Ils se nomment David D'Amours, Maïna Militza, Olivia Leblanc, Florence Masson, Toby Read et Martine Gagné. Ils sont les «A» de l'ombre. Des artisans ou des thérapeutes populaires auprès des artistes. Qu'ont-ils en commun? De l'écoute, une approche unique, de l'intuition et un don pour deviner les gens.

David D'Amours: Le coiffeur star

Il coiffe Marie-Mai, Magalie Lépine-Blondeau, Sarah-Jeanne Labrosse, Maripier Morin, Karine Vanasse. Céline Dion l'a fait venir par avion à Las Vegas. Et c'est lui qu'on recommande quand une Jennifer Lawrence est en ville.

Si David D'Amours est devenu une star de la coiffure, il a d'abord étudié en communication à l'université. «J'aimais ça, mais comme j'étais attiré par la coiffure, j'ai décidé de me lancer.»

Gain de compétitions, stage à Londres... David D'Amours s'est retrouvé sur le plateau de Star académie où il a rencontré Marie-Mai, sa meilleure amie et grande collaboratrice, ainsi que la styliste Annie Horth (qui a été derrière l'image de Céline Dion pendant 13 ans). C'est là qu'il s'est mis à coiffer des personnalités publiques.

David D'Amours a travaillé longtemps au salon Pure avant d'ouvrir le sien, PRIVÉ, il y a quatre ans dans le Vieux-Montréal.

«Le salon et les plateaux de télé, c'est deux choses complètement différentes. J'ai besoin des deux, souligne-t-il. Annie Horth est celle qui m'a permis d'adapter mes techniques. En télé, le cheveu doit vivre avec un regard éditorial plus moderne et plus mode. Grâce à elle, j'ai commencé à travailler avec beaucoup de photos d'inspiration.»

Au fil des années, David D'Amours a développé des coupes qui portent sa signature.

«Quand j'ai commencé, les photos d'inspiration étaient de gens qui venaient d'ailleurs. Aujourd'hui, cela me touche quand des gens d'autres salons me disent qu'un client a apporté une photo de Marie-Mai pour avoir son blond. Nous avons fait un pas en avant au Québec.»

Or, une photo n'est qu'une inspiration. Chaque personne a sa morphologie, donc chaque coupe ou coloration est unique. «C'est ce que j'aime de ma job. Il n'y a pas une tête qui est pareille!»

David D'Amours aime le lien privilégié qu'il entretient avec ses clientes et les artistes. «Je les vois sous un jour parfois vulnérable. Certaines ont des cheveux blancs, peu de cheveux... Il y a une intimité et une grande confiance.»

Sur un plateau de tournage, David D'Amours doit aussi savoir intervenir au bon moment sans trop déranger. «Un cheveu peut bouger en trois secondes.»

Le coiffeur a aussi déjà accueilli sur sa chaise Jennifer Lawrence et Penélope Cruz, alors qu'elles étaient de passage à Montréal. Dans ces deux cas, il a misé sur la discrétion. «Il ne faut pas être groupie. Je n'ai pas demandé de selfie», blague-t-il.

Tout est une question de deviner le «mood souhaité» de la personne sur chaise.

«C'est intuitif», conclut-il.

Florence Masson: Faire du bien

Florence Masson traite beaucoup d'artistes ainsi que des tatoueurs. La photographe Cindy Boyce, l'illustratrice Mathilde Corbeil et de nombreux musiciens s'en remettent aussi à elle.

Son mari Jonathan Berthomé et elle ont fondé Cabinet d'ostéo, qui a conclu une entente avec l'Union des artistes afin d'offrir des soins à tarif réduit.

Nous avons rencontré la jeune trentenaire alors qu'elle traitait l'artiste visuel Jason Cantoro, qui vient de terminer une oeuvre murale sur l'édifice du centre interculturel Stratearn, qui sera inaugurée sous peu rue Jeanne-Mance, à Montréal. C'est pour des douleurs chroniques au pied que Jason Cantoro a d'abord cogné à la porte de Florence Masson. Ensuite, pour une chute d'une échelle dans son atelier alors que son bébé avait 2 semaines.

