Gilbert Rozon était à Édimbourg quand Spectra a annoncé le déménagement des dates des FrancoFolies en juin. Une décision que le patron de Juste pour rire a appuyée dans une logique de libre marché même si, dit-il, elle pourrait le désavantager à court terme. Il ne s'attendait surtout pas à l'escalade verbale qui a suivi.

Quand la guerre des festivals a éclaté, Gilbert Rozon a préféré rester en retrait. «Je n'ai pas ajouté mon grain de sel pour être bon joueur envers le gouvernement, dit-il. Mais ça a pris des proportions qui n'ont pas de sens. Quand j'ai vu Québec s'en mêler... C'est la première fois que le maire Labeaume, qui a l'air d'un homme déterminé, aux idées claires, prend une position défensive et dit qu'on devrait protéger nos marchés. Tant qu'à y être, je pourrais dire que c'est moi qui ai le plus gros festival et que je n'en veux pas d'autre!»

«L'an dernier, on a fermé notre gueule quand Québec a obtenu quasiment 200 millions pour ses festivités, poursuit Rozon. Puis dans les mois qui ont précédé l'annonce des Francos, Québec a multiplié les annonces: le Sommet de la culture en janvier, le Moulin à images de Robert Lepage qui revient pour cinq ans, le Cirque du Soleil et son activité gratuite pendant un mois, Lepage qui suggère que Québec fasse une sorte de grand festival qui durerait tout le mois de juillet, et récemment, le Grand rire qui va déménager une grosse partie de ses activités gratuites en juillet et qui s'en viendra peut-être en même temps que Juste pour rire. Ça n'a même pas eu droit à un entrefilet à Montréal. Mais les Francos déménagent en juin et Québec demande à Charest d'intervenir! Je ne vois pas comment tu peux gagner le match en jouant défensif.»

Luchini et l'absolu

Après avoir assisté à l'inauguration de la place des Festivals la veille, Rozon était à Atlanta hier pour faire le «post-mortem» du premier festival Just for Laughs de Chicago avec ses partenaires américains de TBS. Un festival qui compte parmi les plus belles émotions de sa vie, au même titre sûrement que son association avec Fabrice Luchini qu'il a fait venir en 2006 et qu'il nous ramène à compter de dimanche, au Monument-National.

«Je suis un fan inconditionnel de Luchini et ce show-là est son meilleur, dit Rozon. Voilà un homme en possession optimale de son métier, de son écriture, de son jeu, de l'écoute du public, et qui, chaque soir, donne un show un peu différent. Il parle de choses extrêmement intelligentes et les gens se tapent les cuisses! Avec lui, je touche à l'absolu et pour un producteur, ça arrive très rarement.»

Luchini n'aime pas voyager et on devine aux blagues que Rozon et lui s'échangent qu'il ne se déplace pas pour rien. «C'est un garçon très conscient de sa valeur, mais ce qu'il gagne, il le mérite, dit Rozon. On n'a pas de problèmes à vendre des billets pour Luchini. Mon problème, ça va être tous les chums que je vais avoir soudainement quand il va débarquer à Montréal.»

Rozon a courtisé Luchini pendant «cinq ans, peut-être sept», et il n'était pas le seul producteur sur les rangs. A-t-il été plus facile à convaincre la deuxième fois? «Oui et non, répond-il. J'aurais préféré qu'il revienne pendant le festival, mais ce n'était pas possible. Je ne suis jamais allé le voir en pensant que c'était gagné d'avance.»

Au moment où Fabrice Luchini sera à Montréal, Juste pour rire se lancera dans une opération ambitieuse à Paris. Pendant deux semaines, de la fin septembre à la mi-octobre, Rozon y présentera pas moins de dix spectacles d'envergure, dont un gala animé par Franck Dubosc et Stéphane Rousseau qui tiendra l'affiche quatre soirs au Zénith avec diffusion en direct sur M6. Également au programme, le spectacle de La Clique ainsi qu'un gala gratuit avec des humoristes français et québécois au pied du Sacré-Coeur de Montmartre.