Elle a 57 ans, vient de divorcer et de quitter Rivière-du-Loup pour s'installer à Montréal et amorcer une nouvelle vie. Il a 20 ans, il surfe sur la vie entre deux cours au cégep et il cherche un projet pour se donner une raison d'exister. Les deux sont voisins du troisième étage d'un immeuble montréalais. En temps normal, Julie et Nicolas n'avaient rien pour devenir amis. Mais en temps de solitude, dans Le Palier, ils vont se lier et s'aider.

Pas facile de mettre le grappin sur Marie-Ginette Guay. Occupée par le tournage d'Aveux (écrite par Serge Boucher et réalisée par Claude Desrosiers), la comédienne a trouvé in extremis une heure dans son horaire pour me rencontrer. Dans quelques jours, Le palier prendra la scène de La Licorne, soit deux ans après sa création à Rouyn.

De cette première pièce de Jean-Guy Côté et Réal Beauchamp, Marie-Ginette Guay dit que c'est un texte très personnel, qui reflète probablement une réalité qu'a vécue les auteurs dans leur jeunesse. «Ils ont eu envie de parler de ces personnes qui sont seules, pour des raisons différentes. Ce qui est intéressant, c'est la relation qui se construit entre deux personnes d'univers différents, qui n'étaient pas dues pour se rencontrer», lance l'affable comédienne.

Établie à Québec, Marie-Ginette Guay qui a consacré sa carrière aux planches de la Vieille Capitale, insiste sur la simplicité voire la quotidienneté du texte de Côté et Beauchamp. Dans cette histoire de deux humains qui s'accompagnent et s'éclairent mutuellement, la théâtralité apparaît dans le rythme de l'écrite, et se tisse en petites choses, comme une broderie.

La solitude quotidienne

Lauréate du Masque dans la catégorie «régions» et en nomination pour les prix d'interprétation, Le palier a séduit le public de l'Abitibi et, en même temps, le directeur artistique de La Licorne, Jean-Denis Leduc.

En plus de révéler la qualité de l'écriture de Jean-Guy Côté et Réal Beauchamp, la pièce a fait connaître le jeune comédien Laurent Ratio, qui a décroché le rôle de Nicolas alors qu'il venait de graduer du Conservatoire.

Aux yeux de Marie-Ginette Guay, les personnages de Julie et Nicolas ne sont ni des paumés ni des êtres tragiques. «Pas du tout. Elle a pris la décision d'amorcer une nouvelle vie. Elle apprend qu'elle est malade, mais ce n'était pas dans son plan. Lui, qui n'a pas eu de famille, continue l'école, même s'il est un peu désemparé. Leur solitude est banale, normale. Ce qui les unit est le fait qu'ils soient à des moments charnières de leur vie. Ils ne sont pas dans un quotidien ordinaire: il se passe quelque chose.»

L'aidant ne sera pas celui qu'on aurait cru, dans cette pièce qui s'alimente de la nécessité de tisser des liens, lorsqu'il n'y a plus rien. Évidemment, le défi de «faire simple» est de ne pas verser dans le banal, la longueur. Une préoccupation dont était investi Frédéric Dubois, à chaque étape de la création. Aussi, le metteur en scène a-t-il veillé à ce que des scènes ne s'étirent pas inutilement, resserré la mise en scène et dosé la musique. «La construction de la pièce est intéressante, poursuit Marie-Ginette Guay. Il y a beaucoup d'ellipses de temps au début, comme si on voyait en accéléré les journées passer. Plus ça va, plus on embarque dans le quotidien.»

Au printemps 2009, Le palier sera recréé à Québec. Pour Marie-Ginette Guay, qui dirige le Périscope - lieu de diffusion pour des pièces de partout en province - ce genre de projet favorisant la rencontre entre artistes de différentes régions, correspond à un idéal. «Ce serait le fun si les échanges étaient plus fréquents entre Québec, Montréal et les autres régions. C'est mon dada, que tout se communique. C'est ce qui fait la richesse au théâtre.»

Le palier, texte de Réal Beauchamp et Jean-Guy Côté, dans une mise en scène de Frédéric Dubois, du 16 septembre au 4 octobre à La Licorne.