Al Pacino a participé dimanche soir à un événement de type « Actors Studio », auquel a assisté le Tout-Montréal à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Malgré une technique parfois déficiente, l'acteur s'est montré très généreux. Et bon showman!

Quand les lumières de la salle se sont éteintes, les spectateurs de la « Soirée avec Al Pacino » ont d'abord eu droit à un clip monté de façon très serrée. Au son de la trame musicale qu'a composée Peter Gabriel pour le film de Martin Scorsese The Last Temptation of Christ défilaient alors en rafale quelques-uns de nos plus beaux souvenirs cinématographiques: Serpico, Dog Day Afternoon, The Godfather, And Justice for All, Scarface, Scent of A Woman. Et bien d'autres. Autant de films qui auront fait de l'acteur l'une des icônes du cinéma américain.

Dès que son ombre s'est déplacée sur scène, ce fut l'ovation. La claque et les cris se sont fait encore plus nourris quand un projecteur a enfin isolé Al Pacino au milieu de la grande scène.

Pendant plus de deux heures, celui dont la carrière cinématographique est née pendant le dernier grand âge d'or du cinéma américain aura pu explorer ses talents de conteur en répondant avec grande générosité aux questions de l'animatrice Sonia Benezra.

Une grosse journée

Cette soirée venait clore une journée passablement occupée pour l'acteur en sol montréalais. Les clés de la ville lui ont d'une part été remises par le maire Denis Coderre. Puis, il a assisté à la course du Grand Prix de Formule 1.

« En fait, je croyais voir une course mais disons que tout ça a pris une tournure un peu différente une fois sur place! », a-t-il dit en riant.

Entendez par là qu'avec toutes les requêtes d'interviews, de prises de photos et de signatures accordées aux chasseurs d'autographes, l'acteur n'était pas vraiment en mesure de dire quel pilote avait de l'avance sur les autres.

« J'ai déjà joué un pilote de course il y a longtemps, a-t-il fait valoir. Peu de gens ont vu Bobby Deerfield, cela dit. »

Ce film, tourné en 1977, ne fut pas le plus célèbre de Sydney Pollack (The Way We WereOut of Africa) non plus. Et on sent bien que l'acteur n'en garde pas un souvenir impérissable. « Mais il y avait quelques bonnes scènes quand même! »

Le ton était décontracté, bon enfant. Pacino était visiblement en représentation et à cet égard, il n'a pas déçu ses admirateurs. Le seul hic: le son capté par les micros-cravates, épinglés autant à l'acteur qu'à l'animatrice, était pitoyable. Un extrait de film, tiré de Dog Day Afternoon, qu'Al Pacino aurait voulu montrer n'a finalement jamais été projeté non plus. Qu'à cela ne tienne, le public ne s'est pas fait prier pour évoquer la plus célèbre scène du film de Sidney Lumet en scandant « Attica! Attica! »

« Voilà le genre de scène qui illustre bien comment le cinéma peut être magique parfois, a-t-il raconté. Elle n'existait même pas dans le scénario mais sur le plateau, alors qu'il y avait plein de figurants, l'assistant de Sidney Lumet, Burrt Harris, m'a suggéré d'évoquer cette prison où avait eu lieu une mutinerie quelques années auparavant, par solidarité pour le personnage. Cela a eu un tel effet d'entraînement que les figurants se sont mis à scander "Attica! Attica! ». Elle est devenue la séquence la plus marquante du film! »

« Harrison Ford me doit sa carrière! »

Parmi les temps forts de la soirée, on compte bien sûr le rappel d'une certaine époque où Al Pacino avait la réputation de refuser de très belles propositions.

« Harrison Ford me doit sa carrière!, a-t-il lancé. Un jour, George Lucas m'a fait lire un scénario et après l'avoir lu, j'ai dit mais qu'est-ce que c'est ça, putain? (What the f...k is that?). C'était Star Wars bien sûr. Harrison ne m'a jamais remercié. Tout simplement parce qu'il ne sait pas ça! »

L'acteur se sera bien entendu attardé sur ses rôles marquants, dont celui de Michael Corleone dans The Godfather, qui l'aura révélé autant auprès du grand public qu'auprès des gens de l'industrie.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Al Pacino s'est vu remettre les clefs de la ville par le maire Denis Coderre.

« J'ai voulu partir plusieurs fois au début parce que je ne me sentais pas désiré, a-t-il confié. Je crois que Francis Ford Coppola avait davantage foi en moi que moi-même! C'est lui qui m'a imposé auprès du studio Paramount. Or, les dirigeants du studio cherchaient à me remplacer même une fois le tournage commencé. En fait, ils ont décidé de me garder seulement le jour où Francis leur a montré une scène qui les a convaincus. Là est d'ailleurs la marque d'un grand cinéaste. Francis m'a vu en Michael et il est resté fidèle à sa vision, peu importe ce que les autres - ou moi-même - lui disaient! »

Une décennie faste mais difficile

Au cours des années 70, alors qu'il tournait quelques-uns des films les plus importants de sa carrière, l'acteur avait aussi des problèmes de dépendance à l'alcool et à la drogue.

« Ça m'a aidé à passer au travers, mais je ne le recommande pas du tout!, a-t-il souligné. À cette étape de ma vie, je n'avais aucunement conscience du tort que tout ça pouvait causer, d'autant que tout le monde faisait la même chose. Jusqu'à ce qu'un ami me fasse comprendre un jour que j'avais vraiment un problème. Ça m'a sauvé la vie! »

Dans la période consacrée aux - nombreuses - questions du public, un admirateur a déclaré qu'à ses yeux, Al Pacino n'était rien de moins que le meilleur acteur de l'histoire. Ce à quoi la vedette de la soirée a répondu: « Je suis tellement heureux de ne pas y croire! »