Pour tout dire, rien ne le prédestinait au cinéma. Élevé sur une ferme laitière, à Saint-Armand dans les Cantons-de-l'Est, Guy Edoin avait un avenir tout tracé dans le monde de l'agriculture. «Avant d'arriver à l'université, je n'avais rien vu, à part les Contes pour tous. La télé était notre seule fenêtre sur le monde», dit-il.

Mais à 17 ans, tout bascule. L'adolescent claque la porte de la grange et part étudier le théâtre au Cégep Saint-Laurent, où il se cultive en accéléré. Deux ans plus tard, il échoue au département de cinéma de l'UQAM, pour une majeure en scénarisation. Il est alors remarqué par Hubert-Yves Rose (Le banquet), qui le pousse à écrire le scénario du Pont, une trouble histoire d'inceste, qui deviendra le premier d'une étonnante trilogie de courts métrages (Les affluents). Les volets suivants (Les eaux mortes et La battue) lui vaudront notamment un Jutra et plusieurs sélections dans des festivals internationaux, dont celui de Locarno.  

En trois petites «vues», force est d'admettre que Guy Edoin a imposé un regard très personnel, qui tranche net avec les artifices et la désinvolture qu'on associe d'ordinaire à sa génération. Ses histoires, épurées, presque muettes, se situent à la frontière de l'étrange et du poétique. Le rythme est lent, contemplatif, à des lieues de la production commerciale habituelle. Ses personnages n'ont rien –mais alors rien du tout– de Patrick Huard et Karine Vanasse. Enfin, tous ses films ont été tournés à la campagne, sur la terre de ses parents. Retour aux sources? En quelque sorte. «Même si je suis devenu 100% urbain, je suis un fils d'agriculteur, dit-il. Je voulais montrer d'où je viens. Je voulais montrer des choses que la télé et le cinéma ne montrent plus.»

 

Reconnu pour ses courts, Guy Edoin est maintenant prêt pour un long. Le cinéaste de 28 ans prépare actuellement un premier film, qui sera produit par Roger Frappier et Luc Vandal de Max Films. Son titre? Marécages. Son sujet? Une histoire de rédemption et de parricide involontaire qui, bien sûr, se passe dans le monde rural.

 

Contrairement à un certain Xavier Dolan, pour qui tout semblait tracé d'avance, Guy Edoin goûte encore aux fruits de l'étonnement. «C'est drôle, dit-il. À 20 ans, je ne pensais jamais faire du cinéma. Et voilà que je travaille avec Max Films. Dire que j'ai été refusé deux fois à l'INIS!»