Beaucoup de gens ont entendu parler de Valérie, le premier «film de fesses» québécois. Mais rares sont ceux qui entendu l'étonnante musique de ce long métrage réalisé en 1968 par Denis Héroux. Normal: la trame sonore n'était jamais sortie. Jusqu'à aujourd'hui.

«Sortie» est un bien grand mot. Parlons plutôt d'une «remise en circulation virtuelle». Car la chose n'est pas disponible en CD. Ni en vinyle. Et encore moins en cassette huit pistes. En revanche, vous pouvez la télécharger au complet - et complètement gratuitement - sur le blogue Psyquébélique (psyquebelique.blogspot.com), un site de passionnés de la pop québécoise oubliée des années 60 et 70.

 

«J'étais impatient. Ça me tapait sur les nerfs que ça n'ait même pas été réédité en CD, explique Simon M. Leclerc, créateur de Psyquébélique. La musique est tellement bonne. Je voulais la faire découvrir à tous ceux qui ignorent ou sous-estiment notre tradition musicale.»

N'en déplaise au jeune homme, la trame sonore de Valérie n'est pas simplement «bonne». Elle est carrément obsédante. Il y a bien sûr des incontournables grooves à gogo, typiques de l'époque. Mais aussi des musiques plus lyriques, aussi sensuelles qu'inquiétantes, marquées par un piano dramatique et des voix de femmes fantomatiques. Les compositeurs français Joe Gracy et Michel Paje ont admirablement bien transposé la double vie de Valérie qui, faut-il le rappeler, était putain le jour et amoureuse le soir.

Fait non négligeable: Simon M. Leclerc a effectué son travail de réédition avec le plus grand zèle. Avec Otis Fodder, il a copié les musiques directement du film et les a dépoussiérées dans l'ordinateur pour qu'elles «sonnent». Son collègue Sébastien Desrosiers a créé une fausse pochette, à partir de l'affiche. Enfin, le disque est accompagné d'un long texte explicatif et historique pour remettre Valérie dans son contexte. C'était le Québec des années 60. L'avènement de la pilule. La libération de la femme.

Comme si ce n'était pas assez, il a aussi fait des entrevues avec le réalisateur Denis Héroux et le compositeur Michel Paje, qui s'appelle désormais Michel Roy et qui est retourné vivre en France. Le musicien paraît très surpris quand M. Leclerc lui apprend que le 45-tours de Valérie était sorti au Japon, avec la chanson du film en japonais.

Techniquement, les droits de Valérie appartiennent à Lion's Gate, anciennement connue sous le nom de Cinepix, la boîte de production soft-porn de l'époque au Québec (L'initiation, Y a plus de trou à Percé). L'entreprise n'a jamais eu l'intention de commercialiser cette trame sonore et c'est pourquoi Simon M. Leclerc a décidé de la diffuser.

«Les droits, on dirait que je m'en fous un peu», lance le blogueur.

Sa mission, dit-il, en est une de sauvegarde patrimoniale. Son but est de partager et non de faire de l'argent. D'où la gratuité de toute l'affaire.

Ce n'est pas la première fois que Psyquébélique redonne vie à des disques québécois introuvables. Jusqu'ici, aucun musicien ne s'en est plaint. Au contraire. Sans des efforts comme celui-là, ce sont des pans entiers de notre culture populaire qui resteraient enfouis, voire introuvables.

Jouissive initiative.