Dans cette longue «autobiographie américaine» où les personnages féminins dominent, L'énigme du retour, 19e livre de Dany Laferrière, représente une sorte de point d'orgue, où, pour la première fois, l'écrivain s'attarde particulièrement à l'ombre du père absent.

Le narrateur du roman apprend la mort de ce père qu'il n'a pas connu, et ce sera pour lui le début d'un autre voyage, mais à rebours. Ce père n'a jamais pu accepter un exil qui l'a rendu fou, au contraire du fils qui, bien qu'ayant pris la même route, a tout fait pour ne pas marcher dans ses pas. Cela lui permettra de résister à la boîte de Pandore...

«Nous avons deux vies. Une qui est à nous. La seconde qui appartient à ceux qui nous connaissent depuis l'enfance.»

Écrit en grande partie sous une forme poétique près du haïku, ce qui donne à ce roman une redoutable densité sous une légèreté apparente, on pense à ce jeune homme des Chroniques de la dérive douce rendu au crépuscule de sa vie et qui sait maintenant que le charme de cet après-midi sans fin auprès de Da n'aura jamais de fin. Tout devient immortel par l'écriture.

Voilà qui est rassurant, après tant de doutes et de dérives, justement. L'Alpha et l'Omega se rejoignent, rien ne se perd, rien ne se crée, parce qu'on «revient toujours au point de départ». Et tout finit par disparaître, mais entre les deux, que de mystères. L'énigme du retour, cela ressemble à toute une vie condensée qui explose comme un big-bang, libérant le passé et le présent, le rêve et la réalité, le Nord et le Sud, le chaud et le froid, la vie et la mort, l'exil et le retour, ceux qui restent et ceux qui partent, des thèmes qu'on retrouvait dans l'oeuvre de Dany Laferrière, mais qui n'ont jamais été aussi bien assemblés, peut-être parce qu'il y manquait l'angle du père et du fils, qui vient tout éclairer d'une lumière nouvelle. On n'en fait certainement pas le tour en une lecture.

L'énigme du retour

Dany Laferrière

Boréal, 286 pages, 24,95$