Le trio helvète du pianiste Colin Vallon est plus qu'intrigant. Sa découverte sur scène, mercredi soir à l'Astral, mène à nous pencher davantage sur ce jazz européen. Jazz dont le calme apparent camoufle des remous insoupçonnés.

Voyez les traits de cette musique.

Circularité des concept rythmiques. Structure compositionnelle sans introduction habituelle, sans alternance habituelle du développement et du chorus, sans conclusion habituelle. Combinaison circonspecte d'atonalité contemporaine et d'accords consonants - harmonies jazz parfois inspirées du rock, du post-rock, du gamelan balinais ou du minimalisme américain. Exécutions au piano préparé - à l'intérieur de l'instrument plutôt que sur les ivoires qui sont aussi bien investis. Recherche texturale de la percussion comme de la contrebasse. Retenue, sobriété, délicatesse dans un jeu d'ensemble qui peut révéler moult séquences insolites.

Voilà autant caractéristiques qui s'approchent autant de la musique contemporaine d'Europe que du jazz moderne... d'Europe.

Colin Vallon est originaire de Lausanne. Il a 32 ans. Il a fait son chemin dans le petit monde du jazz helvète et de sa périphérie européenne avant d'être recruté par le prestigieux label ECM. En 2011, l'album Rruga a été rendu public, on le découvre ici en juillet 2012. Le trio de Colin Vallon est intact depuis 2005: le pianiste travaille avec Patrice Moret, contrebasse, et Samuel Rohrer, batterie - remplacé à Montréal par Julian Fartorius. Jeune trentaine, donc, et une vision personnelle du jazz contemporain. Un jazz où le jeu d'ensemble l'emporte largement sur la virtuosité, ce qui n'enlève rien aux belles qualités de chaque instrumentiste de ce trio digne d'intérêt.

On peut comprendre Manfred Eicher, grand vizir d'ECM, d'avoir recruté ces jeunes musiciens, compositeurs et improvisateurs car ils s'inscrivent dans la lignée de son fameux jazz de chambre tout en y proposant de nouvelles avenues.

Nous en reparlerons.