Mathieu Quesnel a été révélé en 2014 grâce à SNL Québec, à Télé-Québec, qui deviendra LNS (Le nouveau show) l'automne prochain sur les différentes plateformes de Radio-Canada. Il fut également l'une des têtes d'affiche du Vrai du faux d'Émile Gaudreault, dans lequel il apparaît dans son plus simple appareil. Entrevue sans artifices.

La deuxième chose qui s'affiche sur Google quand on tape ton nom, c'est « Mathieu Quesnel nu ». Avant SNL-Québec...

Je sais. Il y a des sites européens qui répertorient des images de scènes de films avec des hommes nus de manière frontale. J'en ai parlé avec mon agent. Il leur a écrit pour essayer de faire enlever ça. J'étais un peu gêné de me retrouver là. Je n'en parle pas, pour éviter que les gens augmentent le nombre de clics. Mais peut-être que le fait de t'en parler aujourd'hui va être contre-productif (rires)...

Cette année, je t'ai vu jouer nu dans Le vrai du faux, puis dans Débris à La Licorne.

Dans Débris, j'ai fini par seulement montrer mes fesses après trois ou quatre représentations. C'est toujours délicat. Dans le texte, on ne disait pas nécessairement à quel point il fallait être nu...

C'était logique pour le rôle. Tu tentais de séduire le personnage d'Evelyne Rompré.

J'avais déjà fait de la nudité, dans une autre pièce à La Chapelle. C'est souvent dans un contexte où je suis le personnage « comique ». Dans Le vrai du faux, j'ai trouvé ça drôle à l'écrit et j'ai accepté de le faire.

On a beaucoup insisté sur cette scène-là. C'était dans la bande-annonce...

Ça, je t'avoue que ça m'a un peu dérangé. Selon moi, ça ne « vendait » pas bien le film, qui aurait pu être différent aussi. On a tourné toutes sortes de scènes. Ç'aurait pu être plus dramatique.

En voyant la bande-annonce, tu t'es dit que ça allait te coller à la peau ?

Oui. Mais comme j'ai aussi fait SNL, où il n'était pas du tout question de ça, ça m'a permis de ne pas trop être associé à ça. Ce n'est pas comme si j'étais dans un show de Dave St-Pierre ! J'ai plusieurs amis qui ont dansé avec lui. Je pense que le phénomène de gang fait en sorte que tu acceptes plus volontiers de te mettre à nu. J'aurais plus de difficulté à le faire dans un cadre plus sérieux.

Je pense à Francis Ducharme que j'ai l'impression d'avoir vu plus souvent nu qu'habillé au théâtre... Ça semble vraiment être pour lui une seconde nature.

C'est tellement un bon acteur. Je l'ai vu dans Richard III [au TNM]. C'est un artiste complet. Ce n'est pas juste un comédien. C'est peut-être pour ça qu'il est tout le temps bon, nu ou habillé. Il n'a pas cette pudeur-là, ou du moins il le fait toujours pour l'art. C'est quand ça commence à être télédiffusé que c'est différent. Dans le milieu du théâtre, le public l'accepte plus facilement.

Tu as eu assez d'autodérision pour aller chercher ton prix Aurore du « meilleur pire accessoire » (ton pénis) pour Le vrai du faux à Infoman...

J'étais en bedaine ! C'est moi qui l'ai proposé. Je voulais être conséquent. Mais je suis parfois inconscient, même si je suis aussi quelqu'un de très lucide. Dans l'art, je suis instinctif. J'y vais si je trouve ça drôle.

J'ai senti une hésitation quand je t'ai parlé du sujet de l'entrevue...

C'est sûr que je ne veux pas me créer une image du gars qui accepte toujours de jouer nu. Je vais me permettre d'en refuser, de la nudité, si je sens justement que ça ne sert pas le propos. Mais dans le film d'Émile Gaudreault, j'avais l'impression que ça le servait, dans la mesure où le personnage se met à nu et s'ouvre enfin à un ami.

As-tu l'impression que les acteurs sont réticents à jouer nus parce qu'on leur propose plus facilement de le faire par la suite ?

Souvent, je me retrouve à le faire parce que ça correspond au genre de gars que je joue. Je ne suis pas comme ça dans la vie. Je joue souvent des personnages un peu « douchebag » ou plus colons que moi. On dirait que ça s'y prête. Et je suis volontaire. En ce moment, on joue une pièce à Espace libre avec le NTE, Ludi Magni, et il y a un moment qui aurait pu être de nudité. J'étais le premier en répétition à dire : « On y va ! »

Tu ne veux pas t'empêcher de le faire pour autant.

Ça met toujours le public dans un climat particulier. Un malaise, une espèce de tension. Et c'est intéressant. Il faut que ce soit justifié. La sexualité n'est pas là pour pallier un manque de propos. Mais j'aurais de la misère à marcher les jambes écartées dans le public...

Ce que j'ai vu Francis Ducharme faire dans un Cabaret insupportable !

Dans le même Cabaret, je chantais une chanson grivoise avec un ami, vêtu d'une serviette que j'enlevais juste avant de sortir de scène... Mais je suis plus gêné que Francis, ou que mon bon ami Éric Robidoux, qui danse souvent avec Dave St-Pierre. Ce que j'aime là-dedans, c'est qu'on est une génération de gars... décomplexés. Il y a un défi. On se met à poil. On est des mâles alpha, dans le fond.

Éric Robidoux joue des scènes homosexuelles assez crues dans le dernier film de Rodrigue Jean. Des scènes d'amour qui n'ont rien de comique. C'est un autre genre de défi...

Si j'avais une scène homosexuelle à jouer, je trouverais le défi encore plus grand qu'une scène hétéro. Il faut dire que La vie d'Adèle a instauré un nouveau barème ! Comme comédien, tu regardes ça et tu te dis que c'est dans un film et sur internet pour toujours.

Votre génération en est peut-être plus consciente que d'autres.

Au théâtre, c'est moins grave. Il faut voir à quel point tu es bien avec ça, et dans tes rapports avec ta famille aussi. Mon frère a vu « Mathieu Quesnel nu » sur Google et ça l'a choqué un peu. C'est mon frère !

En faisant ces choix-là, tu penses à ce que ta mère va dire ?

Un petit peu. Mon père, surtout. Heureusement, mes parents, mes oncles, mes tantes ne vont pas trop sur internet ! Pour la nudité, ils ne savent pas trop. À moins qu'ils ne lisent notre entrevue...

Dans la perception des gens, je crois qu'une jeune actrice qui joue une scène de nudité est davantage considérée comme une victime du regard lubrique d'un cinéaste qu'un jeune acteur, qui est plutôt perçu comme courageux et volontaire.

Sans doute. C'est sûr aussi qu'on se pose moins de questions quand on est jeune. On est prêt à plus de choses. J'aime casser mon image. Mais je sens que le prochain réalisateur ou metteur en scène qui me propose de jouer nu va devoir travailler fort pour me convaincre du bien-fondé de sa démarche !