Avant même de quitter Québec pour s'établir à Montréal, Christine avait entendu parler de Pops dans les médias, et elle avait visité Dans la rue, que fréquentaient des copains à elle. Deux ans plus tard, Christine est une assidue des ateliers d'art et de musique du centre de jour fondé par le père Emmett Johns: deux de ses toiles seront exposées au Piano Nobile et on pourra aussi y entendre une chanson de son cru.

Inscrite en arts plastiques à l'Université de Montréal, Christine a abandonné le programme après un trimestre. «Je voulais être plus indépendante et faire mes propres toiles à mon rythme», explique-t-elle.

Elle nous montre son tableau en devenir qui, dit-elle, sera une espèce d'arc-en-ciel dont tombera un personnage. «J'ai voulu exprimer la fuite dans l'art. J'avais tendance à me refermer sur moi-même et ça m'a beaucoup aidée.»

Ses sources d'inspiration sont multiples, de Vivaldi à Beethoven, en passant par le film Orange mécanique de Stanley Kubrick. «Pour les jeunes de la rue, la violence, c'est quotidien, dit-elle. C'est sûr qu'exprimer sa violence, son agressivité ou sa dépression dans l'art peut vraiment les aider.»

L'autre toile qu'elle exposera parle de ses histoires amoureuses. «Je fuis souvent mes émotions, je parle plus que j'agis. Il y a beaucoup de texte dans mes toiles. Sur celle-là, j'ai écrit: «Attaque organisée 3 minutes 20 secondes», comme dans la chanson Johnny Go de Jean Leloup. Il m'inspire beaucoup comme artiste et je trouve qu'on a des ressemblances: nous sommes des personnes très solitaires et indépendantes qui expriment les choses de la vie dans l'art.»

Christine joue de la guitare, du piano, de l'harmonica et elle chante et rappe. «Je fais aussi de la musique électronique et je compose mes propres musiques, indique-t-elle. Je suis en train d'enregistrer une chanson dans le studio d'en bas et je fais tout moi-même. Elle s'intitule La Québécoise portugaise. J'ai vécu dans un milieu très québécois, mais mes parents sont portugais. Les gens ont souvent de la misère à comprendre comment je fonctionne et c'est pour ça que j'ai écrit cette chanson.»

En plus, Christine improvise et compose de la musique avec Fred, copain d'origine amérindienne qui fréquente Dans la rue. «J'ai composé une chanson qui s'appelle Motherfucker, qui parle justement des jeunes de la rue, de l'injustice. Je trouvais ça super important de mêler une chanteuse portugaise et un guitariste amérindien au style complètement pété. C'est une super belle chanson.»

Christine parle aussi bien de la Révolution française que de la portugaise et elle donne l'impression d'être mieux outillée que la moyenne des jeunes qui fréquentent Dans la rue. Sans faire de cas par cas, le musicothérapeute Julien Peyrin nous suggère de nous méfier des premières impressions.

«Les jeunes qui viennent ici ont un besoin psychologique, psychiatrique, de santé physique ou mentale. L'autre jour, un jeune m'a dit qu'il voulait se servir du studio pour enregistrer un message à sa mère. Ce qu'ils n'arrivent pas à exprimer verbalement, ils peuvent peut-être le dire par la musique. Beaucoup d'artistes font pareil...»