Marie Marais est travailleuse culturelle comme d'autres sont travailleuses sociales. Connue dans les médias comme relationniste de presse pour affaires pointues: un journaliste qui suivrait tous les événements dont la dame fait la promotion se retrouverait vite à l'avant-garde en musique et en danse contemporaines, en arts visuels, aux avant-postes de la cité créative et plurielle. Apport indispensable mais pas plus payant pour elle que pour les artistes dont elle promeut les oeuvres.

En 2003, Marie Marais et six autres artistes et travailleurs culturels ont fondé une coopérative d'habitation. Pas pour transformer en logements une école, une église ou une usine désaffectée, mais pour construire un édifice qui mettrait à la disposition de leurs semblables des logements à loyer «abordable», dans la fourchette 525-600$ pour un trois et demi ou un quatre et demi.

Mené de pair avec la Société d'habitation du Québec (SHQ) qui l'a financé et les spécialistes en logement communautaire du Groupe CDH, le projet de 7 millions et demi de dollars a mis sept ans à voir le jour. La coopérative Cercle carré a finalement ouvert ses (49) portes en juillet 2010 rue Queen, en face de la Cité du multimédia et à 200 m du silo no 5, à l'extrémité ouest du Vieux-Port, massif vestige de l'époque où Montréal était l'un des grands ports céréaliers du monde. On disait déjà «hub»...

L'origine du Cercle

Parmi les 450 coopératives de la Fédération des coopératives d'habitation du Montréal métropolitain (FECHIMM), Cercle carré est l'une des trois qui est gérée par des artistes, avec Lezarts de la rue Parthenais et Radar, en face de Radio-Canada. Cercle carré donc... Les jeux de mots avec art étaient tous pris, quoi?

«Le cercle, explique Marie Marais, évoque le partage des ressources, le réseautage, la diffusion des idées. Le carré représente la maison comme lieu de vie.»

Un lieu de vie, il va sans dire, très différent des immeubles à condominiums voisins avec lesquels les relations sont encadrées par le comité Bon voisinage de Cercle carré. «Il y a des divergences philosophiques, mais nous respectons les choix de vie de nos voisins», explique Mélodie Hébert, membre du conseil qui, inspirée par la vie communautaire de sa coop, a mis sur pied l'an dernier l'agenda Galeries Montréal (.ca), guide complet des arts visuels et médiatiques dans la métropole.

Et qu'en est-il du silo no 5 en matière de bon voisinage? «Nous ne savons pas ce que les autorités (fédérales) veulent en faire, mais, s'il y a un comité de consultation, nous en ferons sûrement partie.»

Pour l'heure, les énergies de Cercle carré se concentrent sur une partie du plan original de la coop qui ne s'était pas réalisée faute de moyens. Les planchers des «apartes» sont toujours en ciment, il n'y a aucune peinture sur les murs, mais le projet du toit vert, depuis 10 ans, a résisté à toutes les coupes.

«C'est un élément central de notre approche, insiste Marie-Gabrielle Ménard, responsable du comité Immeuble de Cercle carré, fondatrice par ailleurs de la compagnie de danse contemporaine Mandala Sitù. Les espaces en hauteur sont trop peu souvent utilisés aux fins de biodiversité. Nous voulons faire notre part.»

Une biodiversité quasi inexistante dans le quartier, expliquera pour sa part Gabriel Dharmoo, président de la coopérative, connu ailleurs comme compositeur, interprète et spécialiste de la musique carnatique (traditionnelle) du sud de l'Inde. Musico-diversité... «Notre quartier clignote en rouge comme îlot de chaleur urbaine dont nous voulons combattre l'effet avec un espace vert où nous pourrons pratiquer l'agriculture urbaine et présenter des ateliers sur les technologies de la toiture verte. Cela en collaboration avec Éco-quartier Saint-Jacques et Équiterre.»

Des exemples

Les ressources et les exemples ne manquant pas en ville avec les toits verts du Palais des congrès, du campus de McGill et l'exploitation commerciale des Fermes LUFA, près du Marché central. L'UQAM a son CRAPAUD - Collectif de recherche sur l'aménagement paysager et l'agriculture urbaine durable. À cette fin, le toit de Cercle carré a été conçu par l'architecte Owen Rose, président du Centre d'écologie urbaine de Montréal, une sommité en la matière.

Cercle carré (.coop), qui a déjà un espace d'exposition et de performance au rez-de-chaussée, a 1800 pi2 de toiture à verdir. Avec des plantes indigènes du Québec... Avec les réserves du projet original, la subvention d'Éco-Action d'Environnement Canada et l'apport direct de la coop, il manque environ 10 000$ à Cercle carré pour aller de l'avant avec ce projet de 85 000$ dont on verra les fruits (et les légumes) pas plus tard que l'été prochain.

La coop a lancé une campagne de financement en ligne sur indiegogo (http://igg.me/at/cerclecarre) qui se termine lundi. De belles oeuvres sont «à vendre»: des romans de Gilles Archambault, prestigieux membre de la coop, des billets pour un spectacle de René Lussier et pour le Quat'sous, des locations gratuites de ce futur toit vert, qui représente la quadrature, parfaitement réalisable celle-là, de Cercle carré.