Il y a un an, le Tout-Montréal convergeait vers Rendez-vous 2007, Montréal, métropole culturelle, une rencontre réunissant au sommet le politique, le privé et la société civile. On disait haut et fort que le développement de la ville passe par la culture. Un plan d'action 2007-2017 et 12 mois plus tard, le Quartier des spectacles a émergé et certains dossiers, comme les bibliothèques et le tourisme culturel, sont bien lancés. Le sentiment d'urgence et les consensus passés, Montréal semble toutefois manquer d'un second souffle, cherche à rallumer le feu qui couve toujours dans la créativité et la diversité montréalaises. Depuis des semaines, La Presse s'est entretenue avec des amis et des amants de Montréal. À leurs yeux, la question ne se pose plus: notre métropole culturelle existe, sans avoir à se prendre pour une autre, mais en misant plutôt sur ce qu'elle est déjà. Ils nous ont fait part de leurs réflexions, actions et suggestions. Si un message pouvait résumer ce magma culturel, ce serait: de l'audace s'il vous plaît!

 

Des amis QUI nous veulent du bien

Des créateurs, des décideurs, des chercheurs... Plusieurs citoyens du monde aiment et admirent Montréal. Ce sont gens de bon conseil.

«Un projet culturel, ce n'est pas du copier-coller. Il doit être complètement enraciné dans sa ville. Ce qui est bon à Bruxelles ou à Lyon, n'est pas nécessairement bon pour Montréal. De plus, il faut être exigeant et ne jamais sous-estimer le public.»

- Serge Dorny, directeur de l'Opéra de Lyon.

«Il faut donner des espaces de diffusion aux artistes indépendants. Embrasser la culture ce n'est pas seulement donner une subvention à un artiste particulier, mais en pensant aux designers, DJ, commerçants indépendants, musiciens, cinéastes... On ne peut pas considérer la culture qu'en partant du haut de la pyramide.»

- Scott Burnham, idéateur britannique et directeur à la création de la Biennale de Montréal 2009.

«Je voudrais vous dire que Montréal est incontestablement une capitale culturelle internationale. L'un des problèmes, ce sont les rapports avec les gouvernements fédéral et provincial. C'est la répartition des rôles, mais il faut une plus forte autonomie de décision à la Ville.»

- Jean-Pierre Saez, directeur de l'Observatoire français des politiques culturelles.

«Il faut aller jusqu'à revendiquer l'improductivité dans une société où le consumérisme aboutit à l'abrutissement généralisé. Face à l'art, nous sommes là pour prendre une pause, pour réfléchir, pas pour un bonheur immédiat mais pour l'élargissement de nos vies. Aux Montréalais, je dis: mettez votre efficacité au service d'une certaine inutilité.»

- Emmanuel Wallon, professeur à l'Université Paris X-Nanterre.

La forêt derrière l'arbre

En dehors du centre-ville et des grands événements, Montréal fourmille de petits projets qui font que la métropole vibre en catimini.

Le chat des artistes

L'une des belles initiatives du Rendez-vous 2007: les quartiers culturels. Ils favorisent l'installation des créateurs et la participation citoyenne. Dans un ancien immeuble industriel, rue Parthenais, le Chat des artistes, par exemple, contiendra des espaces de production adéquats et abordables. Ouverture le 4 décembre.

BNL MTL

La Biennale de Montréal 2009 tiendra des expositions comme tous les événements du genre, mais contrairement aux autres, elle offre un tremplin de culture libre, déjà en marche sur l'internet, pour tous les créateurs d'ici et d'ailleurs en musique, cinéma, design et arts visuels.

SAT te dit de quoi...

En dehors des cercles branchés, la Société des arts technologiques reste méconnue, mais ce laboratoire urbain est le compendium du nouveau Montréal: jeune, branché, trilingue et ouvert sur le monde, qui vit, crée et produit au centre-ville. Pour la présidente de la SAT, Monique Savoie, «Montréal est un labo à ciel ouvert avec des segments très forts, mais le plombier est parti avec les plans. On doit tout raccorder avec vision.»

CINQ SHUKO

Rendons au maire Gérald Tremblay ce qui lui revient. Les médias en ont peu parlé, mais il a récemment lancé cinq shuko, ou projets de design innovateurs; rafraîchir les verrières de l'artiste Marcelle Ferron à la station Champ-de-Mars; requalifier le mur du palais de justice; concevoir un nouvel abribus; développer une identité propre aux taxis; et concevoir le mobilier temporaire du Quartier des spectacles.

