Lauréat du Grand Prix du livre de Montréal 2009 qu'il a reçu hier pour L'énigme du retour, Dany Laferrière a dédié son prix... à Montréal et à ses amis de la ville qu'il a choisie - ou est-ce le contraire? - quand il a quitté Haïti, voilà 33 ans.

«Je suis un homme de ville», a lancé le romancier originaire de Port-au-Prince qui rentre à peine de Paris où il recevait, il y a 10 jours, le prix Médicis pour ce roman «aussi original que grave» selon les mots de Gérald Tremblay, oeuvre qui «interpellera nombre d'exilés que compte notre métropole ouverte et diversifiée». Laferrière avait d'ailleurs dédié ce «Médicis de la reconnaissance» aux Haïtiens de Montréal.

L'énigme du retour était en lice avec deux autres titres de Boréal: le recueil poétique Thérèse pour Joie et Orchestre d'Hélène Monette et le roman L'oeil de Marquise de Monique LaRue qui avait remporté le GPLM en 1990 pour Copies conformes. Étaient aussi en lice: le «roman graphique» Paul à Québec de Michel Rabagliati (La Pastèque) et le recueil de poésie Prière à blanc de Michael Delisle.

Choisis parmi quelque 300 ouvrages, ces titres témoignent de «l'équilibre réel de l'écriture» entre le roman, la poésie et les formes nouvelles, a souligné Georges Leroux, président (non votant) du jury et lauréat 2007 pour son essai Partita pour Glenn Gould. Le jury était composé de Catherine Mavrikakis, qui a remporté le GPLM l'an dernier pour Le ciel de Bay City, de la critique Danielle Laurin, de l'écrivaine Geneviève Letarte, du libraire Laurent Borrego et de Robert Schwartzwald, directeur du département d'études anglaises de l'Université de Montréal. Rappelons que le Grand Prix du livre de Montréal est ouvert aux auteurs de langue française et anglaise - le dernier lauréat anglophone a été David Solway pour Franklin's Passage en 2004. Réactivé en 1987, le prix est doté d'une bourse de 15 000 $.

Pécule dont Dany Laferrière se servira peut-être, blague-t-il, pour continuer son exploration des quartiers de Montréal, lui qui a d'abord vécu au carré Saint-Louis, haut lieu de la création montréalaise des années 60 et 70. «J'ai connu des quartiers pauvres et difficiles et certains plus acceptables...» Aujourd'hui, les Laferrière habitent Ahuntsic et c'est de là que le romancier - «assez conservateur dans (ses) déambulations» - continue de découvrir la ville où sont nées deux de ses trois filles. «Quand, plus tard, nous étions à Miami, elles pensaient encore que Sainte-Justine était un petit village enneigé, même en été...»

Et que disent Maggie et les filles de cette manne, a demandé La Presse à son ancien et illustre collègue qui a aussi remporté le Grand Prix du festival littéraire Metropolis bleu 2010? «Comme ça n'arrête pas, elles n'ont pas encore eu le temps de faire le bilan...»

Pour l'écrivain Gary Victor, invité d'honneur du 32e Salon du livre de Montréal qui commence demain, tous ces prix remportés par son ami Laferrière donnent aux Haïtiens un modèle positif, eux qui «trop souvent ne voient que des modèles frauduleux». «Dany est l'une des figures de proue de la littérature haïtienne, qui est très vigoureuse malgré tous les problèmes du pays. Les succès de Dany nous montrent l'étendue des possibles...»