À les voir discuter, se relancer, s'obstiner, on se demande comment Marie-Chantal Toupin et Eduardo Da Costa ont fait pour passer deux années sans se voir, sans se dire un mot. Après cette rupture amoureuse et professionnelle,

les revoici ensemble à temps pour le lancement d'un nouvel album À distance.

Attablés au café d'une station de radio montréalaise, Marie-Chantal Toupin montre du doigt Eduardo Da Costa, son ex-conjoint redevenu son agent depuis un an.

 

«C'est le premier qui écoute une toune et qui dit: «Marie, ça, c'est pour toi.» Je ne sais pas combien de fois je lui ai dit: celle-là, je ne suis pas sûre. Il répondait: «C'est un hit, fais-moi confiance.»

À les entendre, on comprend que celui que la rockeuse québécoise surnomme «mon Angélil» dans le livret de son nouvel album (À distance), ne s'est pas trompé souvent.

«Jamais!» fait Da Costa.

«Il ne s'est pas trompé encore», renchérit la chanteuse.

Avec Da Costa, Marie-Chantal Toupin est devenue l'une des valeurs sûres du disque québécois, celle dont les spectacles affichent complet et les albums se vendent bien au-delà du niveau désormais peu accessible des 100 000 exemplaires. «Non négociable, c'est moi qui l'ai sorti en 2005, rappelle Da Costa. On a vendu 104 000 albums en trois mois. Puis est arrivée la rupture. Et l'an dernier, le 24 septembre, Marie-Chantal m'a appelé pour me demander...»

«Pour faire une trêve, pour lui dire: je m'excuse, interrompt la chanteuse. Je n'avais pas d'arrière-pensée, j'avais un autre agent. Mais je ne me souvenais pas que, dans la tête d'Eduardo, il y a une machine à idées qui marche tout le temps. C'est de ça que j'avais besoin, on pense de la même façon. Il aurait aussi bien pu me dire sors de ma vie, on s'en fout de ta trêve, bye-bye, va t'en!»

«Je me suis permis de lui dire où elle s'était trompée pendant ces deux années-là, professionnellement je veux dire», précise Da Costa.

Ces erreurs, la chanteuse les assume, elle n'a aucun regret. Mais il lui a fallu ramer un bon coup pendant deux ans. Elle n'avait pas rompu uniquement avec Da Costa, mais avec toute son équipe, dont Claude Senécal, son principal auteur-compositeur et un ami de longue date.

«Je me suis retrouvée avec du monde qui ne me connaissait pas, j'étais chez Musicor, je ne savais pas où je m'en allais, personne n'était à l'écoute de ce que je disais, tout le monde était un peu mêlé, raconte-t-elle. On me dirigeait tout croche et je m'énervais parce que c'est moi qui dealais directement avec eux. J'étais en train de me rendre malade. Comme femme d'affaires, j'étais trop rough, je ne savais pas comment doser. Fallait que je fasse tous mes trucs, même les payes. J'arrivais sur scène, j'ouvrais mon coeur et en sortant quelqu'un me disait: «Il manque 20$ sur ma paye.» Fais-moi pas chier pour 20$!»

N'empêche, la vie a continué pour Marie-Chantal Toupin. «Je remplissais mes salles et vendais mes albums», dit-elle.

«Euh, non, intervient Da Costa. L'album live que vous avez sorti, vous n'en avez vendu que 20 000.»

«Juste 20 000 pour un album live au Québec? Lapointe n'en a pas vendu beaucoup plus On ne parle pas de ça», réplique la chanteuse.

«Marie, c'est une fille qui vend dans les 100 000» me dit Da Costa comme en aparté.» «Nous autres, on est ben drôles, on s'obstine toujours comme ça», ajoute la chanteuse comme si son agent ne l'entendait pas.

«Non, mais faut se dire les vraies affaires», conclut Da Costa.

Un disque pour le Québec

«La différence entre Non négociable et mon nouvel album, dit Marie-Chantal Toupin, c'est que cette fois, ma priorité, c'est le Québec.»

