«Dramatique». Voilà comment Alain Paré, président de la Conférence internationale des arts de la scène (CINARS) qualifie les résultats de son sondage réalisé auprès du milieu culturel canadien sur l'impact de l'abolition des programmes PromArt et Routes commerciales (budget total de plus de 6 millions en 2006-2007).

Selon les sondés, 59 % des tournées prévues en 2008-2009 seraient «menacées» par le retrait de ces deux programmes (effectif en mars 2009). Le pourcentage grimpe à 92 % puis 98 % pour les deux années suivantes. Au total, cela équivaudrait à 327 tournées et 3395 représentations de spectacles.

 

Cela se traduirait aussi par des pertes de vente de plus de 24 millions et des pertes en cachets et salaires de 8,9 millions (2000 emplois), toujours selon l'estimation des sondés. Sans compter l'impact sur la réputation des compagnies culturelles auprès des diffuseurs internationaux.

L'idée de l'enquête est venue en novembre. Le CINARS venait de mener un petit sondage interne auprès de ses membres. Les chiffres étaient assez pessimistes. Pour en avoir le coeur net, le groupe a donc envoyé à la fin novembre un questionnaire à 244 personnes ou organismes qui avaient reçu des subventions fédérales.

Résultat: les pertes anticipées sont cinq fois plus grandes que ce que laissaient entendre les données obtenues à la mi-novembre. Et ce chiffre reste très conservateur, assure CINARS. Car pour exercer rapidement une pression auprès du gouvernement, l'organisme a demandé aux sondés de répondre en seulement deux semaines. Résultat, le taux de réponse ne dépasse pas 25 % (61 sur 244). Les pertes mentionnées ci-dessus sont donc seulement celles de 25% des répondants. CINARS n'a pas multiplié le chiffre par quatre pour obtenir une estimation pour l'ensemble de l'industrie.

«On voulait être très prudents. Les conséquences sont donc sûrement plus graves que ce que laissent entendre ces chiffres, et ce, autant au plan économique, diplomatique qu'identitaire.»

Le Québec est de loin la province la plus touchée. Selon les chiffres de CINARS, 40 % des subventions de Routes commerciales et 68 % des subventions de PromArt en 2006-2007 ont été versées à des compagnies québécoises.

Le théâtre du Grand Jour est un exemple parmi tant d'autres de petites compagnies qui risquent d'écoper. Il prépare notamment une coproduction avec un important théâtre belge. Une vingtaine de personnes travaillent sur le projet, qui devait être financé à environ un tiers par le gouvernement.

«Bien sûr, PromArt n'était pas notre seul espoir de subvention, mais il en était un important. Ça ne peut pas aider. On attend une réponse du côté des autres programmes, dont ceux des Conseil des arts d'Ottawa et de Québec. Il faudra décider en mars si on avance avec le projet en Belgique», raconte David Lavoie, directeur administratif du théâtre.

Pour d'autres compagnies, il est déjà trop tard, croit Alain Paré. «Dans plusieurs cas, il n'est pas minuit moins une, il est déjà minuit et cinq, car des sommes sont engagées dans des projets qui ne recevront pas de subventions de ces deux programmes. Ces compagnies risquent d'enregistrer des déficits.»

Autre problème, remarque Marie-Andrée Gougeon, directrice générale de la compagnie Daniel Léveillé: la disparition de PromArt crée «une congestion dans les demandes de subvention pour les autres programmes».

«Par exemple, on obtient habituellement des subventions du Conseil des arts et des lettres du Québec, qui nous permettent d'aider de jeunes producteurs sérieux à exporter leurs oeuvres. Je viens de recevoir la réponse il y a 10 minutes - nous n'avons pas eu un sou.»

Alain Paré enverra aujourd'hui une lettre à Lawrence Cannon et James Moore, respectivement ministres des Affaires étrangères (responsable de PromArt) et du Patrimoine (responsable de Routes commerciales). Il demandera une rencontre.

«Pour abolir ces programmes, le gouvernement conservateur prétextait que rien ne prouvait qu'ils remplissaient leurs objectifs. Nous avons une preuve du contraire. Selon nos calculs, pour chaque dollar investi dans ces programmes, on récolte 5,50 $. C'est maintenant à eux d'essayer de prouver que nous avons tort.»