Lake of Stew et Bloodshot Bill n'auront jamais autant fait parler d'eux en quelques jours. Le 23 juin, ils pourront enfin se faire entendre: le producteur délégué a confirmé hier que les deux groupes anglos seront du spectacle de la Saint-Jean du parc des Pélicans, dans le quartier Rosemont.

En après-midi hier, l'Association Culturelle Louis-Hébert (ACLH), qui finance l'événement, s'est dissociée de la position affichée par l'un de ses administrateurs devant les médias. Le vice-président de l'ACLH, Mathieu Bouthillier, avait déclaré à La Presse que son organisme voulait «des groupes qui chantent en français le jour de la Fête nationale». La participation des deux groupes était donc exclue. «Pour nous, le dossier est clos», avait-il affirmé. Mais M. Bouthillier «n'avait pas le mandat pour s'adresser ainsi aux médias», a expliqué hier soir à La Presse la présidente de l'ACLH, Marylyne Lacombe. Les administrateurs de l'organisme ont tenu une réunion téléphonique - à laquelle M. Bouthillier n'a pas participé - pour officialiser leur position. Dans un communiqué transmis aux médias, l'ACLH explique avoir eu des craintes quant à la sécurité entourant l'événement. «Quelques rumeurs de manifestation ont circulé et nous ne voulions pas compromettre le caractère festif et familial de l'activité.»

La présence de deux groupes anglos dans un spectacle de la Saint-Jean a effectivement suscité la colère de militants souverainistes, qui se sont déchaînés sur le forum Internet du journal Le Québécois. Certains ont menacé de causer du grabuge si des anglophones s'avisaient de chanter dans la langue de Shakespeare. À l'opposé, deux groupes sur Facebook ont été créés par des francophones pour appuyer la présence des musiciens anglos-montréalais.

Le producteur délégué de l'événement, C4 productions, semble plus ébranlé par la controverse entourant l'affiche du spectacle que par les menaces proférées sur Internet. «J'ai personnellement pas vu de menaces, c'est vraiment une discussion d'adultes», dit Pierre Thibault. L'ACLH dit avoir eu l'assurance que la sécurité serait adéquate, pour ne pas «que la ville annule le spectacle s'il y avait une menace de manifestation».

La confirmation officielle de la tenue du spectacle doit avoir lieu demain. C4 Productions doit rencontrer aujourd'hui les représentants du Mouvement National des Québécois, mandaté par le gouvernement pour administrer les fonds octroyés pour les activités de la Fête nationale. «Nous devons nous assurer que les conditions imposées par le financement «caractère rassembleur, promotion du français» sont respectées», dit le porte-parole Julien Baudry.

L'ACLH réfute également l'accusation de présenter un spectacle «billingue». Lake of Stew, un groupe folk country, et Bloodshot Bill, un chanteur à la dégaine rockabilly, présenteront chacun une performance d'une vingtaine de minutes, sur une durée totale de spectacle d'environ 6 heures.

Bisbille à Québec

À Québec, pendant la journée d'hier, la ministre de la Culture et des Communications, Christine St-Pierre, n'a pas manqué de souligner que le PQ a attendu 24 heures avant de réagir à la controverse. «C'est évident qu'il y a un malaise de leur côté», a-t-elle dit. Selon la ministre, une «frange plus intolérante» du PQ est favorable à l'exclusion des anglophones des festivités du 24 juin.

«La Fête nationale, c'est la fête de tous les Québécois. On ne doit pas exclure qui que ce soit pour une question de langue, en particulier l'anglais qui fait partie de la réalité québécoise. Par définition, la culture québécoise est ouverte sur les autres langues», a affirmé le député de Borduas, Pierre Curzi, à La Presse.

«Les artistes anglophones qui sont Québécois font partie de notre nation. Et ils peuvent s'exprimer dans leur langue», a-t-il ajouté, rappelant que la fête dans Rosemont «sera majoritairement en français». Des chansons en anglais dans un spectacle de la Saint-Jean, «ça ne m'offusque pas dans mes sentiments souverainistes».

Marc Laviolette juge que la position défendue par M. Curzi fait l'éloge du «multiculturalisme canadien». «Que des groupes anglophones chantent en anglais à la Fête nationale, c'est problématique», a-t-il dit. «Ils font partie de la nation québécoise, oui. Mais la langue officielle, c'est le français.»

Le directeur du journal indépendantiste Le Québecois, Patrick Bourgeois, partage l'avis de M. Laviolette. «Dire qu'on est fermé parce qu'on veut que le 23 et le 24 juin ça se passe en français, c'est poussé le bouchon pas mal loin. On n'exagère pas du tout», a affirmé le ténor des souverainistes orthodoxes.

Pour le président du Conseil de la souveraineté du Québec, Gérald Larose, «la Fête nationale doit se faire massivement en français». Il peut y avoir «quelques clins d'oeil à la richesse linguistique et culturelle du Québec». «Ça ne pose pas de problème» que deux groupes anglophones se produisent en anglais dans un spectacle dominée par des artistes francophones, a-t-il dit.