On rendra hommage mardi à Rock et Belles Oreilles dans le cadre des 35 ans de CIBL, la radio communautaire où le groupe culte de l'humour québécois a fait ses débuts. RBO fera aussi un retour sur les planches, les 10 et 11 juillet au Centre Bell (et le 19 septembre au Centre Vidéotron de Québec), pour présenter un pot-pourri de ses chansons. Rencontre avec l'humoriste, animateur, comédien, réalisateur et scénariste Yves Pelletier.

Mon fils de 11 ans va chanter Le feu sauvage de l'amour avec sa chorale, mardi à CIBL. On écoute ça en boucle à la maison. Son frère et ses cousins trouvent ça très drôle. Est-ce que RBO se transmet, comme Passe-Partout, de ma génération à la suivante ?

J'entends toujours parler d'histoires comme celle-là. Des gens me présentent leurs enfants en me disant que leur fils ou leur fille est fan de RBO. Souvent, ils ont trouvé des sketches eux-mêmes sur internet. Certains fans ont transmis ça à leur progéniture, et il y en a d'autres qui sont devenus amateurs tout seuls. Je pense que c'est le côté BD de RBO qui leur plaît. Quand tu distancies la parodie de la référence télévisuelle ou publicitaire de l'époque, il reste l'esprit de l'humour.

C'est devenu de l'humour de répertoire...

Je ne suis pas du type nostalgique. C'est moi dans le groupe qui insiste le plus pour qu'il y ait de la création quand on se réunit ou qu'on revisite notre matériel musical, par exemple. C'est une relecture. On n'a pas la disponibilité nécessaire pour faire un nouveau spectacle, même si on en a tous envie. On a fait des capsules pour le spectacle de l'an dernier [au Quartier des spectacles, pendant le festival Juste pour rire] et on a eu un fun noir. Pour les spectacles au Centre Bell, on aura une demi-heure de sketches de plus et on sera 15 sur scène avec les musiciens. De manière pragmatique, faire du RBO, tant à la télé que sur scène, ça coûte extrêmement cher. Ce n'est pas étonnant que toute une génération d'humoristes préfère le stand-up.

Vos chansons sont drôles, très efficaces et accrocheuses. Mais la musique reste ancrée dans son époque. C'est une musique des années 80...

On a tout le temps fait appel à de vrais musiciens : Patrick Bourgeois, Jocelyn Therrien, Gaëtan Essiambre. C'était de la vraie musique. J'ai déjà vu des gens, en tournée, se ruer pour danser sur Arrête de boire. En me disant « Ah bon ? ». J'ai vu cette musique-là devenir de la musique de danse. C'est de la musique qui a été composée dans les années 80 et 90, mais ce que j'entends aujourd'hui n'est pas si différent... Il n'y a pas une si grande évolution musicale. Les gens revisitent les genres. Une mélodie, ça se recycle. On entend une chanson d'Arcade Fire et elle nous fait penser à Siouxsie and the Banshees. Live, les chansons prennent une autre dimension et, au niveau du chant, on s'exerce ! Celui qui a le mieux chanté, l'été dernier, c'est Guy ! (rires)

Tu n'es pas nostalgique, mais le noyau dur du public qui se déplace pour vous entendre chanter l'est forcément. Ce sont des gens de ma génération qui ont grandi en écoutant RBO et qui se remémorent leur adolescence.

On pourrait très bien ne leur donner que de la nostalgie, mais on essaie de leur donner autre chose aussi. Quand on faisait de la tournée, chacun des spectacles était différent. Ça permet de rester sur le qui-vive, en ayant l'impression qu'on va recréer les choses.

Tu n'as pas l'impression que RBO qui refait des shows, c'est un peu comme si Genesis se réunissait pour refaire Selling England By The Pound ?

S'il y a de la création, je n'ai pas cette impression-là. On a fait deux Bye Bye dans les années 2000, et on nous redemande d'en faire depuis ce temps-là. Les deux fois, on a failli se tuer à l'ouvrage parce qu'un Bye Bye, ça se crée à l'automne, alors qu'on est tous très occupés. RBO fonctionne par des rencontres, des brainstormings. On ne se délègue pas des choses sur internet. C'est une création collective. Ça nous vient de la radio communautaire. On est encore un groupe communautaire. »

« Des Bye Bye, c'est suicidaire d'accepter de faire ça dans le contexte actuel. C'est très contraignant aussi de ne pouvoir parler que de l'actualité et de devoir plaire à tous. Même si c'est très stimulant à faire. »

Y a-t-il des inconvénients à avoir fait partie d'un groupe culte qui existe aujourd'hui à temps partiel ? Est-ce un héritage parfois lourd à porter ?

Il y a des désavantages, mais je ne parlerais pas de lourdeur. La notoriété aide. Elle vient avec un capital de sympathie. L'inconvénient, c'est d'être identifié très fortement à quelque chose. Quand j'ai présenté mon projet de film Les aimants aux institutions, on m'a demandé pourquoi les scènes n'étaient pas comiques. Ça m'arrive constamment. C'est mon karma. J'aime les projets accessibles mais originaux. Avec ce genre de forme hybride, tu n'as pas beaucoup d'alliés. Il y a les gens du cinéma d'auteur dramatique d'un côté, et ceux de la comédie de l'autre. Quand tu es entre les deux, tu arrives souvent deuxième. Il faut être persévérant et revenir à la charge.

Pour ta carrière de cinéaste, ton passé de RBO a pu te nuire...

Disons qu'il peut y avoir des désavantages à être identifié au type d'humour de RBO. Ça teinte la lecture et la perception des gens. J'aime le sous-texte et les choses légères. Mais je me rends compte qu'on ne comprend pas toujours le sous-texte dans mes scénarios.

Tu as eu de la difficulté à financer tes films ?

Pas seulement ça. Mon dernier film [Le baiser du barbu] date de 2009. Mais j'ai aussi travaillé à deux séries télé qui n'ont pas été retenues. Quand tu vois d'autres projets sélectionnés qui font patate, tu te poses des questions... (rires) Je travaille à un projet de long métrage et je me croise les doigts.

RBO, c'est un continuum. Vous vous êtes séparés il y a 20 ans, mais vous vous réunissez constamment depuis...

On ne s'est jamais vraiment séparés ! On a annoncé qu'on prenait un break et les journaux ont écrit qu'on se séparait. J'ai envie de déconner, ces temps-ci. Peut-être parce que j'ai animé pendant deux ans une émission de tourisme équitable ! RBO me permet de faire le cave.

Est-ce que des fans comme moi exagèrent le côté sociopolitique de l'humour de RBO ? Anti-Palestine, Hérouxtyville, qui était un vrai bijou... Il y avait aussi beaucoup de scatologique.

C'est à vous de décider ! On fait toutes sortes d'humour dans RBO : de l'irrévérencieux et du polémique, mais aussi de l'humour nono ou plus sentimental, comme avec M. Caron. On ne s'est jamais assis pour écrire en se disant qu'il fallait faire de l'humour social. On a travaillé tellement fort. À une époque, c'était toute notre vie. On était tout le temps ensemble. On y a investi toute notre énergie et notre créativité. On est un groupe qui n'a pas connu de conflits majeurs. Il y a eu des dissensions. C'est quatre gros ego, RBO. Ce n'est pas tout le temps du beurre de pinottes smoothy. Que ça se poursuive et que ça persiste, c'est assez prodigieux. C'est ce qui m'étonne et me réjouit le plus.