Il n'a pas changé tant que ça physiquement, mais son coeur a vieilli, gagné en maturité, acquis de la sagesse. On est loin du «petit Simard». L'homme que j'ai devant moi célébrera bientôt ses 45 ans de carrière, il est père de deux grands enfants et, on le sait, la vie n'a pas toujours été pour lui un long fleuve tranquille. Or, les épreuves, avec l'aide des siens, du temps aussi, il les a surmontées.

À peine assis, la conversation a repris comme si nous nous étions vus la veille, des retrouvailles avec un vieil ami qu'au fil du temps j'ai interviewé moult fois. «Je ne fais plus d'entrevues de fond, avec tout ce qui s'est passé. J'ai le fond à vif», lance René Simard en souriant.

Et il enchaîne sans que j'aie à lui poser la moindre question.

«Aujourd'hui, dit-il, je me nourris de belles choses, des choses positives. J'ai compris le mot résilience. Après le chiard, il y a eu inévitablement une prise de conscience. On ne peut pas changer le passé. Alors, je vis le moment présent. Et il faut s'organiser pour que le futur soit l'fun, pas seulement pour moi, mais aussi pour ma famille, ma mère, Marie, les enfants. Il y a une phrase plate que je déteste: «Ce qui ne te tue pas te rend plus fort.» C'est vrai, mais il faut la mettre en pratique, cette maudite phrase-là. C'est l'fun à dire, mais tellement difficile à faire.»

Pour René Simard l'humain, l'hypersensible, cette période qu'il garde à distance a été dure. Il était important de faire le point, d'exorciser certaines horreurs.

«Marie-Josée a été un phare dans tout ça, insiste-t-il. Ce qui a été le plus difficile, c'est le regard des autres. Il fallait que le temps fasse son oeuvre. Des fois, le temps passe lentement, mais aujourd'hui, il a repris son rythme et ça va vite.»

Il revient d'une semaine en Europe où il est parti à la recherche de ses ancêtres. Il a repris les rênes de l'émission Un air de famille, aujourd'hui à l'étape de la préparation. «J'aime faire passer les auditions, les gens sont simples, vrais, et ils se livrent», dit-il. Et, comme si ça ne suffisait pas, il travaille déjà à l'élaboration du gala des Gémeaux.

L'animation dans le sang

René Simard, qui a déjà animé quatre galas de l'ADISQ et quatre galas Artis, en est à sa deuxième animation de ce gala destiné à la télé. La chanson d'ouverture est déjà enregistrée. Une lourde responsabilité. Il faut s'y prendre tôt, préparer ces trois heures et demie de spectacle parce que le show est en septembre, que les vacances de la plupart sont en juillet et qu'en août, toute l'industrie est dans la mélasse.

«Ce n'est pas évident, l'animation d'un gala, dit-il. Aujourd'hui, par exemple, il faut faire abstraction de ce qui se dit sur les réseaux sociaux. Je comprends que c'est un outil qui a sa raison d'être, mais moi, je ne veux rien savoir, je ne m'en occupe pas. Très jeune, j'ai appris qu'on ne peut pas plaire à tout le monde.»

Il connaît la chanson et l'expérience lui a enseigné que le plus difficile dans l'animation d'un gala, c'est l'ouverture, le départ. «Si c'est boiteux, ça va boiter partout, lance-t-il. Il y a un rythme à trouver. Il faut que la sauce prenne rapidement.»

Et il garde en tête que, contrairement à Artis ou aux Olivier ou même à l'ADISQ, on célèbre ici les artisans de la télé, mais aussi les téléspectateurs. Or, il est chez lui dans ces univers. Un poisson dans l'eau. Il aime chanter en direct, danser en direct. «L'animateur doit faire en sorte que ce soit une fête».

Les enfants avant tout

Je ne vous referai pas le parcours de René, l'enfant du peuple, qui a passé sa petite enfance à Chicoutimi avant de déménager à l'île d'Orléans, avec les va-et-vient que lui a imposés une carrière entreprise à l'âge de 9 ans. Aujourd'hui, il aime bien parler de ses enfants: Olivier qui a 25 ans, technologue chez Bombardier et qui parcourt le monde, Rosalie, 23 ans, qui a un diplôme universitaire en arts visuels, qui est boursière en danse (ce qui n'est pas rien pour une jeune fille atteinte de surdité), en plus d'être conseillère chez Omer DeSerres.

Les yeux de René brillent quand il parle d'eux. Ils sont, en dépit de leur handicap, ou plutôt, devrais-je dire, grâce à ce handicap qu'ils ont surmonté, sa plus grande fierté.

«Quand ils étaient petits, se souvient-il, un spécialiste nous a dit que nos enfants ne seraient jamais autonomes. En rentrant à la maison, un peu sonné, j'ai regardé Olivier dans son siège de bébé. Il riait. J'ai alors dit à Marie: «C'est eux qui vont nous sauver.»»

Désormais, grâce à l'implant cochléaire, Olivier et Rosalie sont autonomes et peut-être même ont-ils, sans le savoir et à leur façon, sauvé leurs parents.

L'oiseau bientôt 45 ans

Sa célèbre chanson L'oiseau aura 45 ans l'an prochain. C'est avec elle que toute l'aventure de René Simard a commencé. «Oui, 45 ans bientôt... Je l'ai enregistrée en 1970. Et il ne se passe pas une semaine sans que quelqu'un m'en parle. C'est drôle, l'oiseau, les gens le voyaient bleu. Pourtant, il n'avait pas de couleur.»

René avait appris cette chanson, qui était le thème la série Belle et Sébastien, à 6 ans. Gravée dans le coeur de plus d'une génération, elle lui est restée collée à la peau. «Un beau souvenir, avoue René, mais je dirais à tous les parents qui veulent voir leurs enfants faire ce métier: restez avec eux, ne les quittez pas. C'est un beau métier, mais il peut faire des ravages.»

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

René Simard en sera à sa deuxième animation du gala des Gémeaux.

Ses trois choix

FILM

«J'aime le cinéma, mais il y a un film qui m'a marqué plus que tous les autres: La liste de Schindler de Spielberg. L'humanité est si dure à comprendre et ce film en fait la démonstration. Ça m'a bouleversé.»

TÉLÉ

«J'aime beaucoup les séries télé, mais je vais prêcher pour ma paroisse en choisissant Glee. J'ai aimé cette émission parce que ça a intéressé les jeunes à la forme d'art qu'est le music-hall. J'ai un rêve: j'aimerais un jour pouvoir contribuer à une sorte de Glee québécois.»

LIVRE

«Audition de Michael Shurtleff m'a vraiment aidé à comprendre le phénomène des auditions. Le livre est truffé d'anecdotes, de Barbra Streisand à tous les grands.»

René Simard en dates et chiffres

> Octobre 1970

Enregistrement de la chanson L'oiseau.

> 180 000

Nombre d'exemplaires vendus de L'oiseau.

> 3 millions

Nombre d'albums vendus en carrière.

> 10 ans

Âge auquel il fait sa première Place des Arts.

> 1974

Année où il représente le Canada au Festival de la chanson de Tokyo.

> 1976

Il interprète Bienvenue à Montréal, appelée à devenir la chanson officielle des Jeux olympiques.

> De 1977 à 1979

Il anime en anglais, à Vancouver, The René Simard Show.

> 1984

Il remporte le Félix du 45 tours le plus vendu avec Comment ça va.

> 8 août 1987

René Simard épouse Marie-Josée Taillefer.

> Juillet

Mois de naissance d'Olivier (8 juillet 1989) et Rosalie (14 juillet 1991).