Nos journalistes présentent les tendances à surveiller en 2014 dans le monde du cinéma, de la musique, du théâtre, de la télévision et de la culture.

CINÉMA

Une année noire

On ne qualifiera pas ses films de «lamentards», mais la tendance générale du cinéma québécois en 2014 sera certainement au noir. Peu de comédies au menu, sinon des films aux allures de comédies noires: Le maître du suspense de Stéphane Lapointeet Furie d'Émile Gaudreault. Sinon, beaucoup de drames psychologiques. Des longs métrages mettant en scène des hommes esseulés, désespérés ou en détresse: Whitewash d'Emmanuel Hoss-Desmarais, La garde de Sylvain Archambault,  Henri Henri de Martin Talbot. De jeunes gens prisonniers de leurs mensonges et de l'image fausse qu'ils projettent: Tom à la ferme de Xavier Dolan, La petite reine d'Alexis Durand-Brault. Des couples en quête de miracles: Miraculum de Podz, et bousculés dans la quiétude de leur quotidien: Deux nuits de Denys Arcand. Ou encore, l'histoire de quatre personnes vivant dans un quartier défavorisé de Montréal, aux prises avec des problèmes de drogue, de violence et de prostitution. C'est le synopsis du nouveau film d'Yves-Christian Fournier. Le bien nommé Noir.

- Marc Cassivi

MUSIQUE

Retour en force du hip-hop québécois

Dead Obies a attiré plus de gens que le Cabaret du Mile End pouvait en accueillir lors de son concert lancement, en novembre. 

Koriass, Anodajay, Samian et Manu Militari ont été invités au dernier spectacle de la Fête nationale au parc Maisonneuve. Pas pour jouer les seconds rôles, d'ailleurs. 

Sans Pression, Koriass et Loud Lary Ajust viennent de lancer des disques solides, qui témoignent de la maturité et de la variété de la scène locale. En additionnant tous ces éléments, on soupçonne que l'année qui commence pourrait bien être celle du retour en force du hip-hop québécois. 

Miser sur le hip-hop francophone est la «meilleure option en ce moment», estime d'ailleurs Mickey Bernard, programmateur de M pour Montréal, qui vante spécialement les prestations de Dead Obies. «Souvent, les délégués internationaux qui viennent à M pour Montréal aiment les groupes hip-hop francophones», a-t-il aussi constaté. Cet intérêt ne se traduit pas nécessairement en engagements à l'étranger, bien entendu. 

La barrière de la langue demeure aux yeux des Américains. Mickey croit néanmoins que le hip-hop a un atout que le rock n'a pas: «C'est les beats qui comptent, le groove universel.» 

L'année 2014, celle du hip-hop? C'est possible... si les diffuseurs osent affronter la vague.

- Alexandre Vigneault

THÉÂTRE

Place au théâtre... plus tôt

Les habitudes de sortie changent au théâtre. Désormais, les douze coups ne résonnent plus automatiquement à 20h. En semaine, les compagnies devancent les heures de représentation de 30, 60, voire 90 minutes, pour libérer le public plus tôt. Et les week-ends, les matinées fonctionnent mieux que les soirées.

Au Rideau Vert, on a ajouté une matinée le dimanche. À La Licorne, on ne présente plus de création le samedi soir, et on mise aussi sur la représentation de 16 h. Le lundi, le rideau se lève à 19 h. Au TNM, Lorraine Pintal confirme avoir moins de spectateurs les samedis soirs, contrairement aux matinées qui affichent complet. «Les Montréalais ont des vies de plus en plus actives, explique la directrice. Il y a plus d'offre qu'il y a 10 ou 20 ans. Les gens quittent la ville pour leur maison de campagne; ils organisent des soupers à la maison, vont au restaurant, etc.» Chez Duceppe, c'est le vendredi soir qui est plus faible. La compagnie cible la clientèle des jeunes pour remplir les soirs de week-ends, avec de la publicité et des prix réduits. Autre changement, mardi et mercredi, le rideau se lève désormais à 19 h 30.

«Avec la popularité des livres et des émissions de cuisine, le phénomène de la culture gastronomique gagne du terrain», reconnaît la directrice des communications chez Duceppe, Johanne Brunet. Signe des temps? Le public lésine moins sur les restos que sur la culture. Sans oublier les réseaux sociaux: «De nos jours, demander à des spectateurs de s'asseoir dans une salle et de fermer tous leurs appareils pour rester concentrés pendant deux heures, c'est exigeant», souligne Lorraine Pintal.

- Luc Boulanger

TÉLÉVISION

Déconstruction extrême

Votre enregistreur numérique déborde. Vous rattrapez les émissions ratées sur Tou.tv, illicoweb (ou au 900 sur votre téléviseur), vtele.ca ou telequebec.tv. Bref, l'horaire télé traditionnel n'a plus d'emprise sur vous. Vous visionnez vos séries quand vous le souhaitez. Point final. Cette déconstruction de la consommation télévision s'accentuera en 2014, surtout avec la montée rapide de services en ligne comme Netflix. Mais les Américains s'adapteront-ils à cette mutation des téléphages? En imposant des abonnements mensuels à coût exorbitant, les chaînes payantes comme HBO et Showtime nous empêchent toujours de payer à la pièce les épisodes de nos émissions favorites comme Homeland ou Game of Thrones. Et pourquoi faut-il attendre environ un an après la diffusion d'un produit comme True Blood avant d'être capable d'acheter légalement le coffret DVD? Au Québec, si vous désirez suivre en temps réel plusieurs séries américaines de qualité, il faut obligatoirement ajouter SuperChannel,The Movie Network et HBO Canada à votre forfait. La facture risque d'être très salée. 

Résultat: le piratage augmente, l'accès illégal à ces émissions est de plus en facile et même le plus technotwit arrive à les dénicher.

- Hugo Dumas

CULTURE

Multimélange des genres

L'année 2014 de la culture s'annonce déjà comme une année de grand mélange des genres, de métissage, de décloisonnement et de multidisciplinarité. En 2014, plus que jamais, le théâtre va danser, la danse va parler et chanter et le cirque se fera poète de l'acrobatie. C'est l'homme de théâtre Robert Lepage qui donne le ton en présentant ce mois-ci une oeuvre théâtrale non pas dans un théâtre, mais dans l'enceinte de cirque de la TOHU. Lepage a été un des premiers à brouiller les pistes et à effacer les frontières entre les formes d'expressions. Avec Coeur et Pique, il bouclera la boucle, imité en cela par ses amis du TNM, qui s'ouvriront au même moment à la multidisciplinarité avec Icare de Michel Lemieux et Victor Pilon. Projections multimédias, effets virtuels saisissants, mezzo-soprano in situ, les formes s'éclatent comme jamais sans demander la permission ni chercher à se cantonner dans une seule discipline. Et pour que cette multiplicité incarnée par des êtres humains ne soit plus uniformément blanche, Diversité Artistique Montréal lancera, le 3 février, les Auditions de la diversité au Quat'Sous afin d'inclure davantage les acteurs issus des communautés culturelles et qui brillent encore par leur absence sur les scènes et les écrans. Aussi bien s'y faire, 2014 sera multiple ou ne sera pas.

- Nathalie Petrowski