La semaine dernière, il faisait un aller-retour à Montréal. Réunion avec l'agent de tournée, une couple d'interviews calées dans l'agenda, dont celle qui suit. Devant le magnétophone qui démarre, un homme direct et précis. Look un tantinet hirsute, bouille farouche qui peut sourire... ou moins sourire.

Ce Keith Kouna n'a rien de débonnaire, soyez-en assurés. Il sait ce qu'il vaut, ne fait pas dans la fausse modestie. Personne, se dit-on en le zieutant, n'a intérêt à lui balancer quelque banalité, il laisse la nette impression d'éviter tout flafla.

Toujours est-il que son dernier concert important dans cette île lui a valu plein de très bonnes réactions (par le biais de mon blogue, pour être précis) d'où cet intérêt (2.0!) soulevé par son retour à Montréal, c'est-à-dire ce soir même dans le cadre du Coup de coeur francophone.

Keith Kouna, les amateurs des Goules connaissent. Sylvain Côté? Moins. L'homme de 35 ans a été membre de cette formation rock de Québec, et ce pendant six ans et trois albums. C'est alors que Sylvain Côté est devenu Keith Kouna.

«Chaque membre des Goules avait choisi un pseudonyme. On avait fait ça en cinq minutes! Ce nom m'est resté», rappelle-t-il en riant. Ce Kouna n'a donc pas été tricoté au Togo. Pure laine locale, force est de constater.

L'expérience des Goules sur la scène rock indé a forgé le professionnel qu'il est devenu. «C'était punk d'attitude, très carnavalesque, avec des touches hard. On a été têtus et persévérants. Mais, au bout de six ans, il nous a fallu prendre une pause. Deux membres du groupe ont eu des gamins, on avait pas mal roulé...»

Sans progéniture ni projet de famille avec bungalow, Keith Kouna a continué sa vie d'artiste, avec le sentiment d'avoir encore à dire. Les années monsieur, son premier opus solo, a été lancé il y a exactement un an. Et gagne encore à être découvert.

«J'avais écrit ces chansons-là entre 1995 et 2000», rappelle ce parolier qui, adolescent, avait entrepris de faire rimer en français après avoir été secoué d'aplomb par Bérurier Noir.

«Au début des Goules, raconte-t-il, j'étais en train d'enregistrer ces «chansons de jeunesse». Ce projet est finalement resté en suspens; il y avait un contrat plate que je ne voulais pas signer avec un producteur, j'ai tout laissé tomber pendant que les Goules prenaient forme. Les albums du groupe ont ensuite été autoproduits, tout comme Les années monsieur par la suite -, en licence sur le label P572, total indie. Pour l'instant, je fais tout pas mal tout seul...»

Les années monsieur regroupent une douzaine de chansons fort bien ficelées, avec les rimes toujours à la barre du bateau. «C'est vrai, le texte est avant. C'était aussi comme ça avec les Goules», corroborre Keith Kouna.

Pour ce qui est de décrire son travail, on se rend vite compte que ce n'est pas son truc.

«Raconter une couple de mes chansons? Euh.... Bon... Le tape... Deux histoires s'y superposent: un char, une chick, deux histoires qui chient... Vous savez, mes chansons parlent d'elles-mêmes... J'ai du mal à résumer ce qu'elles racontent parce que des niveaux s'y mélangent. Je préfère laisser à l'auditeur le soin d'interpréter.»

Il ne faut pas s'y méprendre, cette aversion pour l'auto-description n'a rien d'une carence langagière: de toute évidence, ce Keith Kouna sait écrire, parler et chanter.

«J'aime le côté absurde, la lecture dadaïste des choses, finit-il par échapper. C'était particulièrement évident dans les Goules, alors que Les années monsieur révèlent des rimes plus personnelles. L'évolution de mon écriture? C'est inconscient. Ben oui, j'espère qu'il y a eu une évolution! En tout cas, j'aime jouer avec les mots, les sonorités, les niveaux de langage. Des références? Euh... franchement je n'arrive pas à me comparer à quiconque.»

On a renoncé à gratter davantage pendant qu'il annonce travailler à un projet ambitieux, nouvelles chansons «qui se rapprochent plus du classique et du théâtre, autant dans l'écriture que dans la musique». Un nouvel album et un nouveau spectacle suivront. Mais il y a d'abord ce soir.

Sylvain Côté n'a pas quitté la région de son enfance. Originaire de Saint-Augustin, un peu à l'ouest de Québec, il habite les mêmes environs, dans la maison de sa grand-mère défunte. Keith Kouna, lui, s'amène à Montréal avec un groupe qu'il juge solide: Hugo Lebel à la basse, Vincent Gagnon aux claviers, Martien Bélanger aux guitares et autres instruments, Andy Stewart à la batterie. Une trentaine de spectacles ont déjà été donnés depuis novembre 2008.

Sylvain Côté et Keith Kouna entendent bien attiser le feu tant qu'il y aura des braises.

Dans le cadre du Coup de coeur francophone, Keith Kouna se produit ce soir, 20h30, Maison de la culture Maisonneuve. Le programme est partagé avec le groupe One Day Clinic.