En dehors de ses batailles pour les droits des travailleurs, Michel Chartrand prenait visiblement plaisir à jouer des personnages et à faire rire les gens. Homme cultivé, le célèbre syndicaliste comptait plusieurs amis dans le milieu artistique.

D'ailleurs, le réalisateur Manuel Foglia prépare présentement un documentaire sur la vie du bouillant syndicaliste qui devrait être présenté l'automne prochain ou à l'hiver 2011 sur les ondes de Télé-Québec. Les téléspectateurs pourront notamment entendre les témoignages des meilleurs amis de Michel Chartrand, tels que l'homme de théâtre Jean-Claude Germain, son biographe Fernand Foisy, le chanteur Claude Gauthier et le syndicaliste Florent Audette, mort le 16 février dernier. Des extraits ont été diffusés hier sur RDI.

Dans la communauté artistique, plusieurs de ses proches ont raconté hier avec beaucoup de plaisir et de nostalgie les plus beaux souvenirs qu'ils ont partagés avec leur ami. Reconnue pour ses caricatures hilarantes de Michel Chartrand, Dominique Michel, attristée par le décès du célèbre syndicaliste, a décrit le coloré personnage comme étant «un homme de coeur qui faisait les choses honnêtement».

Dominique Michel a commencé à se glisser dans la peau de Michel Chartrand en 1978 lors de son spectacle Dominique Showtime à la Place des Arts. «Je lui avais réservé une loge pour qu'il vienne voir le spectacle», raconte-t-elle. À la fin de la soirée, après avoir vu l'imitation de son propre personnage, il a demandé à Dominique Michel s'il pouvait revenir à l'occasion assister au spectacle.

«Et là, on avait deux Michel Chartrand: le faux sur scène et lui, dans l'assistance, me répondait quand je parlais dans mon monologue, au grand plaisir du public, se souvient-elle. Ça faisait un numéro improvisé qui était absolument hilarant! Les gens étaient un peu déçus les soirs où il n'était pas là.»

En dehors de la scène, Dominique Michel a également imité l'homme à l'occasion de nombreux Bye Bye.

Par ailleurs, la «carrière artistique» du fougueux personnage s'est également poursuivie au cinéma. Peu de temps après avoir eu des démêlés avec la justice, le bouillant syndicaliste a participé au tournage de Deux femmes en or en 1969, où il incarnait le rôle d'un juge!

Claude Fournier, réalisateur du film sorti en 1970 et ami de longue date de Michel Chartrand, ne garde que de bons souvenirs de cette fameuse journée de tournage qui avait eu lieu au Palais de justice, endroit que le syndicaliste a fréquenté à plusieurs reprises. «Quand les gardes du Palais ont vu Michel sur le banc du juge, ils n'en revenaient pas, raconte M. Fournier en riant. Ça a fait un assez gros émoi. Il se promenait partout et il faisait des jokes avec les gardes leur disant: «Maintenant que je suis juge, vous allez passer par là!» Il était bon en plus, dit-il. Et si j'ai encore un peu de conscience sociale, ajoute-t-il, je la lui dois.»

Luc Picard

Pour sa part, le comédien Luc Picard, qui s'est glissé dans la peau du syndicaliste dans la télésérie Chartrand et Simonne - réalisée par le fils du couple, Alain -, gardera le souvenir d'un homme chaleureux, qui aimait charmer - les femmes en particulier - et qui a su conserver jusqu'à la fin son sens de l'indignation.

«La première fois que j'ai vu Michel, c'était dans un restaurant, deux semaines avant le tournage de la série, se rappelle Luc Picard. Il avait des fleurs dans les mains pour ma blonde et il s'est mis à réciter de la poésie. J'ai été flabergasté par son charme.»

Le comédien raconte également en riant que lorsque Michel Chartrand venait sur le plateau de tournage, il ne pouvait s'empêcher de répliquer pendant les dialogues ou lors des scènes où le syndicaliste livrait un discours. «Il était d'accord avec lui-même! lance Luc Picard. Il fallait lui demander de se taire.»

Geneviève Rioux, qui incarnait, aux côtés de Luc Picard, Simonne Monet-Chartrand, sa femme, se sent elle aussi privilégiée de l'avoir côtoyé. Qualifiant Michel Chartrand «d'homme irremplaçable», elle croit qu'il est maintenant temps que d'autres emboîtent le pas à Michel Chartrand pour tenter d'atteindre son idéal de justice sociale.

«Je suis immensément triste pour le Québec, confie-t-elle. C'est un homme irremplaçable... mais qu'il faut remplacer. Il y a des gens encore très, très pauvres dans notre société.»

La comédienne dit conserver un souvenir impérissable de sa dernière rencontre avec lui l'automne dernier. Elle s'était alors rendue dans les Cantons-de-l'Est à la maison du fils de Michel Chartrand, Alain, pour partager un repas. Amaigri et malade, il avait néanmoins mangé, avec appétit, se rappelle-t-elle. «Encore coquet, je sentais qu'il était prêt (à partir). Il était serein.»