We have a dream

Ilôt Voyageur

Brisons les murs comme à Berlin, ville championne du temporary use, ou utilisation hyper-créatrice des lieux désaffectés et désabusés. Musique, théâtre, cinéma... une nuit, une semaine, un mois... Laissons le honteux béton aux artistes en occupation double, triple, quadruple. Culturel, mais pas cucul!

***

Place des festivals

Inviter nos grands spécialistes internationaux de l'art public, Rafael Lozano-Hemmer et Roadsworth, à travailler ensemble sur la Place des festivals pour l'habiller et l'animer à l'année.

***

ATSA-ACSA

Nommer le duo Annie Roy et Pierre Allard de l'ATSA (Action terroriste socialement acceptable) commissaires d'un happening ACSA (Action créatrice socialement acceptable) autour d'un terrain vague, au choix,

***

Wilder

Obtenir une extension du concours international Diesel Wall, présent à New York, Barcelone, Manchester et Zurich, pour retaper l'édifice Wilder de l'Ilôt Balmoral, au sein du Quartier des spectacles. L'initiative permet aux artistes de surprendre, exciter, inspirer, intriguer, commenter tout en embellissant les murs de la ville.

***

Underground

C'est bien beau la cité souterraine, l'hiver surtout, mais la culture souterraine aussi! Pourrait-on considérer pour quelques jours, autour d'un événement officiel s'il le faut, que les graffitis représentent un mode d'expression légitime. Les espaces hideux ne manquent pas. À vos canettes aérosols, les jeunes!

Rien à voir, circulez!

Montréal n'est certainement pas: une ville industrielle espagnole, ni l'inspiration d'Antoni Gaudi, pas plus que la métropole du Canada, la Ville lumière ou qui ne dort jamais.

«Il n'est pas raisonnable d'expliquer les mutations de la ville de Bilbao par la seule présence du musée Guggenheim. Ce musée est l'arbre qui cache la forêt. Il n'est pas le point de départ de la dynamique.»

- Thomas Werquin, chercheur, Université de Montréal.

«Barcelone a changé rapidement, entre 1979 et 1995, en raison de la conjoncture. À la fin de la dictature et du franquisme, il y a eu une véritable explosion culturelle. Mais la ville a changé si vite que certains habitants peinent à s'y reconnaître aujourd'hui.»

- Jordi Marti, délégué à la culture, Barcelone.

«Les Torontois croient représenter le centre culturel envié de tous à l'extérieur du Canada. Mais vu de l'étranger, Montréal reste la ville la plus intéressante. Quand je parle avec des artistes aux États-Unis, ils se demandent tous s'ils ne devraient pas déménager ici.»

- Lisa Hunter, journaliste américaine vivant à Montréal.

D'AILLEURS, DES IDÉES

Sans faire du copier-coller, Montréal pourrait s'inspirer de projets culturels dont le succès a entraîné plusieurs métropoles dans son élan, chacune adaptant l'idée à sa façon.

L'AUTOBUS DU SHOW-BUSINESS

À Nice, c'est un tramway, à San Francisco, un autobus. Ville culturelle éclatée, Montréal organise déjà des navettes durant des événements comme les Journées de la culture. Pourquoi ne pas lancer un bus culturel reliant, à l'année, différents musées, maisons de la culture et autres lieux de diffusion?

BIENVENUE CHEZ NOUS

On les appelle les Greeters (hôtes) à Paris (le programme Parisien un jour, Parisien toujours), New York, Buenos Aires et Melbourne. Ce sont des bénévoles fiers de leur ville et de leur culture, assez pour en partager les secrets pendant quelques heures avec des touristes qui en redemandent. Montréal à la carte!

C'EST PAS PHYSIQUE, C'EST ÉLECTRIQUE

Montréal est-il vert ? Rotterdam, oui.Ony a ouvert leClubWatt, une disco-écolo où la piste récupère l'énergie des danseurs pour combler 60%de ses besoins en électricité. Londres et NewYork sont entrés dans la danse. Un slogan: «Tout ce que vous avez à faire est de danser pour sauver le monde.»

MEUH OUI !

Les Anglais l'ont fait à Manchester et Liverpool, d'autres Européens y songent. L'initiative Cow The Udder Way est une performance artistico-urbanistique qui consiste à mener pendant quelques jours des vaches ou des moutons brouter des terrains vagues en ville. Filmées, les interactions avec les citadins sont subliminales, semble-t-il. De plus, les déjections animales sont récupérées comme combustibles et cosmétiques !