîtes mensuelles.

De prôner la diversité corporelle, c’est génial. Mais quand on voit dans sa publicité que ce ne sont que de jeunes femmes blanches et jolies, dont une seule, en arrière, illustre une certaine diversité de corps, ça ne va pas beaucoup avec le message.

Marilou Morin, nutritionniste

Plusieurs internautes mécontentes se sont exprimées sur le sujet sur le compte Instagram de La Troop. 

« Où est la diversité là-dedans ? Je ne la vois pas, décevant », écrit l’une. « Depuis le début, tu valorises le body positive. Tu encourages les femmes et jeunes femmes à s’accepter et s’aimer dans leur corps. Soudainement, virage 365 degrés : aime-toi […] mais laisse-nous te vendre une boîte magique pour t’aider à perdre du poids et être dans les standards de beauté », déplore une autre. 

Certaines remarques négatives ont été effacées du compte Instagram de l’entreprise. 

« Suivre la promesse »

Depuis son passage à Occupation double, Alanis Desilets s’est bâti une carrière sur les réseaux sociaux (281 000 abonnés Instagram) en grande partie grâce à son implication pour la promotion de la diversité corporelle. La Troop se voulait un pas de plus dans cette direction.

L’idée initiale est « très bonne », estime Anik St-Onge, professeure au département de marketing de l’ESG UQAM, qui croit d’ailleurs qu’il y a de la place pour la rédemption. « Dans sa position, l’ADN de sa marque, on voit où ça s’en allait, dit-elle. Dans l’application, il y a un problème. Il faut suivre la promesse de cette image et elle ne l’a pas fait. »

« L’appât du gain » est aussi à considérer lorsqu’on analyse de telles initiatives prises par des influenceurs, soulève l’experte.

On ne se leurrera pas, il est question de se servir d’une cause sociale pour se partir une entreprise.

Anik St-Onge, professeure au département de marketing de l’ESG UQAM

« De plus en plus, on demande aux marques de s’impliquer socialement, ce qui est extraordinaire. Maintenant, les produits doivent suivre ce message. »

La possible rédemption

À la suite de la publication d’un texte de la blogueuse Jessica Prudencio accusant l’initiative La Troop d’être « opportuniste et grossophobe », Alanis a partagé jeudi une story Instagram où elle admet des « erreurs ». Comme le fait d’avoir supprimé les commentaires négatifs à l’égard de son projet (« J’étais triste, exténuée et je ne pouvais pas supporter qu’on critique mon travail »). Ou la présence des produits « stabilisateurs de faim » dans la boîte de lancement de La Troop.

Très émotive à la fin de sa vidéo, elle dit vouloir s’ouvrir aux questions et suggestions de sa « communauté ». « Quand je l’ai créé, ce projet-là, c’était pour apporter du positif dans la vie des gens », dit-elle. 

Ce mea-culpa pourra être salvateur pour La Troop et Alanis Desilets si elle joue mieux ses prochaines cartes, selon Nicolas Bon, fondateur de l’agence de marketing d’influence Clark. « Elle n’avait pas mesuré le fait qu’en jouant sur ce terrain, il faut le faire de manière authentique, dit celui qui a travaillé avec Alanis à plusieurs reprises. Je pense qu’elle est très vraie, honnête, mais c’était mal orchestré. »

Alanis Desilets n'a pas donné suite à nos demandes d'entrevue.