Le Fonds canadien de télévision n'existera plus le 1er avril 2010. Il fera place au Fonds des médias, qui profitera d'un apport de 134,7 millions d'Ottawa, mais ne réservera plus de sommes à Radio-Canada. La nouvelle a soulevé l'inquiétude de l'opposition hier à Ottawa.

«Pour moi, c'est un désaveu de la télévision de Radio-Canada», pense le critique libéral Denis Coderre. «Qu'ils disent ce qu'ils pensent tout bas, c'est-à-dire qu'ils veulent chambarder Radio-Canada», a ajouté son collègue Pablo Rodriguez.

Le vice-président de la SRC, Sylvain Lafrance, admet que la disparition d'une part garantie de 37 % du Fonds pour la télévision d'État est loin d'être une bonne nouvelle. Par contre, il ajoute que tout dépendra des règlements qui seront établis d'ici un an.

«Je pense que le gouvernement a voulu écouter bien des joueurs pour essayer de rééquilibrer le système. Pour nous, cela aurait été pire s'il avait décidé de scinder les fonds disponibles en deux. Les vrais enjeux vont être cachés dans les règles de gestion qu'on va définir dans la prochaine année.»

M. Lafrance estime que la nouvelle politique servira à Radio-Canada pour continuer son offensive sur les nouveaux médias, de même qu'elle simplifie la gouvernance du Fonds. Par contre, il dit craindre pour l'avenir des documentaires à la télévision publique.

Le président de Quebecor, Pierre Karl Péladeau, est d'un tout autre avis. Présent avec les dirigeants de Rogers et de Shaw à l'annonce gouvernementale, il a salué «l'aube d'une nouvelle ère pour le contenu canadien».

«Il est maintenant permis de croire que les conditions nécessaires seront mises en place pour favoriser l'essor d'une industrie de production forte, créative et capable de trouver sa place dans un environnement mondialisé devenu extrêmement concurrentiel», a-t-il déclaré.

N'empêche, les partis de l'opposition à la Chambre des communes voient poindre dans cette décision du gouvernement conservateur une attaque contre la télévision publique.

«Il semble y avoir une attaque non dissimulée face à Radio-Canada, estime le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe. J'ai vu en Chambre tout à l'heure [...] les Conservateurs applaudir dès lors qu'on disait que Radio-Canada pouvait disparaître. Ils semblaient fiers de ça. Si on connaît leur discours dans le passé, c'est inquiétant.»

Le chef bloquiste craint que les critères de sélection ne tiennent compte que du succès populaire potentiel des projets, tout comme le député du NPD, Charlie Angus. Celui-ci déplore le fait que les géants canadiens de la câblodistribution contrôlent désormais l'argent des contribuables.

«Il est indéniable que les grands gagnants sont les géants comme Shaw et Vidéotron, dit-il. Ce plan élimine toute voix dissidente au conseil d'administration, laissant aux câblodistributeurs la décision finale sur qui aura accès ou non aux fonds.»

Plus tôt hier à Toronto, le ministre du Patrimoine canadien, James Moore, avait annoncé que le Fonds canadien de télévision serait fusionné avec celui des nouveaux médias pour devenir le Fonds des médias en avril 2010.

Ce fonds recevra 134,7 millions du fédéral et sera également financé par les câblodistributeurs et par les distributeurs de télévision par satellite, qui contribuent déjà au Fonds canadien de télévision.

«Par ce changement, nous voulons aider nos radiodiffuseurs et nos producteurs à contribuer à l'économie canadienne, tout en répondant aux attentes des Canadiens, a déclaré le ministre Moore. Il s'agit d'équilibrer les règles du jeu à un moment où l'industrie subit des changements structuraux.»

Le Fonds des médias, a-t-il expliqué, sera désormais administré par un conseil formé de cinq représentants des télédistributeurs et deux autres nommés par le gouvernement. Les producteurs et radiodiffuseurs en seront exclus, mais devront être consultés, assure M. Moore.

Cela inquiète l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec (APFTQ) ainsi que le syndicat d'acteurs ACTRA, qui craignent qu'on ne tienne plus compte du point de vue des créateurs au moment d'attribuer l'argent.

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Avec La Presse Canadienne et Joël-Denis Bellavance