Florence Masson baigne dans le milieu artistique. Elle a étudié en art à l'Université Concordia et a été DJ. C'est lors d'un massage dans un spa des Laurentides qu'un thérapeute lui a parlé d'ostéopathie. «Je n'avais aucun background en santé. Je ne savais pas ce que c'était. Il a fait une manoeuvre et j'ai ressenti quelque chose qui pouvait changer mon corps.»

Cinq ans d'études plus tard, la voilà officiellement ostéopathe.

«Je m'intéresse beaucoup à la posture des artistes quand ils travaillent. Ils font beaucoup de gestes répétitifs et de torsions. Ils attendent à la dernière minute avant de consulter.»

«Quand tu crées des oeuvres dans ta bulle, tu ne penses plus à ton corps, dit Jason Cantoro. Et quand tu vieillis, tu penses que tes douleurs sont une fatalité. Florence fait des miracles», lance-t-il alors que la principale intéressée lui tâte le cou.

«Il y a beaucoup d'éducation et de prévention à faire», souligne Florence Masson.

Empathie, écoute, don pour ressentir les choses... toutes des qualités de la jeune femme. Les gens qui souffrent vivent beaucoup de désarroi, donc son travail comporte aussi une grande part de psychologie.

Beaucoup d'artistes n'ont pas d'assurances ou les moyens de se payer des traitements d'ostéopathie. «Ils attendent vraiment de souffrir avant de consulter.»

C'est une clientèle avec laquelle Florence Masson aime travailler. «Ils sont très ouverts d'esprit.»

Faire du bien, c'est ce que l'ostéopathe adore de son travail. «Les gens arrivent avec une douleur et quand ils quittent mon cabinet, ils ont moins mal. Il y a des résultats, puis les gens te recommandent à leurs amis.»

Photo François Roy, La Presse

Florence Masson, ostéopathe, avec son patient, l'artiste en art visuel Jason Cantoro.

Maïna Militza: Tout en douceur

Elle maquille Coeur de pirate depuis 10 ans. «Je connais tellement bien ce visage», lance-t-elle.

Maïna Militza compte aussi parmi ses fidèles Sophie Desmarais, Magalie Lépine-Blondeau, Monia Chokri et Évelyne Brochu. Une communauté tissée serré.

Enfant, Maïna Militza était attirée par les arts. «J'étais dans ma bulle. Je faisais des dessins, de la peinture. J'étais fascinée par les couleurs, les textures, la brillance....»

Au secondaire, un intérêt pour le maquillage s'est développé pendant un cours de théâtre. La jeune Maïna a songé à s'inscrire en sciences humaines au cégep quand sa mère lui a parlé d'un cours de maquillage au collège LaSalle.

Plus tard, la jeune femme a enfilé des contrats, acquis de la notoriété, si bien qu'elle s'est retrouvée dans des séances de photos pour des magazines comme Elle Québec.

Sur des plateaux de cinéma, Maïna Militza a rencontré des artistes qui lui sont restés fidèles, dont Monia Chokri. «J'ai aussi pu rencontrer des créateurs d'exception comme Xavier Dolan.»

C'est ainsi que Maïna Militza a participé aux tournages des films Mommy et Juste la fin du monde. Et à ceux de nombreux clips (Arcade Fire, Billie Eilish).

Maïna Militza a parfois des contrats de dernière minute «surprises», comme maquiller Roger Federer pour le magazine du New York Times, ou encore Édouard Baer, il y a quelques jours, pour le festival Cinemania. «Tout est possible, même à Montréal.»

En plus de les maquiller, Maïna Militza coiffe la plupart de ses clients. 

«Pour moi, le look est comme un tout. Quand je fais juste le maquillage, j'ai l'impression de ne pas pouvoir finir complètement mon travail.»

Son métier comporte une grande part d'intimité, souligne-t-elle. «J'entre dans la bulle des gens en étant dans leur visage de très près. Des gens que je ne connais pas nécessairement... On doit ne pas prendre trop de place, être doux, ne pas être stressé. Il faut mettre la personne à l'aise et en confiance.»

«Certains ont envie de se confier, d'autres d'être en silence, poursuit-elle. Il faut bien sizer l'énergie de la personne et agir en conséquence. J'adore cela car je suis fascinée par la psychologie et les différentes personnalités. Je dois m'adapter. Je suis effacée, discrète...»

