Après une année incroyablement difficile - suicide de son fiancé, rechute dans l'alcool, passage en maison de thérapie, tout cela après un divorce, un nouvel album et son retour sur scène -, Renée Martel renoue avec ce qui la porte depuis toujours: la musique, le spectacle, le public. Ce soir, à eXcentris, elle présente son spectacle L'Héritage, en nomination à l'ADISQ. Conversation avec une chanteuse qui ne veut pas mourir...

«Ça fait 57 ans que j'ai les pieds sur la scène et j'ai enfin une et même deux nominations à l'ADISQ (spectacle de l'année et album country), mes premières en carrière. C'est incroyable, mon spectacle est en nomination dans la même catégorie que Diane Dufresne! Je me sens tellement honorée, je suis chanceuse...» La voix de Renée Martel est effectivement émerveillée, et la journaliste, elle, est toute chamboulée d'entendre ces mots - «Je suis chanceuse» - alors que la vie n'a pas exactement été bonne pour la blonde chanteuse au cours des décennies, et particulièrement cette année.

 

«Il y en a qui restent debout devant l'épreuve, explique-t-elle avec gentillesse. Moi, je suis tombée à chaque épreuve. Des fois, je me suis relevée tout de suite, des fois, ça m'a pris plus de temps. Cette fois, disons que ça prend encore un peu plus de temps; sincèrement, je ne pensais pas que je passerais au travers, et pourtant, je suis ici, je suis debout. Mon fils, qui est batteur et qui m'accompagne sur scène, n'en revient pas lui-même...»

C'est peut-être parce qu'on ne pourrait pas se passer de Renée Martel dans nos vies, de sa voix unique aux intonations imprégnées de peine et de douceur, de sa grâce invincible parmi les décombres. Cette voix, cette grâce seront présentes ce soir, en plein centre-ville, à eXcentris. Renée Martel ne le cache pas, Montréal, ça la stresse. «Je ne suis pas inquiète pour le spectacle, je sais qu'il marche, qu'il est rodé, mais les gens de Montréal voient tellement de shows, Montréal me fait peur...»

Country centre-ville

D'autant plus que la dernière fois que Renée Martel s'y est produite, c'était à la Place des Arts, en novembre dernier: elle a dû interrompre le spectacle, brisée par tout ce qui s'était passé, incapable de faire front une minute de plus. «Aimer quelqu'un qui n'est plus là, qu'il soit mort du cancer, d'un accident ou d'autre chose, comprendre que tu ne le reverras jamais pour le restant de tes jours, et être obligée de vivre ça devant le monde, parce que je suis un personnage public.... je n'étais plus capable.» Le temps et la musique, tous deux grands médecins, lui ont finalement permis de surmonter son infinie douleur. «Et contre toute attente, je m'amuse, je suis bien sur scène, je suis bien avec mes musiciens, s'exclame-t-elle. Je l'avoue, il y a parfois une chanson dont je pleure une phrase, j'en chante une autre (rire doux), mais ça fait partie de moi. Les spectateurs me disent qu'ils m'aiment, de ne pas lâcher... C'est drôle, on est artiste et être humain: on fait arriver des choses et il nous arrive des choses...» ajoute-t-elle avec pudeur.

Pudeur qui s'estompe dès qu'elle parle de son spectacle: «C'est un mélange de mes nouvelles chansons (tirées de l'excellent album L'Héritage), de mes plus anciennes, des pionniers du country.»

Car elle demeure fidèle au country, «qui est plus de qualité que jamais», précise-t-elle. «J'écoute Kaïn, les Trois Accords, Michel Rivard, Isabelle (Boulay), la gang à Mario Pelchat (les disques à succès Quand le country dit bonjour...), ce sont des gens qui ont toujours aimé le country et qui en font maintenant sans avoir peur d'être jugés. Ça me fait plaisir.» Comme lui fait plaisir le fait qu'un album plus «traditionnel» comme la compilation Stars du country soit actuellement parmi les disques les plus vendus (elle regroupe Marcel Martel, Patrick Norman, Marie King, Richard Huet et bien d'autres, dont bien sûr Renée Martel).

«On a une plus grande ouverture qu'avant, je crois. On est passé d'un extrême à l'autre, au Québec: de très pudiques qu'on était, on a enlevé notre soutien-gorge dans la rue en 1968 - je le sais, j'y étais! -, de très catholiques, on est passés à pas croyants du tout.... Je pense qu'actuellement, on revient à un certain équilibre, à un juste milieu, on est plus spirituels, plus curieux...

«Dans mon spectacle, il y a plusieurs chansons destinées à l'homme que j'ai aimé, reprend-elle, des chansons que je chante parce que ça lui faisait plaisir. Moi, je ne suis pas capable de dire mon deuil, de le vivre dans un groupe de discussion ou des choses comme ça. Mais je suis capable de la chanter, cette douleur-là. Alors, c'est ce que je fais. Et je suis tellement chanceuse: on affiche toujours complet. J'ai juste envie de dire aux gens: «merci d'être encore là!»».

Merci, Renée, d'être encore là...

Renée Martel à eXcentris ce soir, et en tournée partout au Québec. Informations: www.reneemartel.ca