Bon, à quoi elle ressemblait cette année 2013 version Gregory Charles? D'abord le Théâtre mobile, le rêve de sa vie, dans lequel il se donne en spectacle. Ensuite, il a écrit N'oublie jamais, ce livre sur sa mère atteint d'Alzheimer. Il a chanté aussi et dirigé les chorales. Et comme si ça ne suffisait pas, il est devenu animateur à la radio. Enfin, il a repris les rênes d'une émission de variétés à la télé de Radio-Canada.

Gregory Charles m'avait donné rendez-vous dans son immense bureau situé à deux jets de pierre du canal de Lachine. Il pianotait sur son ordi. On a discuté un brin, de tout et de rien, puis je lui ai proposé un truc que je n'avais encore jamais fait en entrevue: répondre à ce fameux questionnaire, un jeu qui a beaucoup amusé Marcel Proust à la fin du XIXe siècle.

Le principal trait de ton caractère?

La foi. Je ne crois pas qu'elle soit exclusivement spirituelle. Je suis absolument convaincu que je peux faire n'importe quoi et que les gens peuvent faire n'importe quoi.

La qualité que tu préfères chez un homme?

La noblesse. En anglais, j'aurais dit Pride... La fierté, mais la fierté noble qui va au-delà de ta vie et de tout ce que tu peux risquer.

La qualité que tu préfères chez une femme?

La tendresse, c'est beau et rare.

Ce que tu apprécies le plus chez tes amis?

La complicité. L'amitié, pour moi, ce n'est rien si tu n'es pas complice de tout ce qu'est l'autre.

Ton principal défaut?

Le feu. Je ne suis pas modéré. Je suis excessif. Dans tout. Il faut vraiment que je me contrôle pour ne pas exploser. Hulk, les rayons gamma, ça serait totalement moi. Les affaires qui m'insultent m'insultent massivement, celles qui me répugnent me répugnent massivement, les affaires qui me bouleversent me bouleversent profondément.

Ton occupation préférée?

Je dirais être parent. J'ai l'impression que ce que je cherche le plus, c'est d'élever les autres. Ce qui me fait triper comme parent, c'est ce rôle devant un jeune enfant: l'élever. Comme mari: rendre mon épouse meilleure. Et ce qui me fait triper comme entrepreneur, c'est aussi ça. Il peut y avoir quelque chose de prétentieux en apparence là-dedans. Je sais.

Ton rêve de bonheur?

Il est là, maintenant. Je suis amoureux de celle avec qui je suis, de celle que nous avons mise au monde. Amoureux de ma mère malade. Amoureux de mon père qui est l'aidant naturel, le paladin le plus fabuleux.

Ton plus grand malheur?

L'incapacité à arrêter le temps. Le temps qui passe, je trouve ça tragique. Et la seule façon de le vaincre, c'est de profiter de chacune des secondes au mieux de nos capacités.

Qu'est-ce que tu voudrais être?

Éternel.

Le pays où tu désirerais vivre?

Ah! C'est ici. En dépit de tout ce qu'on est en train de faire en ce moment. Je nous trouve pathétiques, mais c'est tellement un coin de la boule extraordinaire. Mais comme on passe beaucoup de temps à se regarder dans le miroir, on ne se rappelle pas, par exemple, que les Juifs qui sont arrivés ici au XIXe étaient à 90 % francophones et francophiles. Des Cohen en Angleterre, il y en a pas mal moins qu'en France. Et comme ils étaient juifs, on leur a interdit de venir à l'école avec nous. Ce qui fait qu'on les a transformés en Juifs anglos. Cent ans plus tard, quand ils sont sur les dents pour les projets nationalistes, on dit qu'ils ne nous écoutent pas.

La fleur que tu aimes?

Jeune, je suis tombé en amour avec la fleur de lys. Mais j'hésite à le dire parce que j'entends les gens dire: franchement, est-il le prochain candidat du PQ? Non. Mais ça leur prendrait des candidats, point. J'espère juste que Camille Laurin, Denis Lazure, Jacques-Yvan Morin, Claude Morin, René, etc. J'espère juste que tout ce monde-là ne regarde pas les zozos qui sont là. Je suis juriste et pour toute sorte de raisons, je ne crois pas que le Canada, ça marche comme pays. Je ne suis pas tout à fait d'accord non plus avec le nationalisme territorial, mais un nationalisme basé sur des valeurs de social-démocratie, oui.

Ce que tu détestes par-dessus tout?

Le bruit.

Auteur préféré?

Lawrence Durrell.

Poète préféré?

Pablo Neruda: «Je veux que tu saches une chose, si tu m'oublies, je t'aurai oublié d'abord, si tu cesses de m'aimer, dis-toi que j'aurai cessé de t'aimer avant.»

Héroïne préférée?

J'entends mon père dire Rosa Parks. Je ne peux faire autrement. C'est capoté. Ça ne fait pas 1000 générations. C'est pour ça que le plus grand danger de la Charte, ce n'est pas la Charte elle-même (c'est d'ailleurs ce qui arrive en France aussi), c'est la discrimination institutionnalisée.