L'idée d'abolir la taxe de vente sur les produits culturels québécois pourrait être abandonnée. Ne faisant pas l'unanimité dans le milieu artistique, le gouvernement Charest remet en question les bienfaits de cette promesse électorale, a appris La Presse.

Une économie de 1,50 $ sur l'achat d'un disque de 20 $ peut-elle réellement inciter les consommateurs à se procurer davantage d'albums de musique québécoise?

Pas nécessairement, répondent plusieurs représentants du milieu culturel québécois tels que le Mouvement pour les arts et les lettres (MAL), l'Union des artistes (UDA) et l'Union des écrivains du Québec (UNEQ). Ils doutent en effet que cette mesure puisse réellement contribuer au rayonnement de la culture québécoise.

Avec cette initiative, qui priverait l'État de revenus annuels de 50 millions, le gouvernement souhaitait stimuler la vente de disques, de films, de billets de théâtre ou de tout autre produit culturel québécois en permettant aux consommateurs de faire des économies. Or, le plus récent budget provincial n'a rien prévu à cet effet.

Et, en raison du scepticisme que provoque cette mesure, la ministre de la Culture, Christine St-Pierre, qui avait l'intention d'honorer cet engagement au cours du présent mandat, semble vouloir changer son fusil d'épaule.

À preuve, celle-ci a décidé «d'évaluer d'autres scénarios» pour venir en aide à l'industrie. «Beaucoup de gens nous disent que ce n'est peut-être pas la solution qu'on devrait envisager», a admis Mme St-Pierre au cours d'un entretien avec La Presse.

Au lieu d'abolir la taxe de vente, plusieurs représentants du milieu artistique ont plutôt proposé à la ministre de placer l'argent généré par la TVQ dans un fonds dont les sommes seraient ensuite versées aux institutions culturelles, comme la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC), par exemple.

Mme St-Pierre refuse toutefois pour le moment d'écarter pour de bon l'idée de faire disparaître la TVQ. «La réflexion n'est pas terminée à ce chapitre là, mais je suis très sensible aux représentations qui ont été faites, ajoute-t-elle. Pour un billet de cinéma, ce ne sont pas 50 cents de moins qui vont faire une différence. Sur les abonnements (au théâtre ou à l'opéra), par contre, là les gens vont le voir, estime toutefois la ministre. Alors, ce sont les arguments qu'on m'a transmis. C'est venu de plusieurs groupes qui avaient des doutes sur la pertinence de cette mesure.»

Réticences

Tant du côté de l'UDA que du MAL, on émet plusieurs réserves face à ce projet. Pour le président de l'Union des artistes, Raymond Legault, l'abolition de la TVQ pourrait être «extrêmement complexe et difficile à gérer». Définir ce qu'est réellement un produit culturel québécois afin de déterminer ce qui pourrait être exempté de la taxe ou non risque également de donner du fil à retordre au gouvernement. L'exemple classique: un disque de Céline Dion produit et réalisé aux États-Unis doit-il être considéré comme un produit culturel québécois?

De plus, l'abolition de la TVQ priverait l'État d'importants revenus, souligne M. Legault. «Est-ce la meilleure façon de favoriser la culture?» se demande-t-il.

Le président de l'UDA doute également que les consommateurs puissent faire des économies. Il craint en effet que, devant cette exemption, les théâtres et les cinémas en profitent pour augmenter le prix de leurs billets.

Le porte-parole du Mouvement pour les arts et les lettres (MAL), Bastien Gilbert croit lui aussi que cette mesure pourrait être difficile à appliquer. «Elle n'a pas fait ses preuves», estime-t-il. Pour le moment, seuls les livres sont exempts de la taxe de vente.

«Ce n'est pas l'absence de TVQ qui va faire en sorte qu'on va acheter un disque de Paul Piché si on a l'intention au départ de se procurer un album de U2», ajoute pour sa part le président de l'Union des écrivains du Québec (UNEQ), Stanley Péan.

Du côté de l'ADISQ toutefois, la directrice générale, Solange Drouin est plus nuancée. Elle croit qu'il peut s'agir d'un moyen efficace à condition qu'elle ne soit pas l'unique initiative que le gouvernement met en place pour favoriser le rayonnement de la culture.

«C'est une mesure qui touche le consommateur. Ça peut être un incitatif, souligne-t-elle. Mais est-ce la seule façon d'intervenir? Certainement pas.»

 

En bref...

> Promesse faite par le Parti libéral du Québec au cours de la dernière campagne électorale.

> En abolissant la TVQ, le gouvernement se prive de revenus annuels de 50 millions.

> Objectif: stimuler la vente de disques, de films, de billets de théâtre

> Difficulté: définir ce qu'est réellement un produit culturel québécois.