Après les jeux vidéo, c'est au tour des vidéoclips d'entrer au musée par la grande porte. Plus de 300 d'entre eux, dont quelques québécois, sont présentés au Museum of Moving Image de Queens, à New York.

Il y a des choses auxquelles on ne s'attend guère en allant au musée. Comme tomber sur un immense écran avec les Beastie Boys en train d'entarter tout le monde et son frère (dans le clip Fight for Your Right (to Party), 1986). Et puis, il y a des choses auxquelles on ne s'attend absolument pas. Comme voir, dans la même exposition, Dick Rivers (!) en train de se déhancher (dans Mon ami lointain, 1966) ...

Bienvenue à Spectacle: The Music Video, l'exposition apparemment la plus complète jamais consacrée aux clips vidéo dans un musée. Présentée au Museum of Moving Image de New York, Spectacle propose plus de 300 clips et de nombreux objets, allant des Lego ayant servi à produire le clip de Fell in Love with a Girl des White Stripes aux costumes des membres d'OK Go pour l'hyper coloré clip This Too Shall Pass.

D'abord créée pour le Contemporary Arts Center de Cincinnati, l'exposition aurait pu s'apparenter à un immense YouTube analogique occupant 400 mètres carrés sur deux étages. Il n'en est rien. Découpée par thèmes, elle permet de réaliser à quel point cette forme d'art (oui, d'art!) a évolué et s'est constamment redéfinie en s'adaptant aux développements technologiques.

Après tout, comme le rappelle l'exposition, les vidéoclips ne sont pas nés avec MTV et Video Killed the Radio Star des Buggles (qui fut le tout premier clip diffusé sur MTV, le 1er août 1981). La première salle est d'ailleurs entièrement consacrée à la genèse du genre. On y trouve notamment Bessie Smith chantant St. Louis Blues en 1929 et Louis Armstrong partageant la vedette avec Betty Boop dans le court métrage I'll Be Glad When You're Dead, You Rascal You, réalisé en 1932 par Dave Fleisher.

Cette section historique souligne ensuite l'importance de certains artistes sur le genre, tels les Beatles, David Bowie ou Devo. Plus surprenant, cette partie présente également des clips de Claude François, Antoine et Dick Rivers. Ces derniers servent à souligner l'ère des Scopitone, sortes de jukebox visuels populaires dans les années 60.

À l'étage suivant, la forme chronologique cède le pas à un découpage par thèmes. Des clips où l'animation domine (comme Spacious Thoughts réalisé par les Montréalais Fluorescent Hill pour N.A.S.A.) voisinent des expérimentations en 3D (Wanderlust de Björk), tandis que toute une section est consacrée aux clips mettant l'accent sur la chorégraphie (comme Single Ladies de Beyoncé).

Surtout, cette partie montre les dernières évolutions du genre à l'ère de l'internet 2.0. On y découvre notamment deux clips interactifs du réalisateur québécois Vincent Morisset: Sprawl II et Neon Bible pour Arcade Fire. Les deux peuvent être modifiés par le spectateur à l'aide d'un ordinateur. Naturellement fier de retrouver ses oeuvres dans un tel cadre, Morisset croit que les clips interactifs sont appelés à connaître de beaux jours.

«Ça fait dorénavant partie du spectre des possibilités. Avec le temps, de plus en plus de créateurs seront à l'aise avec les outils et les technologies pour y arriver», explique-t-il de Los Angeles, où il donnait justement un séminaire sur la question.

Le réalisateur, qui a visité l'exposition, est particulièrement ravi de voir «comment la culture web sous toutes ses facettes y est présentée». En effet, une section intitulée «Remix» montre comment le grand public s'est réapproprié des clips au cours des dernières années pour faire des mashups (en mettant par exemple la musique de Vogue de Madonna sur les images du film plein de testostérone 300), des pastiches ou d'incontournables lipdubs.

«J'ai trouvé très intéressant que des projets façonnés par le public soient présentés dans un musée de renom. On pourrait croire que ce type de vidéo est un genre mineur, mais les conservateurs Jonathan Wells et Meg Grey ont reconnu avec justesse l'importance de ce changement de dynamique entre les spectateurs et les oeuvres à l'heure du numérique», souligne-t-il.

Spectacle: The Music Videoest présentée jusqu'au 16 juin.