Le 53e Salon des métiers d'art, qui se tient jusqu'au 21 décembre à Place Bonaventure, est un endroit bien pratique pour faire son magasinage des Fêtes. Ça, tout le monde le sait. Ce qu'on sait peut-être moins, c'est qu'on peut aussi y joindre l'utile à l'agréable, en faisant sa part pour l'environnement.

«De plus en plus d'artisans travaillent avec des matériaux recyclés, observe Serge Demers, directeur général du Conseil des métiers d'art du Québec (CMAQ). C'est une tendance qui est en croissance soutenue. Et qui se renouvelle sans arrêt.»

 

Sur les 450 exposants que compte le salon, ils sont près d'une quinzaine à proposer cette année des oeuvres faites à partir de récup'. Le phénomène n'a rien d'étonnant. Les artisans ont toujours répondu à des normes très strictes en matière de produits toxiques. Mais avec la conscience environnementale qui se développe dans la société, il était inévitable que le recyclage fasse son chemin jusque dans les métiers d'art.

Selon Serge Demers, le phénomène est devenu tellement tangible, que plusieurs créateurs en ont fait leur marque de commerce. Faut-il y voir de l'opportunisme? Il n'irait pas jusque-là. Mais il admet que cette tendance vient répondre à la demande des consommateurs, qui cherchent une solution de rechange aux produits industriels des grandes surfaces. «Pour certains artisans, c'est une façon de se distinguer en sachant qu'il y a une clientèle qui recherche ça. Pour d'autres, c'est carrément devenu une carte de visite», ajoute-t-il, en citant la maison de couture Myco Anna, qui fabrique tous ses vêtements à partir de matières recyclées.

«Dans le milieu, je dirais que la tendance est apparue il y a 10 ou 15 ans, observe de son côté Linda Lessard, qui fabrique toutes sortes de petits objets pour le bureau et la maison avec du caoutchouc de pneus recyclés. Mais pour l'acheteur, il y a un changement majeur depuis quatre ou cinq ans. Je me fais solliciter tous les jours par des gens qui veulent des produits corporatifs. Il y a beaucoup d'entreprises qui souhaitent donner des cadeaux à contenu recyclé.»

Linda Lessard a commencé à recycler le caoutchouc il y a 20 ans. Mais à l'époque, la récup' n'avait pas aussi bonne presse. «On voyait ça comme quelque chose de sale», se souvient-elle. Les temps ont bien changé. Alors qu'une nouvelle génération d'artisans, élevée au bac vert, commence à se montrer le bout du nez, on ne recycle plus seulement les pneus, mais aussi la fourrure, le cuir, le verre ou des meubles trouvés dans les poubelles.

Des catalognes, mais pas de couverture

Ce changement dans les mentalités amène non seulement de nouvelles façons de faire, mais aussi un rajeunissement de la clientèle, note Serge Demers. «On est plus dans le 25 à 30 ans que dans le 35 à 55 ans», résume-t-il en évoquant de nombreuses poussettes aperçues au salon depuis une semaine.

Les changements sont, en revanche, beaucoup moins perceptibles quant à l'intérêt médiatique. En conférence de presse, il y a deux semaines, le vice-président du CMAQ Jean-Louis Mireault déplorait que les métiers d'art ne soient jamais aussi «couverts» que la musique, la danse ou le théâtre. C'est peut-être, dit-il, parce que le milieu souffre encore d'une image commerciale qui n'aurait jamais dû lui coller à la peau. «Il y a cette perception, tenace, que ce qu'on fait, c'est de l'art pour vendre. Mais un chanteur aussi, c'est ça! Pourquoi accepte-t-on que lui soit mercantile et pas nous?» demande M. Mireault.

Lui-même artisan (de la soie), M. Mireault estime qu'il faut réajuster le tir au plus vite. Même si le milieu survit et s'autosuffit, il gagnerait à être avoir plus de visibilité, que ce soit dans les journaux ou à la télé. Cela permettrait à certains créateurs, dit-il, de rayonner au-delà de l'annuel Salon des métiers d'art.

Le travail des artisans n'est pourtant pas sans valeur, observe M. Mireault. Les artefacts des civilisations passées, qu'on expose dans les musées européens, sont souvent reliés aux métiers d'art. Il en va de même pour les raquettes en babiche ou les catalognes, témoins de notre identité québécoise. Les objets d'hier, comme ceux d'aujourd'hui, vont laisser une trace de notre culture. «J'espère que dans quelques années, on va pallier ce manque de reconnaissance...»

Le 53e Salon des métiers d'art, jusqu'au 21 décembre, à la Place Bonaventure.