Appelez-la "Madame". Du moins du 5 au 30 novembre, lorsque Marie-Thérèse Fortin sera sur la scène du TNM dans la peau de son personnage dans Le balcon, une pièce de Jean Genet mise en scène par René Richard Cyr.

«Avec René Richard, c'est notre deuxième Genet, puisqu'on avait déjà fait Les bonnes ensemble, il y a presque 10 ans. C'est un des auteurs qui l'interpelle le plus», explique la comédienne.

Alors que la ville est en train de tomber aux mains des révolutionnaires, des hommes ordinaires, au péril de leur vie, continuent d'aller au Grand Balcon, la maison de passe de Madame Irma pour réaliser leurs fantasmes sexuels: revêtir des habits d'apparat pour s'approprier l'aura érotique que le pouvoir donne à un évêque, un juge, un général.

«C'est un conte un peu étrange et pervers. Genet joue dans la tête des gens et tend des miroirs qui ne montrent pas la beauté, mais nos côtés retors, nos magouilles et notre besoin de pouvoir qu'on a du mal à assumer», précise Marie-Thérèse Fortin, qui donne entre autres la réplique à Macha Limonchik, Éric Bernier et Bruno Marcil.

La maison de passe de Madame Irma est ainsi un théâtre dans le théâtre où dans chaque salon se déroule une véritable mise en scène orchestrée par le personnage de Marie-Thérèse Fortin.

«Elle vient du peuple, mais s'est construit une existence en devenant patronne de bordel. Elle a peur que cet ordre soit détruit. Elle a besoin de sa «maison d'illusions».»

De qui s'est inspirée la comédienne pour construire son personnage? «De certaines femmes d'affaires très puissantes que j'ai rencontrées dans ma vie, qui ont cette espèce de rage, d'avidité de pouvoir et d'exister tout en étant des femmes», dit-elle en riant.

En plus de retrouver Marie-Thérèse Fortin dans Mémoires vives à Radio-Canada tous les mardis, on pourra la voir en avril 2014 dans Belles-soeurs à la Maison symphonique, dans un arrangement pour l'OSM.

Q|R

Avec qui changeriez-vous de carrière?

Avec Marie Chouinard. J'adore ce qu'elle fait et le travail du corps me touche beaucoup. C'est une langue universelle, contrairement au théâtre. Sinon, Gabrielle Roy, pour cette capacité de traduire en mots ce qui se passe dans sa tête, dans son coeur. L'humanisme de son écriture me bouleverse.

La chanson qui vous rappelle votre enfance?

Avant de te dire adieu des Classels. Un de mes frères avait leur album et on écoutait ça en boucle. Je les trouvais beaux avec leurs cheveux blancs et leurs costumes blancs.

La première fois que vous avez su que vous feriez ce métier?

Dans ma famille, il n'y avait aucun artiste et c'était peu envisageable comme carrière. Mes parents me voyaient institutrice ou enseignante comme mes soeurs. J'ai commencé à faire du théâtre pour m'amuser à l'école. Au cégep, un professeur m'a attrapée en sortant de scène pour me dire que je devais faire ça dans la vie. C'est comme s'il m'avait donné la permission d'être comédienne.

Votre plus beau souvenir sur scène?

C'est Elizabeth, roi d'Angleterre, avec René Richard Cyr. J'ai eu le sentiment d'aller quelque part où je n'étais jamais allée auparavant. Je me suis dit: "Ça doit être ça ce que certains acteurs décrivent comme la rencontre avec un personnage qui les a fait grandir.»

Le plateau de tournage qui vous a le plus marqué?

Les grandes chaleurs. C'était mon premier grand rôle au cinéma et le premier film de Sophie Lorain et de François Arnaud. Ça a créé quelque chose sur le plateau.

Un rôle que vous auriez aimé interpréter?

Celui d'Elizabeth Taylor dans Qui a peur de Virginia Woolf? On sentait que l'actrice en elle prenait toute la place.

Votre chanson de couple?

L'album Bleu pétrole d'Alain Bashung. On l'écoute en boucle et on le chante en auto.

Une chanson que vous écoutez en boucle en ce moment?

L'album de Lou Doillon, surtout I.C.U.. Je l'ai même fait aimer à ma file de 16 ans.

Quel serait le titre de votre biographie?

C'est une phrase dans le texte d'une pièce de René Daniel Dubois: «N'attends rien et ne renonce jamais.» C'est tout à fait moi!