Invité pour la huitième fois au Ladies' Morning Musical Club hier après-midi, le American String Quartet y partageait l'affiche avec son compatriote Richard Stoltzman dans les quintettes pour clarinette et cordes de Mozart et de Brahms. La perspective d'entendre les deux oeuvres les plus célèbres destinées à cette combinaison instrumentale valut aux visiteurs une salle comble.

Le Mozart vient en premier lieu. Comme au dernier passage ici du American, le premier-violon Winograd connaît des problèmes d'intonation, légers mais réels, et ce dès le début. Il retrouve vite sa justesse cependant, ce qui nous permet de goûter pleinement l'interprétation collective dominée par Stoltzman. Les cinq musiciens s'appliquent à faire toutes les reprises sans exception. Le quatuor devient alors la toile de fond devant laquelle se déploie la clarinette virtuose, voire espiègle.

En effet, et selon une tradition mozartienne maintenant acceptée, Stoltzman ornemente presque chaque reprise. À un endroit, il ne se contente pas de broder autour de la ligne mélodique de base: il la modifie carrément. Ailleurs, il montre une liberté et une désinvolture qui, bien que rafraîchissantes, laissent perplexes et nous font parfois nous demander si Stoltzman a cherché un effet proche du jazz qui s'est transformé en simple couac.

Le Quintette de Brahms, qui occupait tout l'après-entracte, trouva les cinq coéquipiers dans une communion de pensée absolument totale à laquelle on sentait la salle entière vibrer. Très intérieur, ce Brahms, un rien complaisant aussi: l'Adagio était pris beaucoup trop lentement, comme si le compositeur avait ajouté «molto». De nouveau en vedette, Stoltzman monta sa sonorité jusqu'à des suraigus perçants, peu fréquentés, mais combien dramatiques.

Entre les deux quintettes, le American remplit les 22 minutes du deuxième Quatuor de Prokofiev de toutes les couleurs âpres qui le caractérisent: sul ponticello, col legno et le reste.

Bien que très applaudis après le Brahms, les cinq musiciens eurent le bon goût de nous laisser sur cette impression et de ne pas donner de rappel.

AMERICAN STRING QUARTET - Peter Winograd et Laurie Carney (violons), Daniel Avshalomov (alto) et Wolfram Koessel (violoncelle) et RICHARD STOLTZMAN, clarinettiste. Hier après-midi, Pollack Hall de l'Université McGill. Présentation: Ladies' Morning Musical Club. Programme: Quintette pour clarinette et cordes en la majeur, K. 581 (1789) - Mozart Quatuor no 2, en fa majeur, op. 92 (1941-42) - Prokofiev Quintette pour clarinette et cordes en si mineur, op. 115 (1891) - Brahms