Pour fêter ses 10 ans, le Théâtre des Fonds de tiroir de Québec s'est offert un voyage nostalgique, en reprenant le spectacle qui l'a vu naître. Les mêmes créateurs, acteurs et scénographe retrouvent Ionesco avec La cantatrice chauve suivie de La leçon. «C'était pour nous un moyen de revenir à nos sources, pour voir comment nous avions évolué», dit le jeune metteur en scène Frédéric Dubois.

Repris sur la scène du Théâtre du Petit Champlain de Québec à l'été 2007, ce «programme double» Ionesco arrive cette semaine sur la scène itinérante du Théâtre Denise-Pelletier. «Il y a 10 ans, nous sortions tous du Conservatoire. Pour nous, ce spectacle était une façon de contrer toutes les règles, de faire tout ce que nos profs nous avaient dit de ne pas faire», relate Dubois, le directeur artistique des Fonds de tiroirs.

À l'époque, poursuit-il, cet exercice de «défoulement» était, pour lui et ses complices, un chemin vers la découverte d'une écriture théâtrale plus personnelle, brisant les carcans imposés par l'école. Dix ans plus tard, La cantatrice chauve et La leçon sont désormais investies d'un fond plus social et dénonciateur.

«C'est un texte qui parle d'angoisse, de solitude, de non-écoute, de difficulté à communiquer. Ces mots trouvent une résonance dans notre société, où des dizaines de magazines nous demandent constamment si nous sommes stressés, angoissés, si nous parlons avec notre conjoint, avec nos enfants Pour moi, cela traduit un isolement, un vide dans notre quotidien, la peur d'être soi-même.»

Ionesco le délinquant

Frédéric Dubois adore monter des spectacles pour ados, parce qu'il apprécie la franchise de leurs réactions, leur absence de méfiance et leur écoute. «Comme créateur, il n'y a pas la pression de la réussite à tout prix. Les jeunes sont toujours francs: s'ils n'aiment pas ça, ils te le disent tout de suite. J'adore cette clarté, cette netteté», dit celui qui trouve essentiel de faire sortir les ados des sentiers battus. «Nous avons présenté Zazie dans le métro à des groupes d'ados. Ils riaient, ils étaient transportés.»

Aussi, Dubois a constaté que la délinquance d'Ionesco, son côté «baveux», rejoint la sensibilité du jeune public. «Je pense que les jeunes se reconnaissent dans l'esprit déjanté, non classique et non formel de La cantatrice chauve», avance celui qui a constaté que bien souvent, les profs et les parents étaient bien plus scrupuleux que leurs élèves.

«Des profs ont exigé d'aller en salle de répétition, lorsque je montais un Tremblay, pour être certain que leurs élèves ne seraient pas froissés, parce qu'ils avaient peur que les acteurs sacrent. Je trouve que c'est nuire à tout le monde que d'offrir du tout cuit, du tout préparé aux jeunes.»

Dubois, qui signe la mise en scène de la pièce Le palier (qui cette semaine prend la scène de La Licorne), sera aussi de passage à l'Espace libre en janvier 2009, pour monter Rêvez, montagnes! , un texte d'Emmanuelle Jimenez.

Établi à Québec depuis la fin de son conservatoire, il soutient que la Vieille Capitale est «un terreau très fertile pour le théâtre». «Pour qui veut approfondir la pratique, Québec est très intéressante. Le milieu est petit, les artistes ne sont pas distraits par la chasse au casting, la télé et la pub. De toutes façons, je trouve que le plus important est de bien s'enraciner où on veut être. Après, ça devient simple de rayonner, d'exporter notre travail. Je me sens extrêmement choyé par toutes les occasions qui s'offrent à moi. Ça confronte, c'est bien.»

La cantatrice chauve suivie de La leçon, de Eugène Ionesco, dans une mise en scène de Frédéric Dubois, du 18 septembre au 28 octobre au théâtre Denise-Pelletier.