Elle le reconnaît aujourd'hui, Non négociable a été fait en fonction de la France avec «ses guitares derrière, ses séquences devant et ses nombreux auteurs français». Quand la chanteuse a coupé les ponts avec Da Costa, elle l'a aussi fait avec la France. «J'avais un contrat avec Universal France, je leur ai redonné leur argent et j'ai dit bye-bye. Je n'ai pas fait une croix sur la France, je vais peut-être y aller quand j'aurai 70 ans, je vais mettre mon dentier dans un verre d'eau et aller chanter de l'autre bord», dit-elle à la blague.

De tous ses albums, À distance est celui qui s'est fait le plus facilement, dit-elle. Entre deux spectacles, elle revenait à Montréal, passait quelques jours en studio où elle enregistrait ses chansons, la plupart du temps très rapidement. Au menu, onze chansons pop-rock en santé, dont au moins la moitié feront sans doute partie de ses classiques. Des chansons d'amour, bien sûr, mais d'autres aussi, plus sociales (Si je pouvais, Tu verras bien), dans le même esprit que Maudit bordel.

La chanteuse a collaboré à l'écriture d'une seule de ces nouvelles chansons, Comme un homme. «C'est un petit clin d'oeil, dit-elle. Mon but, ce n'était pas de brasser les hommes, mais de dire que moi aussi, ça m'arrive de tenir la télécommande et que personne n'y touche! J'ai demandé à ma soeur, à ma voisine, on est toutes comme ça même si on est des femmes.»

Un cadeau de Marjo

On trouve également sur ce nouvel album une chanson de Marjo, qui étonnera sans doute ceux qui croient encore que les deux chanteuses sont à couteaux tirés. Une ballade rock (Pas facile) que Marjo a enregistrée, mais n'a pas couchée sur un album.

«Le disque était pratiquement terminé quand j'ai reçu cette belle chanson, se rappelle Da Costa. Deux jours plus tard, on l'enregistrait. On a toujours voulu que Marjo nous écrive une chanson, on trouvait son adresse ou son numéro de téléphone et on lui laissait un message, mais elle n'a jamais rappelé. Un jour, elle sort un album et elle passe à Tout le monde en parle, où elle dit «lâche-moi avec la Toupin, parle-moi de moi!» Je peux comprendre. Cette chanson est venue tout naturellement, c'est un rêve, comme si Marjo tendait le flambeau à Marie-Chantal.»

«Il n'y a jamais eu de chicane, ajoute Marie-Chantal. À la place de Marjo, j'aurais probablement répondu quelque chose de pire!»

Celle qui roule

Marie-Chantal Toupin a passé le plus clair de sa carrière sur la route, sillonnant le Québec d'un bout à l'autre à la rencontre d'un public fidèle. Ce n'est pas un hasard si son album live (Non négociable, la tournée) a été enregistré à Sept-Îles et Baie-Comeau.

Elle chantera à l'Étoile de Brossard en février et à la salle André-Mathieu de Laval en mars, mais sa rentrée montréalaise n'aura lieu qu'à l'automne 2009. On pourra toutefois l'entendre au Théâtre Saint-Denis le 4 octobre prochain dans le cadre d'une conférence de Marc Gervais (Les enjeux de l'amour) avec qui elle travaillait avant même d'être connue. Au programme: une chanson après chacun des 10 segments de la conférence, dont deux extraites du nouvel album: «Si Marc parle d'un gars qui prend de la drogue et bat sa femme, et que cette femme capote parce qu'elle se pousse avec son enfant, moi, je chante Dans ton ciel. Parce qu'elle aimerait ça.»

Entre-temps, il y a le lancement de l'album au Métropolis lundi, où la chanteuse sera présentée par le boxeur Lucian Bute pour souligner qu'elle vient de s'associer à la Fondation Interbox, qui vient en aide aux jeunes en difficulté.

Pour cet album, Marie-Chantal Toupin s'est lancé un défi ambitieux. «Je veux prouver aux gens de l'industrie qu'on est encore capables de vendre des albums, dit-elle. Au Québec, le public est très fidèle, ce sont des gens très visuels qui ont besoin d'avoir le produit dans les mains, de regarder les photos, de lire les paroles, de les chanter avec moi, de lire les remerciements. Je vais en vendre 200 000, je vais travailler 24 heures sur 24 s'il le faut, mais je vais leur prouver que le public est encore derrière nous. C'est ça mon plus grand défi. Et ça ne me fait pas peur du tout. Peur, c'est un mot qui ne fait pas partie de mon vocabulaire.»

 

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