Jane Birkin était «tiède» à l'idée de chanter Gainsbourg en ce 20e anniversaire de sa disparition. Elle a tout refusé, y compris un spectacle au Hollywood Bowl. La voici pourtant qui s'amène au Métropolis pour un concert de chansons du grand Serge avec des musiciens japonais. Explications.

«Vous allez adorer les Japonais», lance Jane Birkin de sa chambre d'un hôtel du quartier japonais de San Francisco où elle vient d'arriver après un concert à Seattle la veille. La muse de Gainsbourg, qui a été sa compagne pendant 13 ans, a recommencé à chanter le grand Serge avec des musiciens japonais en Europe puis elle a fait un saut au Japon avant d'atterrir en Amérique du Nord. Début janvier, elle remettra ça en Australie et en Europe où elle a des engagements au moins jusqu'à l'été.

Cette aventure imprévue a pris naissance quand Birkin a vu à la télé, avec sa fille Kate, des images du séisme qui a dévasté le nord du Japon plus tôt cette année. L'instant d'après, elle était dans un avion à destination de Tokyo pour participer, au début du mois d'avril, à un concert bénéfice en plus de rendre visite à des sinistrés et de passer le chapeau dans les grands magasins. Rentrée à Paris, elle a mis sur pied un ambitieux concert-bénéfice au Châtelet pour la fin mai. «Tout le monde a dit oui immédiatement: M, Catherine Deneuve, Aznavour, on a vraiment eu la crème de la crème des chanteurs français», raconte-t-elle.

L'histoire d'amour entre Birkin et le Japon dure depuis bientôt 40 ans quand, enceinte jusqu'au cou de Charlotte, elle s'y était rendue avec Gainsbourg pour faire la promotion du film Cannabis. Elle s'étonne d'être aimée par un pays à l'autre bout du monde dont elle ne parle pas la langue. «Chaque fois, ils me réinvitent, Chaque fois, c'est complet, Chaque fois, les filles pleurent quand tu les touches, dit-elle. Je n'ai jamais connu un public si émotionnel.»

Elle est même devenue une espèce de symbole d'affirmation pour les Japonaises d'âge mûr quand elle a dénoncé vivement les propos du maire de Tokyo qui dépréciait les femmes qui n'ont pas d'enfants. Pourtant, ajoute-t-elle, les fans aux premiers rangs de ses concerts sont de très jeunes femmes. Elle constate également que ses musiciens se passionnent pour la culture des pays qu'ils visitent: «Je pense que c'est dans leur mentalité de profiter de l'instant présent parce qu'ils vivent sur une faille. Voilà, ce sont de vrais vivants.»

Gainsbourg renouvelé

La demi-douzaine de chansons qu'elle a interprétées à Tokyo en avril a redonné à Birkin le goût de chanter Gainsbourg, à condition que ça se fasse avec des musiciens japonais. Le pianiste Nobuyuki Nakajima, qui a signé les nouveaux arrangements, a accepté de l'accompagner en tournée avec un trompettiste, une violoniste et un batteur.

Birkin ne tarit pas d'éloges envers ses compagnons de route. Suffit d'écouter leur version de L'aquaboniste sur le site web de la chanteuse pour partager son enthousiasme. «C'est une sorte d'hymne au Japon, raconte-t-elle. Elle a joué dans un soap à la télé et tout le monde l'a achetée. J'ai même battu Elton John dans les palmarès!»

Son pianiste a également fait «le plus joli arrangement» de La chanson de Prévert et la violoniste japonaise reprend à son compte les shebam! pow! blop! et wizz! de la chanson Comic Strip, ajoute la chanteuse. D'autres surprises du genre émaillent ce nouveau spectacle: «Requiem pour un con, je ne l'ai jamais faite. Il y a aussi une chanson de Serge d'il y a 50 ans que je ne connaissais absolument pas et qui s'intitule Les amours perdues. C'est une perle.»

Lulu et Wajdi

Jane Birkin est une femme occupée. À Paris, récemment, elle a chanté avec Arthur H. dans un spectacle en hommage à l'album Rain Dogs de Tom Waits. Elle a aussi uni sa voix à celle du fils de Gainsbourg, Lulu, pour interpréter Melody Nelson dans le spectacle soulignant la sortie de son premier album From Gainsbourg To Lulu. «Sa Bonnie and Clyde (en duo avec l'actrice Scarlett Johansson) vaut l'originale (chantée par Gainsbourg et Bardot), c'est génial!»

Les 10 et 11 février, Birkin délaissera Serge Gainsbourg le temps d'aller jouer au Centre national des arts, à Ottawa, La sentinelle que Wajdi Mouawad a écrite pour elle et qu'elle a créée à Avignon en 2009 avant de la lire à New York et aux Pays-Bas.

«Habituellement, ce ne sont que des lectures, mais cette fois, j'ai appris le texte et ça va être autre chose, promet Birkin. En plus, Wajdi a écrit un autre texte pour moi que je vais faire en lecture cette fois-ci. Il veut faire un mélange de ce nouveau texte et de l'ancien que je connais par coeur. C'est vraiment une idée chouette: si jamais j'étais en panne, j'aurais un one-woman showque je pourrais faire le reste de ma vie.»

Jane Birkin présente Serge Gainsbourg et Jane via le Japon, au Métropolis, le 8 décembre.