De tout temps, la Lune inspire poètes et romanciers. Elle émeut parce qu'on l'associe à la fécondité. Elle intrigue parce qu'on lui attribue le mouvement des marées et qu'elle éclipse parfois la lumière du jour.

On fantasme aussi à l'idée que la vie existe ailleurs dans l'univers. Pourquoi pas sur la Lune et pourquoi ne pas nous y rendre pour le constater de visu.

Dès le IIe siècle de notre ère, Lucien de Samosate raconte dans un morceau d'ironie écrit en grec avoir subit une formidable tempête qui a transporté son vaisseau sur la Lune. Là, il y rencontre les Hyppogypes, un peuple en guerre contre les habitants du Soleil. Au début du XXe siècle, H. G. Wells approfondira cette idée avec Les premiers hommes dans la Lune, où une expédition rencontre les Sélénites, des êtres insectiformes.

Pierre Bouille, l'auteur de La planète des singes, propose une nouvelle tout aussi inquiétante avec Les Luniens. Arthur C. Clarke en fera de même avec La sentinelle, qui inspirera à Stanley Kubrick un film dont l'esthétisme poussé a fasciné toute une génération.

Sans être certain de la vie sur notre satellite astral, Cyrano de Bergerac, le libre penseur et non le héros au nez péninsulaire qu'en a fait Edmond Rostand, publie au XVIIe siècle Histoire des États et Empires de la Lune dans laquelle il imagine déjà une fusée à étages. Rostand s'inspirera de cet ouvrage pour quelques vers savoureux dont ce bel alexandrin: «J'inventai six moyens de violer l'azur vierge!»

L'excentricité de Cyrano ne bat pas toutefois celle du baron de Münchhausen, un fieffé menteur du XVIIIe siècle. Ses mémoires fantasques font état de deux voyages sur la Lune: le premier, en grimpant sur un haricot géant, le second à bord d'une nacelle munie de voiles. Il rencontre le roi et la reine de la Lune qui ont la capacité de séparer leur tête de leur corps.

Dans son conte Un voyage à la Lune, Alexandre Dumas se souvient, encore bambin, avoir entendu le garde-forestier de son père raconter s'être rendu sur la lune à dos d'aigle... après avoir éclusé huit bouteilles de vin. Le gardien de la planète l'en avait chassé et sa chute dans l'espace avait été amortie par un vol d'oies.

C'est aussi sur le mode merveilleux, voire extraordinaire, qu'Edgar Allan Poe livre son Aventure sans pareille d'un certain Hans Pfaall, dès 1835 que le public français connaîtra grâce à la plume hallucinée de Charles Baudelaire. Dans ce récit en forme de journal, un Hollandais raconte son voyage en ballon jusqu'à la Lune.

Les aérostats aiguillonnaient l'imaginaire depuis le vol réussi des frères Montgolfier en 1792. Jules Verne utilisera cette invention pour le premier de ses Voyages extraordinaires, Cinq semaines en ballon.

Fort de son succès, il marque un autre grand coup en 1865 avec De la Terre à la Lune suivi quatre ans après par Autour de la Lune. Ce dyptique est le premier ouvrage de fiction à se rapprocher de l'épopée Apollo lancée un siècle plus tard. Verne innove en optant pour la balistique, qui perce l'atmosphère avec un objet plus lourd que l'air, en imaginant la mise en orbite et le retour sur Terre par amerrissage.

Ce roman fera école et inspirera notamment Hergé pour son fameux dyptique de 1950 Objectif Lune et On a marché sur la Lune. Hergé a profité de l'invention des premières fusées en 1942 pour augmenter le réalisme de sa bédé bien que son scénario s'essouffle en seconde moitié.

Certains esprits chagrins ont déploré que la mission Apollo avait dépouillé la Lune et le Soleil de leur aura poétique. Cela aurait fait rire Prévert qui les raillait déjà dans Paroles: «De deux choses l'une, l'autre, c'est le soleil.»