Balé de Rua, c'est un morceau du Brésil qui atterrit sur une scène. Mais pas le Brésil que l'on connaît... ou que l'on croit connaître. Rencontre au-delà des clichés.

«Pour la plupart des gens, le Brésil, c'est le soleil, la samba, le carnaval, le foot, l'Amazonie et les femmes. Et c'est vrai que c'est ça. Mais ce n'est pas que ça. L'art et la culture sont chez nous aussi importants que dans les pays industrialisés. C'est ce que nous montrons, disons et dansons dans Balé de Rua», dit le chorégraphe Marco Antônio Garcia, rencontré en avril, juste avant la représentation que sa troupe donnait à la maison de la culture de Nevers.

 

La troupe en question, Cia de Dansa Balé de Rua, invitée à Montréal par le Festival Juste pour rire, est née en 1992 à Uberlândia, petite ville située à cinq heures de route de Brasilia. Ses fondateurs: Fernando Narduchi, José Marciel Silva et Marco Antônio Garcia. Ils dansaient dans différents groupes, exerçaient différents métiers au sein d'une communauté très pauvre. Mais ils avaient - et ont toujours - la danse dans le sang. Hé, ils sont brésiliens - et ils vivent très bien avec ce cliché-là!

«Chez nous, la danse est un mode de vie - comme l'apprentissage du football. La différence, c'est que le foot est vu comme un moyen de promotion sociale, de gagner sa vie et d'être connu», raconte Marco Antônio Garcia... qui n'a pas été footballeur: «J'étais pompiste. Dans la troupe, nous avons eu des charcutiers, gardiens de parking, mécaniciens, laveurs de voitures, peintres en bâtiment.» La femme, la seule qui danse dans le spectacle éponyme de la compagnie, était, elle, manucure.

Leur point commun, donc: la danse. Hip-hop, break, samba, danse moderne, percussions. Tout cela, teinté «par la rue», leur première scène, et «par la vie». Et alimenté par «un désir d'apporter au monde des danses autres que celles des vidéoclips et des défilés de mode».

C'est pour cela, parce qu'ils font autrement et détournent les clichés, que «les critiques ne savent pas comment nommer notre danse ni résumer notre spectacle», poursuit Marco Antônio Garcia. Cette production, la sixième depuis les débuts de la compagnie, a été créée en 2006 au théâtre Mogador de Paris. Ensuite, tournée en France - dont trois mois au Trianon, une salle de 2000 places - puis en Suisse et en Belgique. Et la consécration, en août 2008 au Fringe International Festival d'Édimbourg, où elle est récompensée d'un Heral Angel Award.

Une production qui dit, en musiques et en chorégraphies, «notre histoire. Celle des Noirs du Brésil, ces esclaves qui ont traversé l'océan, ont rencontré d'autres cultures auxquelles ils ont mêlé la leur. Nous évoquons aussi l'amour, l'espoir, la joie, le fait qu'il est possible d'être heureux même si on rencontre des difficultés, et la religion - si importante pour beaucoup de Brésiliens».

Joie de vivre

La joie de vivre, l'énergie sont de ce programme. Énergie solaire. Énergie solidaire, aussi. Parce qu'il y a de cela, du «il faut se tenir les coudes» et du «donner au suivant» dans l'essence et dans la philosophie de la troupe. «À l'origine, nous avons appris et pratiqué dans la rue. Maintenant, nous avons notre propre école, à Uberlândia, où nous enseignons aux jeunes.» Ils sont 300, pauvres, très pauvres, âgés de 13 à 19 ans, à fréquenter leur centre culturel. Le projet de Balé de Rua est, aussi, un projet social.

Au point où les 25 personnes présentement en tournée - dont 15 danseurs - tiennent à rentrer au bercail au minimum tous les trois mois; idéalement, chaque six semaines. «Sinon, assure Marco Antônio Garcia, c'est la saudade.» La nostalgie, le mal du pays. Qui, toutefois et contrairement à eux, ne transpire pas durant les représentations!

Balé de Rua, du 14 au 19 juillet à la salle Maisonneuve de la Place des Arts.

Les frais de voyage de ce reportage ont en partie été payés par Juste pour rire.