Maïna Militza veut représenter un «petit moment de douceur» dans la journée des gens qu'elle maquille, même dans la façon dont elle touche leur visage.

Photo Patrick Sanfaçon, La Presse

«J'entre dans la bulle des gens en étant dans leur visage de très près. Des gens que je ne connais pas nécessairement...», dit la maquilleuse Maïna Militza.

Toby Read: Le docteur de guitares

«Le meilleur», nous a dit Ariane Moffatt. Son nom: Toby Read, de la boutique-atelier Montréal Guitar située rue Van Horne, à la frontière du Mile End, à Montréal. Le luthier qui a remis sur pied les guitares des Soeurs Boulay et souvent reçu dans sa boutique Jean Leloup répond à nos questions.

Comment devient-on luthier?

J'ai étudié en musique au cégep Lionel-Groulx, mais j'avais pris un cours de lutherie [...] Dans ma famille, il y a beaucoup de gens manuels. Des menuisiers, des bijoutiers. J'avais un intérêt pour cela et je réparais les guitares de mes amis. C'est devenu plus sérieux et j'ai eu un poste chez Italmélodie.

Montréal Guitar a ouvert quand?

J'ai fondé la compagnie en 2007, mais j'ai pignon sur rue depuis 2010. En 2007, je travaillais avec Marc Dupré et grâce à lui, j'ai eu un poste de technicien sur la tournée Taking Chances de Céline Dion. C'est là que j'ai tout délégué pendant trois mois à mon collègue Alexis, qui est toujours avec moi aujourd'hui. 

Qu'est-ce qui vous distingue?

Ici, on fait vraiment de la réparation et de la restauration d'instruments de collection. Pas de la fabrication. Il n'y a rien comme le son d'un vieil instrument. Cela change même la façon de jouer des musiciens.

On prend un instrument dans un piteux état et on trouve une façon de le remettre en bon état. Nous avons toujours des nouveaux cas et nous faisons beaucoup de recherche. C'est très créatif et lié à la débrouillardise. Il n'y a pas de marche à suivre.

Je ne suis pas un bon homme d'affaires. Ici, nous avons le souci du détail et nous sommes avant tout des trippeux qui aiment trouver des solutions.

Nous avons un gros stock de pièces de réparation et nous avons un paint booth pour faire de la peinture et de la finition vintage. Nous sommes aussi le seul centre de service Fender «Custom care» Or au Canada.

Vous avez des clients connus?

La plupart du temps, je ne les reconnais pas! Je regarde la télé et je vois un musicien dont on a réparé la guitare ou la basse. Je ne prends jamais de photos avec des clients. J'ai la même attitude envers tout le monde.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Toby Read, luthier chez Montreal Guitar, fait de la réparation et de la restauration d'instruments de collection.

Martine Gagné: Changer les mentalités

Martine Gagné a deux carrières: elle est instrumentiste classique et thérapeute en réadaptation physique depuis 2015.

Sa clientèle? Des musiciens comme elle, dont la chanteuse d'opéra de renommée internationale Michèle Losier.

Elle ne peut pas dévoiler le nom de ses autres patients, mais elle a partagé la scène avec les Céline Dion, Patrick Watson, Ginette Reno et Ariane Moffatt.

Martine Gagné a accumulé les blessures au début de sa carrière: bursite, inflammation, alouette. Elle a consulté des thérapeutes qualifiés, mais «ils ne comprenaient pas nécessairement [son] métier».

Non, il n'est pas possible pour un violoniste de l'Orchestre symphonique de Montréal de donner un spectacle debout, par exemple. Il faut aussi savoir à quel point répéter des dizaines de fois tel passage de Wagner à la demande d'un chef d'orchestre est différent pour le corps par rapport à de longues notes soutenues, par exemple.

«Jouer au hockey, ce n'est pas faire du patinage artistique. Il y a encore une pensée de la vieille école que le musicien doit être parfait tout le temps.»

Que les exercices ou les échauffements sont frivoles. Et qu'un musicien est avant tout un artiste et non un sportif.

Or, la musique classique ou même jazz, «c'est athlétique». «La rigueur, la posture, la constance...»

