J'a-do-re les journaux. Traitez-moi de dinosaure (un Papyrus Rex?), mais j'aime le rituel sacré qui entoure la lecture d'un quotidien. En papier. Qui se plie, se déchire, se chiffonne et qui tache les doigts.

Comme vous, j'imagine, je m'accroche fidèlement et avec une ferveur quasi religieuse à mes chroniqueurs et chroniqueuses préférés. Quand Josée s'absente, je ronchonne. Quand Pierre en pond une particulièrement inspirée, je la découpe et la scotche sur mon frigo. Et quand Nathalie dépose une phrase délicieusement assassine dans sa rubrique, je m'esclaffe devant mon latté bouillant. Ces journalistes - Yves, Réjean, Michèle, Christie ou Leah - m'accompagnent au réveil comme au coucher. Ils m'inspirent et me divertissent, autant qu'ils m'éclairent et ébranlent mes certitudes.

 

Mais, bon. Mon obsession pour les «vieilles gazettes» ne date pas d'hier. Chez nous, il y a toujours eu des journaux éparpillés un peu partout dans la maison. Et plus jeune, j'accompagnais souvent mon papa journaliste dans la salle de rédaction du Soleil, un endroit magique et bordélique où s'alignaient de grosses machines à écrire en métal, perdues au milieu d'un fatras de feuilles jaunies, de cendriers archi pleins, de crayons gras et de photos en noir et blanc.

Est-ce que ces lieux mythiques, où des reporters fouillent, creusent, décortiquent et analysent frénétiquement l'actualité, existeront encore dans cinq ou dix ans? J'ose croire que oui, malgré la pluie de mauvaises nouvelles qui arrose les journaux les plus prestigieux, ici comme aux États-Unis.

Bien sûr, tous ces nouveaux gourous patentés du web - plus opportuniste que ça, tu «twittes» 46 fois par jour - dansent déjà sur la tombe des quotidiens et enterrent à grands coups de formules préfabriquées cette Presse que vous dévorez présentement.

Minute, moumoutte. Le prochain scandale des commandites n'éclatera pas sur Twitter, ni sur Facebook, ni sur un site web obscur. Et avant qu'un blogueur non rattaché à un grand média (les meilleurs blogueurs, les plus crédibles, bossent pour Cyberpresse, L'actualité, Canoë ou Châtelaine) ne déterre un Watergate, le nouveau CHUM aura le temps d'être construit, démoli, puis reconstruit.

Quand je lis des titres ridicules comme: «Les journaux, kossa donne?» mon sang d'encre fait trois tours. Qu'est-ce que ça donne? À peu près tout ce que personne sur la blogosphère ne daigne faire: éplucher des demandes d'accès à l'information, entretenir des réseaux de contacts, couvrir des conseils municipaux, surveiller les dépenses des fonctionnaires, assister à des réunions de citoyens, questionner les élus sur leurs agissements, voulez-vous que je continue?

Ça s'appelle du reportage: dénicher des histoires, vérifier les faits, contre-vérifier les faits et les remettre en contexte. D'ailleurs, vous savez comment reconnaître un journaliste dans une fête d'anniversaire? Quand sa maman lui dit qu'elle l'aime, il appelle trois sources pour être certain que c'est vrai.

Évidemment, bricoler un journal de qualité, rigoureux et original, ça coûte cher et ça prend du temps. Comme société, il faudra très bientôt nous demander combien vaut cette information et quelle somme nous sommes prêts à débourser pour l'obtenir. C'est étrange que des consommateurs paient jusqu'à 5$ pour siroter un café Starbucks, mais rechignent à cracher un huard pour un canard en papier. Après «acheter local» et «manger local», faudra-t-il lancer une campagne pour soutenir «l'info locale»?

Les problèmes économiques qui plombent les journaux n'ont rien de réjouissant. Je regarde mes talentueux collègues bûcher sur leurs histoires et je m'imagine très mal une société qui fonctionnerait sans journalistes, ces étranges bibittes teigneuses et acharnées qu'un non n'arrête jamais. Pas vous?

Je lévite

Avec Duplicity de Tony Gilroy. Enfin un film d'espionnage à l'intrigue touffue qui s'adresse à des adultes intelligents et qui oppose deux acteurs au sommet de leur forme, soit Clive Owen et Julia Roberts. Délicieux.

Je l'évite

Le ShamWow! Y a-t-il vraiment quelqu'un qui crie «wow» à chacune des fois qu'il utilise cette guenille orange?

COURRIEL Pour joindre notre chroniqueur: hdumas@lapresse.ca