L'animateur de radio Jeff Fillion devra payer pour des propos diffamatoires tenus en ondes contre l'ADISQ, mais pas plus que la somme dont il avait déjà écopé.

Jeudi, la Cour suprême du Canada a refusé d'entendre l'appel de l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ) et de ses dirigeants qui voulaient obtenir un montant plus important de dommages.

La Cour d'appel du Québec a condamné en 2009 l'animateur de radio Jeff Fillion et ses anciens patrons - Genex communications et Patrice Demers - à verser 183 000 $ pour des propos diffamatoires que l'animateur vedette avait tenus sur les ondes de CHOI-FM en 2001.

Mais, insatisfaits de la somme accordée, l'ADISQ et ses dirigeants avaient décidé de demander à la Cour suprême de revoir cette somme à la hausse.

En refusant jeudi d'entendre leur cause, le plus haut tribunal du pays vient de leur fermer la porte. Ils devront se contenter des dommages moraux et punitifs tels qu'accordés par la Cour d'appel.

En 2001, celle qui était directrice générale de l'ADISQ à ce moment, Solange Drouin, s'était attiré les foudres de l'animateur après avoir déploré que les radios faisaient toutes «jouer la même musique».

L'animateur ne porte pas l'ADISQ dans son coeur à cette époque puisqu'un différend explosif existe entre eux: selon l'Association, CHOI-FM ne fait pas assez la promotion des produits francophones québécois et ne respecte pas les quotas fixés par le Conseil de radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) en matière de diffusion de musique francophone. La licence de la station est ainsi menacée.

Devant cette situation qui lui fait «perdre le nord» - selon ses propres mots - Jeff Fillion a sorti son attirail complet d'insultes lors de sa populaire émission du matin Le monde parallèle de Jeff et sa gang.

En juillet 2007, la Cour supérieure avait condamné M. Fillion et son employeur à verser quelque 550 000 $ en dommages à l'ADISQ et à ses administrateurs, une somme revue à la baisse en 2009 par la Cour d'appel.

Le juge de première instance a écrit que les commentaires faits par monsieur Fillion à l'égard de Mme Drouin étaient d'une «bassesse épouvantable», des propos auxquels a souscrit la Cour d'appel.

Les insultes lancées lors de son émission matinale sont illégales et dégradantes, vulgaires et misogynes, a écrit la Cour. Ils démontrent une volonté de blesser la victime (Mme Drouin), sinon de l'anéantir, peut-on lire dans le jugement.

Les qualificatifs accolés à Mme Drouin ne tenaient plus des commentaires, mais de l'attaque vicieuse, de la malveillance, de l'affront. Il a plus que franchi le seuil de l'intolérable, peut-on lire dans le jugement de la Cour d'appel.

La Cour conclut aussi que Jeff Fillion a diffamé l'ADISQ en laissant entendre qu'il y a des pots-de-vin et d'autres choses croches au sein de l'ADISQ, donc des actes illégaux.

Pour l'auditeur moyen, l'impression qui s'en dégage est que l'ADISQ constitue une organisation corrompue, écrit la Cour.

Ironiquement, la Cour d'appel a réduit les dommages accordés aux dirigeants de l'ADISQ en se basant sur les sommes accordées à l'animatrice de télévision Sophie Chiasson, qui avait elle aussi poursuivi et eu gain de cause contre le même Jeff Fillion.

La Cour d'appel a ainsi jugé que le tort causé à Mme Drouin était moindre que celui causé à Sophie Chiasson et que les dommages devaient conséquemment être réduits.

L'émission de Jeff Fillion a fait l'objet de nombreuses plaintes au CRTC, qui a refusé de renouveler la licence de CHOI-FM en 2004. La station a depuis été vendue.