Il suffit de voir le film Whiplash pour le comprendre.

Heureusement, les mentalités changent. Martine Gagné multiplie les conférences et les ateliers de prévention des blessures dans les établissements d'enseignement de musique. «La réticence peut venir des professeurs qui protègent leur technique.»

La plupart des musiciens attendent à la dernière minute avant de cogner à la porte de Martine Gagné. «Ils ont forcé la note et ils viennent quand ils commencent à avoir de la misère à jouer.»

La première question est souvent: «Est-ce que je devrai arrêter de jouer?»

Certains souffrent terriblement depuis des années. «Ils ont accepté de vivre avec la douleur. C'est devenu normal pour eux de jouer dans un état de 4 sur 10. Tant qu'ils peuvent jouer...»

La chanteuse d'opéra Michèle Losier a contacté en urgence Martine Gagné pour un torticolis qui l'accablait avant un récital, mais aussi pour une tendinite. «Elle m'a donné des conseils précieux. Et encore aujourd'hui, je continue de faire les exercices qu'elle m'a suggérés.»

Photo André Pichette, La Presse

Martine Gagné est instrumentiste classique et thérapeute en réadaptation physique. Deux métiers qui se combinent très bien.

Olivia Leblanc: Au-delà du look

Ses débuts

Enfant, quand elle recevait de l'argent de poche de ses parents pour aller au dépanneur, Olivia Leblanc n'achetait pas des bonbons, mais un magazine Vogue.

«J'étais très attirée par l'esthétisme. Les images me faisaient rêver», se souvient-elle.

Sa mère travaillait dans l'art contemporain, donc le design faisait partie de sa jeune vie.

Dans les boutiques où elle a travaillé, Olivia Leblanc a gravi les échelons. Elle a étudié en cinéma et en design de mode. Puis, quand on l'a invitée à une séance photo de mode, elle a su qu'elle voulait devenir styliste.

Des collaborations de longue date

«La première personnalité publique qui m'a engagée est Herby Moreau», raconte-t-elle.

Olivia Leblanc est par ailleurs toujours la styliste des deux anciennes coanimatrices de l'émission Star système qu'a animée Herby Moreau, soit Julie Bélanger et Pénélope McQuade.

Autre collaborateur de longue date: Guy Jodoin. Olivia Leblanc a aussi déjà guidé dans leur look de nombreux musiciens, dont Loud, Ariane Moffatt, Ingrid St-Pierre et Coeur de pirate.

Sa relation avec Pénélope McQuade est privilégiée. L'animatrice et elle sont de grandes amies.

Pas de routine

Olivia Leblanc habille des personnalités publiques, mais elle fait aussi du stylisme pour des magazines ou des clients commerciaux. «C'est pourquoi j'aime mon métier après 15 ans. Il n'y a pas de routine. Je travaille avec des gens qui ont des insécurités et qui vivent du stress. Ils n'ont pas le temps de s'occuper de leur look et je me sens valorisée de les faire sentir bien.»

Parfois, c'est d'amener quelqu'un «ailleurs» à travers son look. «C'est parfois très psychologique.»

L'équation du look?

«Je ne suis pas une styliste qui bouscule les gens, signale Olivia Leblanc. J'y vais de façon fluide et en douceur. J'éduque mes clients tranquillement et je les écoute beaucoup.»

La styliste assiste des personnalités publiques dans l'intimité. Avant et après une grossesse, une variation de poids, dans de nouveaux contrats stressants... «Mon service est toujours hyper confidentiel.»

Un métier qui sort de l'ombre

Il fut une époque où le travail des stylistes devait demeurer secret, comme si le look des stars se faisait comme par magie.

Aujourd'hui, avec les réseaux sociaux, Jay Du Temple, Claudine Prévost et Mylène Saint-Sauveur vont écrire en marge de photos publiées sur Instagram qu'Olivia Leblanc est derrière leur style.

«Je suis surprise quand des gens disent me connaître. C'est nouveau pour moi», dit la principale intéressée, qui a pris du temps à considérer Instagram comme un outil de travail.

«J'ai constaté que les gens aiment voir le behind the scene

Photo Julie Perreault, tirée d’Instagram

Olivia Leblanc en compagnie de Pénélope McQuade