Impure Fiction n'est pas tout à fait Impure Fiction. Peu importe. Son Misanthrope de Molière, qu'elle présente à la Biennale de Montréal, ne sera pas tout à fait celui de Molière non plus.

Dans le passé, elle a joué Hamlet en ne gardant que les didascalies et une seule réplique par personnage de ce qui est la plus longue pièce de Shakespeare. Dans son Roméo et Juliette, les amoureux de Vérone se tuaient en sautant du balcon. Voici Pure Fiction, une «troupe» de théâtre allemande... par accident.

Comme la Biennale de Montréal ne pouvait pas faire venir toute la troupe au complet, elle a décidé de se renommer, pour l'occasion, Impure Fiction. Ironie, dites-vous?

«Tout ça est arrivé un peu par hasard il y a quelques années. Avec mes étudiants, nous avons décidé de monter Hamlet en ne jouant que les didascalies», explique le vétéran du groupe et professeur Mark von Schlegell, ci-devant écrivain américain vivant en Allemagne.

«Comme ça s'est bien passé, nous avons décidé de continuer. Pour un écrivain, je trouve intéressant de travailler en groupe. Si ça ne marchait plus, je retournerais à l'écriture. Mais nous avons tourné un peu en Allemagne et nous voilà, pour la première fois, à l'étranger, ici à Montréal.»

L'histoire ne s'arrête pas là. Enfin, pas dans les mots et les gestes de ce conteur hors pair, auteur de romans de science-fiction post-apocalyptique, chez qui on peine à séparer le bon vrai du mauvais faux.

«Nous tentons de mémoriser le texte et faisons beaucoup d'erreurs, note-t-il à propos du Misanthrope. Et nous n'avons droit qu'à une seule journée de répétition pour notre spectacle! Comme je suis le plus vieux, les autres m'ont dit de vous parler. De toute façon, ils ne m'écoutent pas», dit-il sourire en coin, casquette sur la tête et barbichette blanche au menton.

(Im)pure Fiction a donc traduit la pièce Le misanthrope en anglais et l'a condensée en y ajoutant, tout un chacun, des grains de sel personnels. Parce qu'il n'y a pas de metteur en scène à (Im)Pure Fiction. «Mais notre pièce rime», sourit-il. 

«En fait, moi, je joue une femme. Les rôles féminins sont plus intéressants parce que tout a déjà été écrit sur les personnages masculins. Mais c'est surtout un spectacle de perruques que l'on fait. Les perruques étaient très à la mode à l'époque de Molière.»

On pourrait croire, à l'entendre, à l'irrévérence la plus crasse. Il n'en est rien pourtant. Mark von Schlegell aime Shakespeare, Molière, les philosophes grecs. Il aimerait vivre dans une caverne plutôt que dans un édifice. Il préfère les livres en papier aux tablettes numériques, la paresse à la rapidité, la nostalgie au virtuel. 

«Un bon auteur est un auteur mort, blague-t-il. Je défends la littérature pour ce qu'elle est, venant de la base, des lecteurs. Pas celle de l'industrie du livre ou des spécialistes. Ce n'est pas vrai que Google va nous dire quoi lire ou pas.»

Ils seront cinq sur scène, enfin sur le plateau, peut-être sous la table, parce qu'il y en aura une, qui sait, dans la salle. 

«Nous amenons la littérature là où on ne l'attend pas. On crée de la littérature en utilisant l'art», conclut Mark von Schlegell. 

Pour une fois, on a l'impression qu'il dit vrai.

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La pièce Le misanthrope d'(Im)pure Fiction sera présentée à la SAT mardi et mercredi.