Depuis huit mois, on peut voir Evelyne de la Chenelière, debout ou sur un escabeau, recouvrir les murs du théâtre Espace Go de mots et de courtes phrases, qui sont autant des poèmes que des réflexions. Un chantier d'écriture qui donnera lieu à un événement baptisé Mur Mur(e), présenté au Festival TransAmériques (FTA) du 28 au 30 mai.

C'est un projet fou étalé sur trois ans, qui consiste à recouvrir les murs de l'Espace Go de mots et de phrases sur le thème du recommencement. Evelyne de la Chenelière s'y affaire depuis près d'un an déjà, déconstruisant deux ouvrages essentiels pour elle: la grammaire française et la Bible.

«J'interroge la possibilité du recommencement, non pas dans le sens de la récidive, mais du renouveau. J'ai imaginé que ce qui avait fondé mon regard sur le monde, c'était l'apprentissage de ma langue maternelle, symbolisé par la grammaire, et tout l'héritage métaphysique et la religion symbolisés par la Bible, ce qui fait que j'ai longtemps à écrire!»

L'auteure et comédienne avait envie de faire l'expérience du geste d'écriture «autrement». «Le fait d'écrire sur un mur déplace le geste, lui donne une ampleur et une dimension corporelle que je n'ai jamais vécues avant, nous dit-elle. Le phrasé de ce geste-là oriente directement le propos et le rythme de ce que j'écris.»

Avec le scénographe Max-Otto Fauteux, elle a conçu le support qui soutiendra la deuxième couche de mots. Ce matériau-là sera installé en partie pour les représentations de Mur Mur(e). «Ce n'est pas la conclusion de ce projet, mais c'est dans la continuité, précise Evelyne de la Chenelière. Je n'avais pas l'impression de me livrer tant que ça, mais au fond, oui, je me livre un peu.» Julie Le Breton, James Hyndman, Christiane Pasquier et Dany Boudreault ont choisi les fragments de textes qui les interpellaient. «Ils devaient créer leur partition à partir des mots qui les intéressaient. Puis, avec Daniel Canty, nous avons fait une partition globale où chaque interprète s'exprime, mais où ils se répondent aussi. Tout se passe dans le hall, devant le mur, donc le public pourra compléter avec son propre regard.»

Au Café-bar de l'Espace Go du 28 au 30 mai.

Musique : Nils Frahm

«J'écoute peu de musique dans la vie, sauf lorsque mon chum en met. C'est comme ça que j'ai découvert Nils Frahm, qui fait de la musique électronique, avec du piano. C'est très planant, ça me fait me sentir bien.»

Cinéma : Deux jours, une nuit

«J'aime beaucoup les frères Dardenne. Leur dernier film raconte l'histoire d'une femme [Marion Cotillard] qui cherche à convaincre ses collègues d'abandonner leur prime afin d'être réemployée.

C'est à la fois philosophiquement très riche et un miracle cinématographique qui nous tient en état de tension jusqu'à la fin.»

Livre : Les techniciens du sacré

«C'est une anthologie de Jérôme Rothenberg qui a été rééditée récemment et qui m'accompagne encore. C'est comme un voyage dans l'écriture, depuis ses débuts dans les sociétés dites primitives. On y retrouve des poèmes du début du monde. C'est tellement beau.»

Cinéma : Wintersleep (Sommeil d'hiver)

«C'est le film turc qui a gagné la Palme d'or au Festival de Cannes l'an dernier. C'est une histoire inspirée d'une nouvelle de Tchekhov qui pose aussi des questions éthiques incroyablement fécondes. L'histoire d'un homme incapable de quitter sa femme qui ne l'aime plus.»

Essai : Essayer pour voir

«C'est un essai de Georges Didi-Huberman, qui est un critique d'art à la base et qui fait des liens entre certaines démarches artistiques pour parler de recherche de méthodes qui ont traversé les artistes pour tenter de dire ou de cerner l'échec de dire. Ça fait écho à ce que je fais au mur d'Espace Go.»