Autrefois minuscule ensemble et devenu 30 ans plus tard grand orchestre baroque, Arion ouvre sa saison et lance en même temps le Festival Bach de Montréal avec deux auditions de la Passion selon saint Jean à l'église Saint-Viateur d'Outremont.

Le temple gothique de l'élégante avenue Laurier contient 600 places et presque toutes étaient occupées hier soir. Une reprise a lieu ce soir. Dans quelques jours, ATMA enregistrera l'oeuvre avec les mêmes participants.

Si, ce soir, l'on commence en retard, comme hier soir, et si l'on fait un long entracte, comme hier soir, les auditeurs en auront pour deux heures et demie. En passant, je leur recommande de se munir d'une loupe, le texte allemand et les traductions française et anglaise étant imprimés dans un caractère absolument microscopique.

On n'a pas besoin de loupe cependant pour y lire que le numéro 30 de la partition est assigné à un haute-contre...un haute-contre dont on aperçoit le décolleté à la dernière rangée de la nef puisqu'il s'agit d'une mezzo-soprano, d'ailleurs très douée, qui s'appelle Meg Bragle.

Des retouches devront être apportées à ce que nous avons entendu hier soir, mais, déjà, la réalisation est très acceptable. Alexander Weimann («Alex», comme on l'appelle dans le programme) a consacré un soin évident à la mise en place technique, stylistique et expressive de ses chanteurs et instrumentistes.

M. Weimann choisit la première des différentes versions (quatre, paraît-il) que Bach signa de sa Passion selon saint Jean, soit celle de 1724, et il la présente dans l'instrumentation de l'édition Bärenreiter. À la douzaine d'instruments à cordes d'Arion - cordes de boyau, faut-il préciser - jouant au diapason baroque 415, s'ajoutent donc deux violes d'amour, une viole de gambe, deux hautbois dits d'amore etda caccia, un luth et un petit orgue de choeur, que tient M. Weimann. Selon une pratique de plus en plus courante, un même chanteur (homme ou femme) est tour à tour soliste et choriste.

En Évangéliste, l'Allemand Jan Kobow, ténor racé d'oratorio, domine le concert par le ton dramatique qu'il confère à sa description des événements. Sans parler de sa brillante technique de mélismes. Exemple : à la fin du numéro 18c, un trait rapide de 49 notes sur la même syllabe.

Les autres solistes sont moins sollicités. Le programme n'indique pas clairement qui chante quoi cependant. On reconnaît facilement Joshua Hopkins, Shannon Mercer et Nathaniel Watson, tous trois excellents ici encore. Le haute-contre Matthew White n'était pas à son meilleur hier soir et je crois que, pour l'enregistrement, on devrait remplacer Agnes Zsigovics, dont la projection vocale est carrément mauvaise.

JOHANNES-PASSION, pour voix solistes, choeur et orchestre, BWV 245 (1724) - J. S. Bach. Édition Arthur Mendel (Bärenreiter, 1973). Orchestre baroque Arion, choeur Les Voix Baroques, Jan Kobow, ténor (l'Évangéliste). Dir. Alexander Weimann.

Hier soir, église Saint-Viateur d'Outremont. Reprise ce soir, 20 h. (Radiodiffusion : CBC, 17 avril, 9 h; Radio-Canada, 21 avril, 20 h.)